
On ne le dira pas assez. L’école publique marocaine n’arrive plus à garantir aux Marocains leur droit à un enseignement correct. Depuis des années déjà, l’Etat marocain est dans l’incapacité de redonner vie à Al Madrassa Al Watania, aujourd’hui dans une situation chaotique à tous les niveaux. Le constat n’étonne d’ailleurs personne.
Face à cette triste situation, signe de sous-développement de tout un pays, les Marocains ne cessent de migrer vers l’école privée, comme seule et unique alternative. Un secteur devenu prometteur, attirant de plus en plus le grand appétit des Moul Chekara de tout bord. En effet, en dix ans, le Royaume a enregistré un peu plus de 1 500 nouveaux établissements scolaires dans le public, alors que le privé a enregistré plus de 3 061 nouveaux établissements. Au titre de l’année scolaire 2019-2020, les chiffres démontrent que 36% des établissements scolaires au Maroc relèvent du privé.
En termes de nombre d’établissements dans le secteur au titre de l’année 2019-2020, les statistiques du Ministère de l’Education Nationale font état de 6 922 établissements adoptant le mode d’enseignement national, ayant réalisé un chiffre d’affaires de 19,8 MMDH en 2018.
Dans une étude sur les sources de revenus, le HCP a indiqué que le coût minimum de scolarisation d’un enfant varie de 1 087 Dhs dans le secteur public à 7 726 Dhs pour les enfants dans le secteur de l’enseignement privé, tout en précisant que les frais de scolarité ont plus que triplé entre 2001 et 2019, soit un taux passant de 1 227 Dhs à 4 356 Dhs en 2019.
Quant au nombre d’élèves, et d’après les données du Ministère, les établissements soumis au système national ont accueilli, en 2019- 2020, plus d’un million d’élèves (1 105 182 élèves) répartis entre les différents cycles, dont 37 000 inscrits dans les établissements étrangers présents au Maroc (représentant moins de 0,5% de l’ensemble des apprenants dans les différents cycles mentionnés). Les élèves scolarisés dans les établissements privés nationaux et étrangers représentent 15% de l’ensemble des apprenants (rapporté au total des élèves inscrits dans les établissements publics et privés nationaux et étrangers). Le personnel de ces établissements a atteint, au titre de l’année 2019-2020, plus de 401 335 personnes réparties comme suit : 45 755 cadres appartenant au corps enseignant, 23 744 agents qui s’acquittent des tâches de transport, de gardiennage et de nettoyage, et 71 925 cadres administratifs et superviseurs pédagogiques.
D’une autre part, le nombre des élèves suivant leur scolarité dans le système éducatif privé a enregistré un recul d’environ 6,4% dans l’ensemble. En raison de l’impact négatif de la pandémie de Covid-19 durant l’année scolaire 2020- 2021, bon nombre d’enfants scolarisés dans ce type d’enseignement ont migré vers l’enseignement public, ce qui explique le repli des inscriptions dans l’enseignement privé durant cette période.
Dans son dernier rapport, le Conseil de la Concurrence a préféré commencer par rappeler les débuts de l’enseignement scolaire privé au Maroc. Il s’agit, d’après ledit rapport, d’un secteur qui a subi de profondes mutations, depuis sa création sous le protectorat à aujourd’hui, sous l’impulsion de facteurs sociaux et de choix politiques ayant fortement influé sur ses modes d’organisation et réorienté les rôles qui lui sont assignés : ‘‘ A la fin des années 1970, le rôle des établissements scolaires privés s’est vu renforcé, dans l’objectif de remédier aux difficultés d’apprentissage rencontrées par certains élèves et de leur offrir une seconde chance de poursuivre leur parcours scolaire. Ensuite, au cours des années 1980, en ligne avec les orientations adoptées par le pays en marge du PAS, le secteur a été encouragé en vue de la réalisation des objectifs de généralisation de la scolarisation, notamment primaire, et parallèlement à la contribution à l’allègement du budget de l’Etat dédié à l’éducation. Au début des années 2000, le secteur de l’enseignement scolaire privé s’est développé de façon accrue…’’. Et le rapport de poursuivre que lors du discours royal prononcé le 20 août 2013, le Souverain a dressé un état des lieux des dysfonctionnements du secteur, soulignant que ‘‘la situation actuelle de l’enseignement s’est dégradée encore davantage, par rapport à ce qu’elle était il y a plus d’une vingtaine d’années. Ce recul a conduit un grand nombre de familles, en dépit de leurs revenus limités, à supporter les coûts exorbitants de l’inscription de leurs enfants dans les établissements d’enseignement relevant des missions étrangères ou dans le privé, et ce, afin de leur épargner les problèmes rencontrés dans l’enseignement public et leur permettre de bénéficier d’un système éducatif performant’’, tout en ajoutant que ‘‘la réponse tient au fait qu’ils cherchent un enseignement ouvert et de qualité, fondé sur l’esprit critique et l’apprentissage des langues, un enseignement qui permet à leurs enfants d’accéder au marché du travail et de s’insérer dans la vie active’’.
Il est important de constater qu’en plus d’une série de facilités en rapport avec les financements, l’Etat accorde une panoplie d’incitations fiscales et douanières importantes aux investisseurs des écoles privées. Pourtant, les citoyens continuent de payer très cher l’école privée. Plus grave encore, l’Etat n’exerce aucun contrôle sur les frais d’inscription et les mensualités… Idem pour la qualité de l’enseignement et des services liés à la cantine, la garde, le transport scolaire et autres activités parascolaires !
C’est dire à quel point l’incohérence est flagrante. Malheureusement, le débat n’intéresse visiblement personne. Normal, dit-on, puisque dans cette équation tripartite (Etat, Ecole Privée, Citoyen), tout le monde est gagnant, sauf nous…
Hassan Zaatit