En septembre 2023, sous l’égide du Roi Mohammed VI, l’élan pour une réforme de la Moudawana a été enclenché, donnant au gouvernement six mois pour mener des consultations nationales et élaborer une nouvelle version du Code de la famille.
Dans cette quête d’égalité et de justice, Mme Nouzha Skalli, Présidente du Think Tank Awal Houriates, ancienne ministre du développement social, de la famille et de la solidarité, a exposé, lors d’une conférence organisée mercredi 7 février, sous le thème « Quelles familles pour le Maroc du 21ème siècle », des propositions visant à remanier en profondeur la Moudawana.
La question de la garde des enfants est au cœur des préoccupations de Mme Skalli. Actuellement, les mères se retrouvent souvent seules à supporter financièrement leurs enfants, malgré une contribution financière minimale des pères. Pour remédier à cette injustice, elle préconise un partage équitable du pouvoir de tutelle entre les deux parents. Que ce soit en cas de garde attribuée à la mère ou lorsque les parents sont toujours mariés, la tutelle devrait être partagée, mettant fin au monopole masculin sur cette question.
En cas de divorce, la garde est généralement octroyée à la mère, mais sous la menace constante de la lui retirer si elle se remarie. Cette logique entrave même les possibilités de vie des femmes divorcées qui renoncent souvent au remariage pour ne pas perdre la garde de leurs enfants. Pour Mme Skalli, il est primordial de revoir ces pratiques et d’établir des rapports qui tiennent compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’égalité des droits entre les sexes.
Une enquête de terrain menée sur une année dans différentes régions du Royaume a également mis en lumière le sort précaire de nombreuses femmes abandonnées avec leurs enfants. Il est crucial, selon Mme Skalli, de reconnaître pleinement la contribution des femmes, que ce soit sur le plan économique ou au sein du foyer. Trop souvent, leur travail domestique et leur rôle dans l’éducation des enfants restent sous-évalués, occultant ainsi leur véritable apport à la société.
Mme Skalli a également soulevé la question des mères célibataires et la reconnaissance des enfants nés hors mariage, qui affirme-t-elle sont des enjeux cruciaux qui nécessitent une réflexion approfondie : « Trop souvent, les femmes se retrouvent abandonnées après avoir eu des promesses de mariage, laissant les mères célibataires et leurs enfants dans une situation précaire et marginalisée ».
Concernant l’égalité en matière d’héritage, Mme Skalli appelle à modifier les articles relatifs à la succession et au partage de l’héritage dans le Code de la famille. Cette démarche souligne l’importance de consacrer davantage le principe de l’égalité homme-femme dans la législation.
Les propositions de Mme Skalli s’inscrivent dans un mouvement plus large de réforme de la Moudawana. Plusieurs groupes de défense des droits des femmes appellent à une révision des lois sur le mariage et le divorce pour garantir une plus grande égalité entre les conjoints, ainsi qu’à des mesures concrètes pour protéger les femmes contre les mariages précoces et la violence domestique. L’autonomisation économique des femmes est également un axe majeur de ces revendications, visant à renforcer l’accès des femmes à l’éducation, à la formation professionnelle et à l’emploi.
En somme, les propositions de Mme Nouzha Skalli, ainsi que celles émanant des différentes associations et partis politiques, représentent un pas significatif vers une Moudawana plus égalitaire et respectueuse des droits des femmes au Maroc. En mettant en lumière les inégalités persistantes et en proposant des solutions concrètes, elles s’inscrivent dans une dynamique de changement et d’émancipation, appelant à une réforme profonde et nécessaire pour une société marocaine plus juste et inclusive.
Rappelons que Nouzha Skalli est une militante politique et de la société civile, reconnue pour son engagement en faveur des droits des femmes et de l’égalité des sexes. Ancienne Ministre du Développement Social, de la Famille et de la Solidarité, elle est la fondatrice et présidente du Think Tank AWAL Houriates, œuvrant pour les droits humains et la pleine citoyenneté. Skalli a également été députée et première femme cheffe de groupe parlementaire au Maroc. Son combat inclut la lutte contre le travail domestique des fillettes, le mariage précoce, et pour l’éradication de la peine de mort. Elle a également fondé plusieurs organisations locales et a reçu plusieurs prix nationaux et internationaux pour son travail, notamment la Médaille d’Or du Président de la République Italienne pour sa contribution à la promotion des droits des femmes au Maroc.
A. Loudni