Pour la nouvelle année qui commence, les opérateurs économiques n’auront pas à s’inquiéter de l’amélioration de l’activité économique uniquement, ils doivent se réorganiser face aux mesures fiscales imposées par la Loi de Finances pour l’année budgétaire qui commence ! Et ce tout particulièrement pour la collecte et le paiement de la TVA.
C’est l’objet d’une note de la DGI destinée à informer les opérateurs publics et privés sur la grande réforme de la TVA entre autres et de « leur permettre de prendre les dispositions nécessaires pour la préparation de l’entrée en vigueur desdites mesures ».
En effet, la mise en œuvre de la grande réforme fiscale continue se consacrant cette année à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), selon une démarche progressive sur 2024, 2025 et 2026.
Selon la DGI, cette réforme vise trois objectifs fondamentaux. Le premier, d’ordre social, relève de l’exonération de cette taxe sur les produits de base de large consommation, pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages.
Le second se doit d’instaurer la neutralité économique à travers l’alignement des taux pour atténuer l’effet du butoir sur les entreprises.
Et le troisième, d’atteindre une certaine équité fiscale par des mesures facilitant l’intégration du secteur informel.
2024, s’annonce clairement être l’année de la réforme de la TVA dont les mesures spécifiques constituent les deux tiers des nouvelles mesures fiscales de la Loi de finances.
Toutefois, la réforme de la TVA ne porte pas uniquement sur un réajustement de ses taux pour la réduire finalement, à deux catégories uniques de 10% et 20%.
Il s’agit aussi de demander aux entreprises acteurs de la collecte de TVA, de jouer un rôle de « censeur » à la défaveur de leurs fournisseurs qui continuent à travailler « au noir » ou ne payent pas leurs factures dans les délais imposés par la loi, d’où la réorganisation nécessaire à cet effet !
Comme le précise la note de la DGI, « en vertu des dispositions de l’article 125-I V du CGI, les contribuables, assujettis à la TVA selon le régime de l’encaissement, doivent adresser avant le 1er mars 2024, au service local des impôts dont ils relèvent, une liste nominative des clients débiteurs au 31 décembre 2023, en indiquant pour chacun d’eux, le montant des sommes dues au titre des affaires soumises au taux de la TVA en vigueur à la date d’exécution des opérations de vente. Et la DGI d’interpeler précisément les contribuables de la TVA comme suit : « A cet effet, il y a lieu de préciser que lesdits contribuables doivent continuer à souscrire leurs déclarations périodiques de TVA jusqu’à acquittement des sommes dues au titre de leurs clients débiteurs, comportant le chiffre d’affaires exonéré et le chiffre d’affaires taxable relatif aux ventes entièrement exécutées et facturées avant le 1er janvier 2024.
D’autant que dans le cadre du renforcement des moyens de lutte contre les pratiques visant à éluder le paiement de la TVA, la LF pour l’année budgétaire 2024 a complété l’article 182 du CGI relatif à la solidarité en matière de TVA par le paragraphe II qui prévoit qu’en cas d’infraction aux obligations relatives à la déclaration et/ou au paiement prévues par le CGI, en matière de TVA, tout responsable de la gestion financière ou administrative de l’entreprise ou tout bénéficiaire effectif du montant de cette taxe non versée au receveur de l’administration fiscale, demeure solidairement redevable de la taxe due, des pénalités et majorations y afférentes.
Pour ce qui est des changements de taux de TVA, une généralisation de l’exonération de la TVA à certains produits de base de large consommation est engagée dans la loi de finances 2024. Dont les plus importantes sont : celle sur tous les produits pharmaceutiques, l’exonération des fournitures scolaires et des produits et matières entrant dans leur composition, celle de l’eau destinée à l’usage domestique et les prestations d’assainissement et les opérations de location du compteur d’eau, destinées au même usage. Nombre d’exonérations de la TVA seront appliquées à des produits de consommation courante comme le beurre dérivé du lait d’origine animale, les conserves de sardines, du lait en poudre et du savon de ménage. Outre les exonérations viennent les réductions de taux dont : une réduction progressive du taux de TVA applicable à la production de l’énergie électrique de sources renouvelables, énergie éolienne, solaire et hydraulique, à 12% à compter du 1er janvier 2024 et 10% à compter du 1er janvier 2025.
En revanche, la TVA applicable à l’énergie électrique doit passer progressivement à 20% soit : 16% en 2024, 18% en 2025 et 20% en 2026.
La TVA applicable aux opérations de transport urbain et des opérations de transport routier de voyageurs et de marchandises va elle baisser à 13% en 24, 12% en 25 et 10% en 26.
Alors que les autres opérations de transport de voyageurs et de marchandises passent à 16% de TVA en 24, 18% en 20% en 26.
Avec la diminution de la compensation, le sucre sera soumis quant à lui à la TVA au taux de 8% en 24, 9% en 25 pour se stabiliser à 10% en 26.
Au-delà de ces réajustements de taux de la TVA qui pour certains sont incitatifs et pour d’autres contraignants, de nouvelles mesures de la TVA sont axées sur l’intégration du secteur informel et se basent sur l’institution d’un nouveau régime d’autoliquidation de la TVA.
Un nouveau régime, heureusement « optionnel », d’autoliquidation de la TVA est donc institué afin de permettre aux personnes exerçant une activité passible de la TVA de calculer le montant de la TVA sur leurs achats effectués auprès de fournisseurs situés hors champ d’application de la TVA ou exonérés sans droit à déduction et de procéder, en même temps, à la déduction du montant de cette taxe à compter du 1er juillet 2024.
Mais aussi, de procéder à une retenue à la source qui doit être effectuée par les clients assujettis sur le montant de la TVA due au titre des opérations imposables effectuées par les fournisseurs de biens et de services qui ne présentent pas à ces clients, l’attestation justifiant leur régularité fiscale. Ce qui signifie que les entreprises doivent exiger cette dernière à tous leurs fournisseurs tous les 6 mois du fait de la validité de cette attestation sur le site de la DGI. Et surtout, elles se trouvent dans l’obligation de juger de la situation des fournisseurs qui ne la leur présentent pas, au risque de préférer ne plus travailler avec eux tout simplement pour n’endosser aucune responsabilité vis-à-vis de la DGI. Le montant de la retenue à la source visée ci-dessus doit être versé au receveur de l’administration fiscale au cours du mois qui suit celui de chaque paiement.
Enfin, la DGI établira une liste des opérateurs et activités qui peuvent être soumis au régime de retenue à la source de la TVA. Ainsi, la réforme de la TVA sur 3 ans se fera avec l’aide des contribuables ou ne réussira pas, d’autant que l’enjeu principal reste de freiner le développement du secteur informel.
Afifa Dassouli
L’élargissement du champ d’application de la TVA pour appréhender le commerce numérique, est la plus importante des dispositions de la réforme de la TVA !
La croissance de l’économie numérique, notamment la fourniture en ligne de services dématérialisés par des fournisseurs non-résidents à des consommateurs finaux, a entraîné des défis majeurs pour les systèmes de la TVA dans le monde entier.
Dans le cadre de la réforme visant notamment l’élargissement du champ d’application appréhender, en matière de TVA, les prestations de service fournies à distance de manière dématérialisée par une personne non-résidente n’ayant pas d’établissement au Maroc à un client ayant son siège, son établissement ou son domicile fiscal au Maroc ou à un client résidant à titre occasionnel au Maroc.
A cet effet, deux mesures sont introduites :
– la révision des règles de la territorialité de la TVA prévues à l’article 88 du CGI, afin de consacrer le principe de taxation desdites prestations ;
– l’institution dans l’article 115 bis du CGI de l’obligation d’identification des fournisseurs non-résidents desdites prestations sur une plate-forme électronique ainsi que l’obligation de déclaration de chiffre d’affaires réalisé et de versement de la taxe due au Maroc.
Les modalités d’application de cette mesure seront fixées par voie réglementaire.