Sa Majesté le Roi Mohammed VI a donné son aval au lancement du volet législatif de la réforme de la Moudawana, le Code de la famille marocain dont la dernière révision majeure était déjà à l’initiative du Souverain en 2004. Vingt ans plus tard, le dernier recensement de la population réalisé par le HCP, peint une réalité marocaine bien différente de celle qui prévalait au début du siècle, et témoigne que les textes juridiques, qui sont des régulateurs des interactions sociales en général, doivent évoluer en concomitance avec la société.
La lutte pour la liberté des Femmes et leurs droits, le féminisme, le 8 mars, tout cela relève de l’action volontariste, de la mobilisation pour une cause juste. Mais seul, ce combat ne peut suffire à renverser la vapeur et à changer les comportements collectifs. En revanche, l’évolution naturelle de la société marocaine, sa modernisation portée par son développement économique et son ouverture accrue sur le monde, les changements de paradigme sociétaux avec une population qui procrée moins et qui a tendance désormais à vieillir, engendrent une redéfinition objective de la place des femmes dans notre pays qu’il est désormais difficile de nier ou de contester.
La réforme en cours ratisse large en termes de consensus national, des Oulémas au mouvement féministe marocain, en passant par nos « think tanks », pour atterrir chez nos parlementaires et enfin dans les foyers marocains. Et, qu’on se le dise, les Marocains ne sont pas contre cette réforme, d’abord parce que ceux qui ne changeront pour rien au monde leur manière de penser et de faire, continueront à s’y opposer, et ensuite parce que tous les autres vivent dans la nuance, et sont concernés directement ou indirectement via leur entourage par tous les sujets que cette réforme englobe.
Parce qu’il faut le rappeler, la Moudawana est le Code de toute la famille, elle régit les interactions, les droits et les responsabilités de tous les membres de la cellule familiale. La femme n’en est qu’une partie, et ne pas évoquer toute la complexité de l’impact d’une des relations de cette cellule sur les enfants ou l’homme, est un risque de voir cette réforme par un prisme morcelé plutôt qu’holistique.
Par exemple, si la protection des enfants est érigée en priorité conformément aux valeurs de notre société et à nos engagements internationaux, les mineures encore sujettes au mariage précoce ne doivent être exclues du raisonnement sous aucun prétexte, de même que la polygamie ne trouve plus aucune légitimité dans l’état actuel de notre société. Et parce que le monde dans lequel nous vivons est brutal, si l’intérêt des enfants doit être respecté, la tutelle partagée ne peut pas être contestée, parce que le rôle de la mère, quel que soit l’état de sa relation avec le père des enfants, ne peut être remplacé auprès d’eux.
Sur le plan pratique également, la réforme doit apporter une meilleure application des textes qui dans certains cas ne font toujours pas le poids face à la réalité empirique. Ainsi, réduire la complexité des litiges conjugaux et alléger les charges financières des justiciables permettrait objectivement un meilleur accès à la justice, particulièrement pour les femmes en situation de vulnérabilité.
En réalité, cette réforme globale est aussi symbolique et s’inscrit dans un contexte où le Royaume cherche à devenir un modèle régional en matière de justice sociale et d’égalité. Et, cette exemplarité à laquelle le Maroc aspire, passe par des réformes de fond qui sanctionnent à la fois les évolutions observables de notre pays et de sa société, mais aussi les ambitions que l’on se fixe pour l’avenir. À ce titre, il est grand temps que nos mères, femmes, sœurs et filles, bénéficient de notre protection collective inconditionnelle, juridique, légale, gravée dans le marbre.
Zouhair Yata