
Dans cet entretien, Réda Berrehili nous fait découvrir sa passion pour l’informatique et l’entrepreneuriat. Il nous dévoile comment cette passion précoce pour la technologie a façonné son parcours professionnel, des premiers pas dans la création de sites web jusqu’à ses initiatives d’investissement et d’éducation.
Pouvez-vous nous parler des premiers moments où vous avez découvert votre passion pour l’informatique et comment cette passion a façonné votre parcours professionnel jusqu’à présent ?
J’ai découvert ma passion pour l’informatique dès ma plus tendre enfance. À 11 ans, alors que notre foyer n’était pas encore équipe d’une connexion internet, je créais déjà des sites web depuis ma chambre et les transportais sur des disquettes afin de les mettre en ligne depuis un cybercafé.
Cette fascination précoce pour la technologie était plus drivée par la capacité de rapidement créer des produits qui impacteraient la vie des gens, et ce, depuis ma chambre d’adolescent. J’ai tout de suite su que ces skills allaient guider mes ambitions, mon parcours académique et professionnel, m’orientant vers des études en ingénierie informatique ensuite vers l’entrepreneuriat et finalement l’investissement.
Squarebreak a été une réussite remarquable dans votre parcours entrepreneurial. Pouvez-vous nous décrire les défis que vous avez rencontrés lors de sa création et de son développement ?
Le développement de Squarebreak a présenté plusieurs défis, notamment la structuration d’un modèle économique viable et l’adaptation aux exigences du marché de la location de vacances. Un des métiers les plus complexes à opérer.
Le principal défi était d’intégrer les services hôteliers à un ensemble de propriétés hétérogènes dispersées en Europe. Pour ce faire, nous avons développé une technologie propriétaire qui nous a permis de mener les opérations avec le support d’équipes opérationnelles indépendantes locales.
On a donc réussi, grâce à la technologie à créer un modèle scalable avec une structure de coût variable tout en maîtrisant la qualité du service fourni. Bien évidemment, cette force nous a attisé l’intérêt d’un mastodonte du marché qu’est Accorhotels qui s’est empressé de nous racheter.
Vous avez joué un rôle important dans la création de 212Founders, un programme d’accompagnement et d’investissement au Maroc. Comment voyez-vous l’évolution de l’écosystème entrepreneurial technologique au Maroc depuis sa création ?
Je perçois l’évolution de l’écosystème entrepreneurial technologique au Maroc comme extrêmement positive depuis la création de 212Founders. En participant à la création de ce programme, j’ai voulu aider à l’apparition du type d’accompagnement que j’aurais rêvé d’avoir en tant qu’entrepreneur au Maroc : un programme capable non seulement d’éduquer à l’entrepreneuriat tech, mais également de financer et d’accompagner les startups dans leur phase de croissance intense.
Je suis par ailleurs convaincu que la force du Maroc réside dans son capital humain de qualité, qui est non seulement présent localement mais aussi dispersé à l’échelle internationale. Cela représente une opportunité unique pour le pays de capitaliser sur ces talents pour stimuler l’innovation et la croissance économique.
En termes d’impact, le soutien apporté aux entrepreneurs locaux a déjà porté ses fruits avec des startups comme Inyad, qui a récemment levé l’un des plus gros tours de financement de l’histoire du Maroc, mais aussi Userguest, Hsabati, LNKO, et de nombreuses autres structures. Toutefois, je pense que notre plus grand impact pourrait être réalisé auprès des entrepreneurs marocains à l’étranger, en les aidant à reconnecter avec l’écosystème local et à contribuer à son développement. Ce lien renforcé entre le Maroc et ses talents internationaux pourrait être la clé pour accélérer encore davantage le développement de notre écosystème entrepreneurial tech.
Vous avez également investi dans de nombreuses startups en France. Quels critères guident votre processus d’investissement et comment sélectionnez-vous les startups dans lesquelles vous investissez ?
Mon processus d’investissement repose principalement sur l’évaluation rigoureuse de plusieurs critères clés, notamment la composition et la dynamique de l’équipe fondatrice, le marché ciblé, et la viabilité du modèle économique de la startup.
L’équipe est le facteur le plus crucial dans ma décision d’investir. Une équipe idéale doit être résiliente, ambitieuse, et à l’écoute, tout en ayant des convictions fortes. Cela signifie que les fondateurs doivent pouvoir s’adapter aux feedbacks et aux défis du marché tout en restant fermes sur leurs visions et objectifs à long terme. Cette combinaison de flexibilité et de détermination est essentielle pour naviguer dans les hauts et les bas du parcours entrepreneurial.
En outre, la complémentarité des compétences au sein de l’équipe est également essentielle. Typiquement, un équilibre entre un CEO avec un profil orienté produit ou marketing, et un CTO qui maîtrise l’aspect technique, est souvent efficace. Dans certains cas, un troisième co-fondateur se concentrant sur les ventes peut compléter ce duo, surtout dans des marchés où les interactions directes avec les clients sont cruciales. Cette répartition des rôles assure que les principaux aspects de la gestion d’une startup technologique soient couverts efficacement, maximisant ainsi les chances de succès.
Le marché adressé doit non seulement être large et profond, mais aussi permettre un modèle économique répétable et évolutif. Cela implique que la startup doit avoir la capacité de générer des revenus récurrents et de maintenir des interactions régulières avec ses clients, ce qui contribue à une croissance soutenue et à une plus grande prévisibilité des flux de revenus.
Enfin, je préfère investir dans des startups qui ont déjà démontré une certaine traction commerciale. La présence de revenus significatifs est une preuve concrète que le produit ou service répond à un besoin réel du marché et que l’équipe a la capacité d’exécuter son modèle d’affaires. Cela valide aussi en partie l’efficacité de l’équipe et la pertinence du marché ciblé.
En somme, ces éléments combinés guident mon processus de sélection et de décision d’investissement dans les startups, avec un accent particulier sur la force et la complémentarité de l’équipe, ainsi que sur la solidité et la scalabilité du modèle d’affaires.
Le fonds d’investissement Gemstone que vous avez cofondé vise à soutenir la diaspora marocaine. Pouvez-vous nous en dire plus sur les objectifs et les initiatives de ce fonds ?
La création du fonds d’investissement Gemstone est le fruit d’une vision stratégique visant à connecter, soutenir et capitaliser sur le potentiel entrepreneurial de la diaspora marocaine à travers le monde. Ce fonds s’inscrit en continuité avec les efforts précédemment entrepris par 212 Founders, qui a joué un rôle crucial dans l’émergence d’un écosystème d’entrepreneurs au Maroc, et par la création de Klub, une communauté d’investisseurs axée sur le financement de startups en phase d’amorçage.
L’objectif de Gemstone est ambitieux et clairement défini : identifier et investir dans les 30 startups les plus prometteuses fondées ou cofondées par des Marocains autour du globe au cours des 7 prochaines années. Notre mission ne se limite pas à fournir un financement initial; nous aspirons à guider ces startups sur la voie de devenir des entreprises valorisées à un milliard de dollars ou plus. Cela implique un accompagnement stratégique poussé, des conseils en gestion, en stratégie commerciale et en expansion de marché, afin d’assurer que ces entreprises ne se contentent pas de survivre mais qu’elles prospèrent et redéfinissent les industries dans lesquelles elles opèrent.
Concernant les critères de sélection, Gemstone cible principalement des startups en phase de Seed à pré-Série A. Nous recherchons des entreprises qui utilisent la technologie pour remettre en question le statu quo et introduire des innovations disruptives dans leurs secteurs respectifs. Cette focalisation sur la tech est essentielle car elle permet non seulement une scalabilité rapide mais aussi un potentiel de transformation significatif sur les marchés globaux.
En somme, Gemstone ne cherche pas seulement à financer des startups, mais à construire un pont entre la diaspora marocaine et les opportunités globales d’innovation et de croissance économique. Nous voulons créer un réseau où les entrepreneurs marocains peuvent bénéficier du soutien, des ressources et des connexions nécessaires pour exceller sur la scène internationale.
En plus d’être un investisseur, vous êtes également un mentor et un éducateur passionné. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs qui cherchent à se lancer dans le domaine de la technologie et de l’innovation ?
Je conseillerais aux jeunes entrepreneurs de rester curieux, de continuer à apprendre et de ne pas avoir peur de l’échec. L’entrepreneuriat dans le domaine technologique nécessite une capacité à anticiper les tendances et à innover constamment et surtout à ne jamais baisser les bras. J’ai de mon côté aussi échoué, mais j’ai toujours cru en ma capacité à réussir, je n’ai donc jamais lâché l’affaire.
Il est aussi important de construire un réseau solide et de chercher activement des mentors.
Comment voyez-vous l’avenir de l’entrepreneuriat technologique, à la fois au Maroc et en Europe, et quelles sont les tendances émergentes qui pourraient façonner ce
futur selon vous ?
L’avenir de l’entrepreneuriat technologique, tant au Maroc qu’en Europe, est prometteur et je suis convaincu qu’il sera profondément influencé par plusieurs tendances émergentes, notamment l’intégration croissante de l’intelligence artificielle (IA) dans tous les secteurs d’activité.
Globalement, nous assistons à un changement de paradigme majeur avec l’intelligence artificielle qui s’infiltre dans les opérations des entreprises, transformant radicalement leur efficacité opérationnelle. L’IA permet une automatisation accrue, une prise de décision améliorée grâce à des analyses de données avancées, et une personnalisation des services qui n’était pas envisageable auparavant. Par exemple, dans le secteur des technologies de la santé, l’IA peut révolutionner le diagnostic et le traitement des maladies grâce à des algorithmes capables de détecter des anomalies que les méthodes traditionnelles ne peuvent pas, augmentant ainsi les chances de traitement réussi à un stade précoce.
Au Maroc, trois secteurs se détachent particulièrement : l’Agritech, la HealthTech et la Fintech. L’Agritech est particulièrement prometteur au Maroc en raison de la taille de son marché agricole, évalué à plus de 10 milliards de dollars. Il y a une immense opportunité pour l’innovation dans ce domaine, que ce soit par le biais de la biotechnologie, de l’automatisation des processus agricoles, ou de solutions de gestion de l’eau plus efficaces. Cette capacité d’innovation dans l’Agritech peut non seulement améliorer la productivité et la durabilité de l’agriculture marocaine mais également créer une valeur substantielle pour les entrepreneurs dans ce secteur.
Dans le domaine de la HealthTech et de la Fintech, les opportunités ne sont pas moins significatives. La HealthTech au Maroc peut bénéficier de l’IA pour améliorer l’accès aux soins médicaux dans des zones moins desservies, tandis que la Fintech peut transformer les services financiers, en rendant les transactions plus sûres, plus rapides et plus accessibles à une population plus large, y compris dans les zones rurales.
L’avenir de l’entrepreneuriat technologique au Maroc et en Europe semble donc très prometteur, avec des innovations en IA qui vont redéfinir les pratiques commerciales standard et optimiser l’efficacité opérationnelle. En parallèle, des secteurs spécifiques comme l’Agritech, la HealthTech et la Fintech au Maroc présentent des opportunités uniques pour le développement de solutions locales qui répondent aux défis spécifiques de la région, tout en ayant le potentiel de s’exporter à l’international. Ces évolutions montrent clairement que l’entrepreneuriat technologique continuera de jouer un rôle crucial dans la transformation économique et sociale, à la fois localement et à l’échelle mondiale.
Propos recueillis par Asmaa Loudni