L’année 2020 aura été particulièrement mouvementée pour Bank Al Maghrib, dans un contexte de crise sanitaire et économique. La Banque centrale a dû être réactive pour limiter les conséquences de la crise sur le secteur bancaire, et donc sur l’économie marocaine en général. La présentation du rapport sur la supervision bancaire, pour laquelle Mme Hiba Zahoui, Directrice de la supervision bancaire chez BAM, a réuni la presse mardi 27 juillet 2021, a été l’occasion de dresser le bilan d’une année au contexte inédit, et de faire le point sur le secteur bancaire et les mesures prises pour le soutenir.
Un crédit qui se maintient
La structure du secteur a peu évolué en 2020, à l’exception de l’explosion du nombre d’agents d’établissements de paiement après les agréments délivrés. Le nombre d’agences bancaires s’est rationnalisé, avec 29 unités de moins, conséquence de la montée du digital. Le nombre de Marocains possédant un compte bancaire continue de progresser (+1% à 53%), avec un taux toujours plus faible chez les femmes (40% contre 67%).
Le crédit bancaire « a pu se maintenir », a expliqué Mme Zahoui, grâce au crédit Damane, qui permet à l’encours total de progresser de 4,1%. Au niveau des particuliers, le début d’année a vu un net ralentissement de la croissance du crédit, à cause de la période de confinement principalement. « À partir de la levée des principales mesures, on a vu une accélération du crédit, surtout habitat », a noté Mme Zahoui. Du côté des entreprises, « le crédit de trésorerie a été celui qui a le plus soutenu l’évolution des crédits bancaires », sans surprise, le climat d’incertitude n’étant pas propre à l’investissement. Ce crédit de trésorerie a été soutenu lui-même par les mesures de prêts garantis de l’Etat, pour un encours total des crédits ayant bénéficié du moratoire depuis le début de la crise, de 116 MDH, dont 68% sont normalisés, et 4,4% sont en défaut. Rappelons qu’il était possible de renouveler ou prolonger le moratoire après requête.
Pour sa part, l’encours des crédits Relance s’est établi à 44,3 MMDH à fin juin 2021
Ces crédits, qui sont des prêts de trésorerie mis en place au cours de la période post-confinement pour répondre aux besoins de toutes les catégories d’entreprises pour la relance de leurs activités, ont profité à 50.100 entreprises. S’agissant des crédits Oxygène, qui sont des prêts de trésorerie mis en place pendant la phase de confinement pour répondre aux besoins de trésorerie des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) et des entreprises de taille intermédiaire ayant connu une baisse d’activité en raison de la crise sanitaire covid-19, leur encours s’est chiffré à 17,7 MMDH pour 49.500 bénéficiaires. 94,4% de ces crédits ont été transformés à moyen terme. En outre, le nombre de bénéficiaires des crédits Intelaka s’est élevé à 26.500, avec un encours de 5 MMDH. Une proportion de 16% de ces crédits a profité au milieu rural.
Pour ce qui est des dépôts de la clientèle, le contexte d’incertitude, comme il a été expliqué plusieurs fois dans nos pages, a provoqué un rush vers les liquidités, avec une accélération de la collecte des dépôts à vue. Ces incertitudes ont également plombé les dépôts à terme de -9,5%, tandis que les comptes à vue créditeurs ont nettement progressé de 10,2%. Notons tout de même que la barre des 1000 MMDH de dépôts clientèle a été dépassée en 2020.
Une résilience confirmée
Au niveau des résultats, le RN des banques s’est établi à 6,8 MMDH au titre de l’année 2020, en repli de 43,2% par rapport à 2019, selon Bank Al-Maghrib. Cette évolution est attribuable à la baisse de certaines activités pendant le confinement, la montée du coût du risque et les contributions au Fonds spécial pour la gestion de la pandémie de Covid-19. Après une hausse de 4,9% une année auparavant, le produit net bancaire (PNB) s’est maintenu à 49,5 MMDH, « relativement flat », selon Mme Zahoui, reflétant une hausse de la marge d’intérêt, une baisse de la marge sur commissions et une stagnation du résultat des opérations de marché. Avec une part de 68% du PNB, la marge d’intérêt s’est améliorée de 3,4% à 33,5 MMDH, tirée par celle réalisée sur les opérations avec la clientèle, bénéficiant d’une baisse du coût des ressources collectées auprès de ladite clientèle et, dans une moindre mesure, par la baisse de la charge nette d’intérêt sur les opérations sur titres.
Le produit net d’intérêt sur les opérations avec la clientèle, composante prépondérante de la marge d’intérêt, s’est accru de 2,8% à 33,2 MMDH reflétant la progression des encours de crédit et une hausse limitée des intérêts perçus sur les crédits de 0,2% à 41 MMDH, dans un contexte de baisse du taux directeur et d’encadrement des taux d’intérêts assortissant les prêts garantis par l’Etat en relation avec la crise de Covid-19.
Pour leur part, les intérêts servis sur les dépôts ont baissé de 9,5% à 7,7 MMDH, sous l’effet de la montée de la part des dépôts non rémunérés à près de deux tiers des dépôts, conjuguée à une baisse des taux de rémunération de l’épargne. Le produit net d’intérêt sur les opérations avec les établissements de crédit et assimilés a reculé de 1,4% à 1,1 MMDH, reflétant une baisse des intérêts servis sur les emprunts de 8,5% à 3,2 MMDH, plus prononcée que celle des produits perçus sur les prêts de 6,7% à 4,3 MMDH. Tout en restant négatif, le produit net d’intérêt sur titres de créance s’est atténué d’un solde de 990 millions de dirhams (MDH) à 802 MDH. Cette évolution traduit une hausse des intérêts servis sur les titres de créance émis de 6,9% à 3,9 MMDH, atténuée par une progression de 16,6% des intérêts perçus sur les titres détenus à 3 MMDH.
La baisse de certaines activités due aux mesures de protection sanitaire a induit une contraction de la marge sur commissions de 4,7% à 7,3 MMDH, reflétant un recul des commissions perçues de 5,9%. A ce titre, les commissions perçues sur prestations de services ont totalisé 7,8 MMDH, marquant un recul de 4,7%, en relation avec la baisse des commissions sur moyens de paiement de 4,1% à 2,8 MMDH. Pour leur part, les commissions perçues sur fonctionnement de comptes se sont stabilisées à 1,6 MMDH, alors que les commissions sur les prestations des services de crédit ont baissé de 2,6% à 524 MMDH et celles perçues sur ventes des produits d’assurance se sont contractées de 5,4% à 330 MDH. Le résultat des activités de marché s’est stabilisé à 8,4 MMDH, reflétant une baisse du résultat des opérations sur titres de transaction de 3,3% à 5,4 MMDH et du résultat des opérations de change de 1,8% à 2,8 MMDH. A l’inverse, le résultat sur titres de placement a augmenté de 47,6% à 330 MDH et celui sur produits dérivés, tout en demeurant négatif, est passé de 261 MDH à 131 MDH.
Un risque qui a explosé
La plus forte évolution au niveau du bilan bancaire est sans surprise le coût du risque, qui passe de 7,2 MMDH en 2019 à 12,5 en 2020 en social, et de 8,8 MMDH à 20,5 en consolidé. Par anticipation à une augmentation du risque de crédit attendu, les banques ont accru les provisions à caractère général, constituées pour couvrir les créances sensibles, en hausse de 28%. Ces provisions représentent 1,5% des crédits sains contre 1,2% en 2019.
Au niveau international, les plus faibles taux d’infection dans les pays de présence en Afrique ont fait que le poids des filiales africaines est passé de 29% du RNPG en 2019 à 41% en 2020, aux dépens du poids du Maroc !
Enfin, Mme Zahoui est revenue sur les grands chantiers pilotés par BAM, comme la mise en place du ratio maximum d’exposition au risque de taux d’intérêt, qui va conduire les banques à devoir réussir 6 stress tests différents. Elle a également évoqué le projet de comparatif des tarifs bancaires et dates de valeur, qui « avance bien », à travers les travaux d’une « commission avec le GPBM ». Un 2ème appel d’offres a été lancé, pour trouver le prestataire qui gérera l’application en question.
En conclusion, Mme Zahoui a insisté sur le fait que les mesures prises par BAM en faveur des différents secteurs ou types d’entreprises font l’objet d’une revue régulière, et que ces mesures peuvent être prolongées si la Banque centrale juge que c’est nécessaire.
Selim Benabdelkhalek
Les mesures prises par BAM pendant la crise
Au Maroc, en plus des actions adoptées par le Gouvernement pour soutenir les ménages et les entreprises affectés par la crise, Bank Al-Maghrib a pris un ensemble de mesures pour assurer un financement approprié de l’économie et soutenir le secteur bancaire. Au plan de la politique monétaire, ces mesures ont porté sur la baisse du taux directeur de 75 points de base à un niveau historiquement bas de 1,5%, la libération intégrale du compte de la réserve obligatoire, l’élargissement du collatéral éligible aux opérations de recours par les banques aux avances de Bank Al-Maghrib et l’assouplissement des conditions de refinancement par la Banque Centrale des crédits bancaires aux TPME. Bank Al-Maghrib a également mis en place des lignes de refinancement à travers les banques pour couvrir les besoins des banques participatives et des associations de micro-crédit. Sur le plan prudentiel, Bank Al-Maghrib a introduit des allègements temporaires pour accompagner le secteur bancaire et consolider sa solidité. Au point de vue de la supervision bancaire, la Banque a dû s’adapter au contexte de la crise sanitaire et économique à travers un monitoring des sources de risque prioritaires et une attention renforcée à tout ce qui touche la protection de la clientèle. La Banque a également finalisé une série de réformes réglementaires, décalées en raison de la crise, et qui ont été adoptées en 2021. Par ailleurs, la crise pandémique a amené à booster le digital au niveau des services bancaires et à engager pleinement le secteur dans un processus de transition vers une finance écologique, durable et innovante.