
La Banque centrale européenne pourrait envoyer jeudi les premiers signaux vers la réduction de son ambitieux programme de soutien à l'économie © AFP DANIEL ROLAND
La Banque centrale européenne pourrait envoyer jeudi les premiers signaux vers la réduction à venir de son ambitieux programme de soutien à l’économie, baptisé « QE » et destiné à sortir la zone euro du marasme.
Voici cinq explications sur cette mesure phare, son bilan et les difficultés d’en sortir.
– Pourquoi avoir lancé le QE ?
Dès 2012, le président de la BCE, Mario Draghi, avait promis de faire « tout ce qu’il faudra » pour endiguer la crise. Mais ses premières mesures, dont l’abaissement drastique des taux d’intérêt, n’ont pas suffi à ramener l’inflation vers l’objectif de l’institut (un peu moins de 2% en glissement annuel).
En janvier 2015, M. Draghi annonce donc des achats de grande envergure d’obligations, c’est-à-dire de dette privée et publique. Le but est d’éloigner le risque de déflation, un cercle vicieux fait de baisse des prix et de report des décisions d’achat, qui freine durablement toute l’économie.
– De quoi s’agit-il ?
L' »assouplissement quantitatif » (« quantitative easing » ou « QE ») consiste pour la banque centrale à créer de la monnaie pour acheter sur le marché des obligations d’État ou privées détenues par des investisseurs.
L’objectif est que ces derniers – des banques le plus souvent – réinjectent les liquidités dans l’économie, en prêtant aux ménages et aux entreprises qui, à leur tour, doivent stimuler la croissance et l’inflation.
Comme il concerne dix-neuf pays utilisant la même monnaie, le programme d’achats de la BCE est davantage encadré que ceux de la Réserve fédérale américaine, de la Banque d’Angleterre ou de la Banque du Japon. La BCE s’interdit notamment d’acheter trop d’obligations d’un pays ciblé, pour éviter d’être accusée de financer sa dette publique.
– Est-ce un succès ?
Le QE a facilité le financement des entreprises, des ménages et des Etats de la zone euro, permettant à ces derniers d’économiser des milliards d’euros sur la charge de la dette.
Parallèlement, la reprise économique en zone euro a gagné en solidité et s’est diffusée géographiquement, et le taux de chômage est repassé sous les 10%: tout cela « pas seulement, mais aussi » grâce au QE, s’est félicité Mario Draghi en juin.
Mais bien que la BCE ait déversé plus de 2.000 milliards d’euros de liquidités sur le marché depuis mars 2015, l’inflation reste sous l’objectif de l’institut.
Cette situation atypique, mêlant reprise avérée et inflation en berne, complique la sortie du QE.
– Pourquoi est-il délicat d’en sortir ?
La BCE veut éviter toute annonce précipitée qui sèmerait la pagaille sur les marchés financiers, comme en 2013 aux Etats-Unis, lorsque la Réserve fédérale avait soudainement annoncé la fin à venir de son programme d’assouplissement quantitatif.
L’institution de Francfort avait franchi un premier palier sans encombre fin 2016, en ramenant le rythme mensuel du QE de 80 à 60 milliards d’euros par mois, au vu de la meilleure santé de l’économie.
Sauf que l’euro s’est renforcé depuis face au billet vert, naviguant désormais près d’1,20 dollar et plaçant la BCE face à un double casse-tête.
D’une part l’euro fort ralentit encore l’inflation, parce qu’il abaisse le prix des importations. D’autre part, un retrait orchestré du QE réduirait la quantité d’euros sur le marché, et ferait donc mécaniquement grimper le cours de la monnaie unique.
– Et maintenant ?
Les spécialistes révisent désormais le scénario qu’ils ont longtemps privilégié, celui d’un ralentissement progressif et irréversible des rachats de dette entre janvier et juin 2018.
Ils tablent désormais sur une sortie « prudente et flexible » du QE, face aux développements incertains de l’inflation et de la parité euro/dollar: jeudi, la BCE pourrait signaler son intention d’agir encore longtemps sur le marché obligataire, y compris en renforçant de nouveau ses achats si la situation le nécessite.
LNT avec AFP