
Le Premier ministre britannique Boris Johnson (g) et le négociateur du Brexit pour l'Union européenne Michel Barnier, le 17 octobre 2019 à Bruxelles © AFP/Archives Kenzo TRIBOUILLARD
L’Union européenne et le Royaume-Uni ont ouvert lundi les discussions sur leur future relation post-Brexit, dans un climat tendu et sous la pression d’un calendrier imposant la prudence sur les chances d’aboutir à un accord.
Le négociateur de l’UE, le Français Michel Barnier, et son homologue britannique, David Frost, se sont retrouvés en début d’après-midi pour un entretien d’une heure, donnant officiellement le coup d’envoi de ces discussions.
Le Britannique est arrivé peu avant 14H00 (13H00 GMT), sans dire un mot, dans les locaux de la Commission européenne, où l’attendait M. Barnier.
Un premier round de pourparlers entre leurs équipes, une centaine de personnes de chaque côté, est ensuite prévu jusqu’à jeudi avec un point presse de M. Barnier.
Après la publication la semaine dernière des mandats de négociation des deux camps, qui ont affiché avec vigueur leurs lignes rouges confirmant des divergences profondes, toute la question est de savoir si un terrain d’entente est possible.
En cas d’échec, c’est un « no deal » avec ses conséquences économiques brutales, pour le Royaume-Uni mais aussi pour le continent, qui s’imposera à la fin de la période de transition, le 31 décembre.
D’un premier bilan des négociations prévu en juin, le gouvernement de Boris Johnson a fait une date-butoir: il menace de claquer la porte dès l’été si les discussions s’enlisent.
– Message politique –
« Dans toute négociation, il y a toujours un peu de posture », remarque Fabian Zuleeg, du European Policy Centre (EPC).
Les discussions vont se dérouler en parallèle au sein de onze groupes de négociation, avec un thème pour chacun (commerce, transports, énergie, conditions de concurrence, pêche, coopération judiciaire notamment), alternativement à Bruxelles et Londres toutes les deux à trois semaines.
– « Diktat » –
Mais compte tenu du faible temps imparti, trois domaines sont prioritaires pour l’UE: les conditions de concurrence dans l’accord de libre-échange, le règlement des différends et la pêche. Trois sujets hautement inflammables, qui promettent de chaudes discussions.
L’UE n’est pas prête à brader l’accès de son marché de 440 millions de consommateurs, avertissant qu’elle ne conclura pas d’accord à « n’importe quel prix ».
L’accès des Britanniques à ce marché aux conditions proposées par l’UE de « zéro quota, zéro droit de douane » sera fonction de son respect de conditions loyales de concurrence, en particulier celui sur le long terme des normes européennes en matière de droit du travail, environnement, fiscalité et d’aides d’Etat. Pas question pour l’Union d’accepter une économie dérégulée à sa porte.
Or, Londres, qui revendique sa liberté commerciale après le divorce, martèle son refus de s’aligner d’office sur les règles européennes.
Autre pierre d’achoppement: la Cour de justice européenne. Les Britanniques refusent qu’elle ait un rôle dans le mécanisme de résolution des différends, comme le prévoit le mandat européen, au nom d’une relation entre « égaux souverains ».
Dernier sujet vital pour plusieurs Etats membres, France en tête: celui de la pêche. L’Union souhaite le maintien d' »un accès réciproque aux eaux territoriales » alors que Londres entend redevenir un « Etat côtier indépendant » et négocier chaque année l’accès à ses eaux.
L’UE a d’ores et déjà prévenu qu’il n’y aurait pas de traité commercial sans accord sur la pêche.
« Si Londres reste sur sa ligne, il ne peut pas y avoir d’accord. Le Brexit a toujours été une question politique, idéologique pas économique », souligne Fabian Zuleeg, doutant que l’inquiétude des milieux d’affaires soit suffisante pour peser sur Boris Johnson.
« Une zone d’atterrissage commune est possible » si les conditions d’un accord, en particulier sur la concurrence, « n’apparaissent pas comme un diktat, un copié-collé de l’alignement européen », estime une source européenne. Elle avertit « qu’il n’y a qu’un plan A et pas de plan B » puisque les Britanniques refusent toute prolongation des discussions au-delà de 2020.
LNT avec Afp