«No limits to learning», disent les Anglo-Saxons et Mme Radia Chmanti Houari, qui a eu une longue carrière dans des multinationales où l’anglais est la langue professionnelle, en est un bel exemple. Elle qui voulait aider les malades par la guérison, en devenant médecin, a bifurqué vers la biologie avant de parcourir le terrain en tant que déléguée médicale. Une expérience formatrice qui lui a donné la volonté et le courage de se remettre en question pour retourner sur les bancs de l’Université pour un master en management avant d’obtenir des diplômes de Ponts et Chaussées de Paris et de la Columbia University de New York ! Et cela pour en arriver à la direction managériale de grosses entités pharmaceutiques nationales, puis internationales et s’impliquer ainsi dans la satisfaction des besoins en médicaments pour des pathologies très lourdes aux patients les plus démunis. Ce faisant, elle a réalisé son rêve de soulager, d’aider à guérir.
La Nouvelle Tribune :
Mme Radia Houari, à l’occasion du 8 mars, nos supports, papier et Web consacrent des femmes marocaines au mérite avéré et dont vous faites partie, pouvez vous à ce titre, exposer à nos lecteurs les différents tournants de votre parcours ?
Radia Chmanti Houari :
Je suis née à Ouarzazate, ville où mon père était Magistrat. En tant que fille unique et ainée de 3 frères, j’ai été nourrie de l’amour de mon père et de son estime.
Forte de cet appui, j’ai développé une confiance en moi et aspiré à réaliser des ambitions à la hauteur de ses attentes. Les responsabilités de notre père nous ont obligés à changer de lieux de résidence et vivre dans plusieurs villes de différentes régions du Maroc.
Des changements d’écoles aux nouvelles rencontres d’amis et voisins, j’ai appris à apprécier le changement.
Très jeune, j’ai découvert la beauté, la richesse et la diversité de mon pays. J’ai partagé le quotidien des gens, leur repas, leurs traditions, leurs dialectes, leurs musiques…
Dès ma tendre enfance j’ai appris à apprécier les couleurs, les paysages époustouflants et surtout la chaleur et la convivialité des habitants.
Donc très tôt, j’ai acquis une ouverture d’esprit, un contact facile avec les gens, apprécier les différences et m’adapter aux différentes situations.
Atouts qui m’ont été très utiles dans le monde professionnel pour faire face aux changements et gérer des cultures différentes, notamment à l’international.
Je considère que ma mère m’a appris l’esprit entrepreneurial et la créativité et mon père l’intégrité, les valeurs et la rigueur. Enfants, nous attendions tous les soirs le moment où mon père enlevait sa robe de juge pour porter son costume du conteur. Dans chaque conte, il y avait un apprentissage, une leçon de vie ! Je m’en suis fait un code de conduite, voire une doctrine pour la suite de ma vie, professionnelle et personnelle.
A vous entendre, on s’attend à un parcours professionnel d’exception pouvez -vous nous en parler ?
Permettez-moi avant de partager avec vous un prix que j’ai reçu pour toutes les valeurs reçues de mon éducation, celui d’avoir été nominée parmi les 100 000 Employées du monde au prix le plus prestigieux de Novartis Oncology, compagnie dans laquelle je travaillais à l’époque.
Ce prix «Président Award Excellence in Living Values & Behaviours» m’a été décernée en 2010 le par le CEO de ce grand laboratoire pharmaceutique international.
Pour revenir à mon parcours professionnel, mon rêve était de devenir médecin pour servir les patients. Mais je n’ai pas réussi le concours au Maroc et partir à l’étranger à l’âge de 17 ans était inimaginable aux yeux de mon père.
J’ai donc intégré la Faculté des Sciences et j’ai obtenu ma licence en Biologie en juin 1990.
À l’époque où il n’y avait pratiquement pas d’emplois pour ce genre de diplôme. Le doctorat n’était pas une option non plus, car il n’y avait pas de laboratoires de recherche disponibles à cet effet.
Mon premier emploi a été celui de déléguée médicale dans un laboratoire pharmaceutique en février 1993, donc plus de 2 ans après la fin de mes études.
Ce métier m’imposait de parcourir le pays pour visiter les médecins. Prendre la route toute seule et passer des nuits à l’hôtel loin de chez moi, ce fut le premier des nombreux défis que j’ai eu à surmonter. Toutefois, il faut croire que c’est ce métier, passionnant et très formateur, qui va déterminer des années après, mon parcours !
C’est-à-dire ?
Après 7 ans d’expérience sur le terrain, ayant acquis une expertise en techniques de vente et de communication, j’ai voulu parfaire ma formation en l’élargissant à la gestion avec un master en management à temps plein avec tous ses risques potentiels.
Revenir sur les bancs de l’université et surtout se mettre au niveau des participants qui ont des formations financières ou économiques était un défi à relever.
J’ai passé 2 années passionnantes en immersion totale dans la vie estudiantine et dans les métiers de l’entreprise : un lifting avant de réintégrer le monde professionnel, avec un plan de carrière tout tracé incluant les objectifs et les moyens de les réaliser.
Cet investissement, m’a permis par la suite, d’occuper plusieurs postes à haute responsabilité, de franchise manager, Directeur régional Marketing et Ventes, puis Directrice d’une division Afrique du Nord avant d’être nommée Directrice Générale d’une grande Multinationale de l’industrie pharmaceutique. Parallèlement, j’ai continué mon évolution professionnelle en obtenant l’EMBA des Ponts & Chaussées de Paris, en 2007 et l’Executive Education Program de Columbia University, à New York, en 2011.
Quels sont les différents challenges que vous avez rencontrés au cours de votre carrière ?
Chaque poste a ses propres difficultés, en plus d’être femme, il fallait prouver sa capacité de les assumer. En effet, la plupart du temps, j’étais la seule femme à siéger dans les comités de directions.
Dans mon dernier poste de CEO d’une grande multinationale opérant dans le secteur pharmaceutique pour la région Afrique du Nord, j’étais présidente du Conseil d’Administration de sixentités légales, je gérais une organisation régionale qui comptait 700 collaborateurs et un chiffre d’affaires de 200 millions de dollars.
J’ai aussi dû faire face à une conjoncture économique difficile dans un secteur où la croissance est timide, les marges en déclin et des budgets de fonctionnement limités.
Il fallait mettre en place une organisation agile, des outils de gestion appropriés et mobiliser les compétences adéquates pour réaliser les performances requises, assurer la santé financière de l’entreprise et préserver la pérennité de l’organisation.
Dans mon poste précédent, en tant que directrice d’un Laboratoire d’Oncologie Afrique du Nord, les enjeux étaient plus critiques car cette fois, c’est le pronostic vital des patients qui était engagé, et donc il allait de ma responsabilité d’assurer la disponibilité de médicaments innovants et les rendre accessibles aux patients, prioritairement et rapidement.
J’étais fière de pouvoir contribuer, à ma petite échelle, à la mise en place de programmes qui ont permis à des patients nécessiteux d’avoir accès gratuitement à des médicaments vitaux.
Il s’agissait du programme international d’accès à un médicament de la LMC, celui National de Thalassémie qui a permis l’amélioration du pronostic vital et la qualité de vie des enfants thalassémiques.
Je peux vous affirmer que quelle que soit ma mission, mon challenge était de donner la visibilité à mon organisation et à mes équipes à l’international, de réussir des projets audacieux et innovants, qui donnent à nos talents maghrébins l’opportunité de briller dans le monde et d’avoir accès de belles opportunités de carrières, auréolé par la visite historique au Maroc en 2014 du CEO de GlaxoSmithKline, GSK, une multinationale britannique et l’un des dix géants de l’industrie pharmaceutique mondiale.
Question un peu classique que l’on pose aux femmes surtout quand elles réussissent
professionnellement :
Comment avez-vous concilié vos responsabilités internationales et votre vie familiale ?
En l’absence d’infrastructures adéquates pour aider les mamans actives, ma famille m’a accompagné en étant partie prenante dans tous mes projets. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir la présence précieuse de ma mère, et aussi le soutien et la confiance de mon mari.
Aussi, gérer rigoureusement son temps et focaliser sur l’essentiel, aide à être efficace et efficient dans la qualité du temps passé avec la famille et nous permet d’être toujours là quand ils ont besoin de nous,
Je suis convaincue que des parents actifs et épanouis sont aussi des «roles models» pour leurs enfants, ceci les incite à travailler pour réussir et contribuer au développement de leur pays.
Je crois aussi que mon sens de l’organisation et la contribution de ma famille m’ont permis de vivre passionnément chaque moment de ma vie professionnelle. J’aime mon travail parce qu’il a du sens pour moi, mon rêve était de devenir médecin pour traiter les patients, j’ai eu la chance d’exaucer mon rêve et de contribuer au traitement des patients depuis 30 ans et dans chacune des fonctions que j’ai exercées.