Mohamed Charfi, président de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) lors d'un discours à Alger, le 2 novembre 2020 © AFP RYAD KRAMDI
Le « oui » l’a emporté au référendum en Algérie sur la révision constitutionnelle proposée par le pouvoir, mais le scrutin a été marqué par une abstention record historique qui constitue un désaveu cinglant au président Abdelmadjid Tebboune, actuellement hospitalisé à l’étranger.
Le « oui » a recueilli 66,8% des voix, a annoncé lundi Mohamed Charfi, président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), lors d’une conférence de presse en saluant « la probité et la transparence du scrutin ».
Mais le taux de participation final s’est établi à 23,7%, selon l’ANIE, un plus bas historique pour un référendum en Algérie.
Seulement un électeur sur cinq en Algérie a voté en faveur de la nouvelle Constitution. La participation de la diaspora se réduit à 5%.
Cette abstention record, seul véritable enjeu du vote dimanche boycotté par l’opposition, constitue un revers majeur, sinon humiliant, pour un régime confronté depuis février 2019 à un soulèvement populaire inédit, le « Hirak ».
« Il s’agit d’un camouflet pour un président en quête de relégitimation après une investiture contestée », a affirmé à l’AFP Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) à Genève.
La présidence algérienne a estimé lundi soir que « les résultats du référendum (…) sont l’expression « réelle et intégrale » de la volonté du peuple.
Ils sont « à la hauteur de l’ attente (du gouvernement) dans un contexte particulièrement contraignant marqué par les mesures préventives de lutte contre le Coronavirus (Covid-19) », assure le communiqué qui ne fait aucune mention de la santé du président.
Grand absent du scrutin, M. Tebboune, 74 ans, a été transféré mercredi soir dans un « grand établissement spécialisé » en Allemagne pour des « examens approfondis » après l’annonce de cas suspects de coronavirus dans son entourage. Aucun détail n’a filtré sur son état mais peu d’Algériens doutent qu’il est atteint du Covid-19.
– « Grande victoire du Hirak » –
La victoire du « oui » ne faisait guère de doute tant la campagne électorale, qui a laissé la population largement indifférente, a été à sens unique.
Les partisans du « Hirak » avaient prôné le boycott et les islamistes appelé eux à voter « non ».
« Le résultat confirme l’échec des projets du pouvoir en place et son incapacité à concrétiser un consensus national autour de la Constitution », a jugé le président du principal parti islamiste, le MSP (Mouvement de la société pour la paix), Abderrazak Makri.
Après l’annonce des résultats, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), a tweeté: « Une grande victoire du Hirak (…) Le pouvoir doit prendre acte de son échec et reconsidérer sa feuille de route. Le processus de transition démocratique constituant est la solution ».
Les « hirakistes » avaient rejeté « sur le fond et la forme » la révision constitutionnelle perçue comme un « changement de façade ».
– « La voie au désordre » –
M. Tebboune a fait de la révision de la Constitution, la énième depuis l’accession à l’indépendance en 1962, son projet phare et a tendu au début la main aux manifestants du « Hirak populaire authentique béni ».
Mais les militants du « Hirak » réclament un profond changement du « système » en place depuis 1962. En vain jusqu’à présent, même si le mouvement a poussé Abdelaziz Bouteflika à la démission en avril 2019 après vingt ans de règne.
De fait, la nouvelle Constitution met en avant une série de droits et de libertés mais n’offre pas de changement politique majeur: elle maintient l’essentiel d’un régime « ultra présidentialiste ».
« Persister dans cette démarche et promulguer une Constitution rejetée par 86,3% des électeurs, c’est ouvrir la voie au désordre porteur de tous les périls », a averti le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), un des principaux partis de l’opposition.
Le référendum s’est déroulé dans un climat de répression « implacable » ciblant militants du « Hirak », opposants politiques, journalistes et internautes, selon les défenseurs des droits humains.
Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), qui soutient les prisonniers d’opinion en Algérie, quelque 90 personnes sont actuellement derrière les barreaux, la plupart pour des publications sur Facebook.
LNT avec Afp