Une personne âgée rentre chez lui dans sa maison à Myconos, ile grecque des Cyclades, le 13 mai 2020 © AFP ARIS MESSINIS
En débarquant à Myconos, en ce début de saison touristique, l’image est saisissante: l’île huppée traditionnellement bondée d’étrangers fortunés, s’est muée en île fantôme, offrant au visiteur des ruelles désertes, des magasins barricadés, des restaurants et hôtels fermés.
Du hublot de l’avion à hélices en provenance d’Athènes, les rares locaux et journalistes — seuls autorisés à s’y rendre depuis la pandémie du coronavirus — peuvent apercevoir les multiples maisons cycladiques éclaboussées de soleil. Mais elles n’offrent que des volets clos et des piscines vides.
Depuis la crise sanitaire planétaire, malgré le déconfinement et l’autorisation de rouvrir les magasins en Grèce, « on a l’impression d’une ville fantôme, il n’y a personne dans les rues, c’est effrayant », confie à l’AFP Lorraine McDermott, habitante de Myconos depuis 26 ans.
« D’habitude, il y a du monde, du bruit et de la musique partout, une circulation énorme », rappelle cette Irlandaise mariée à un Grec, qui loue quatre chambres au milieu du labyrinthe de ruelles du vieux Myconos.
En 65 ans d’activité, « je n’ai jamais vu un tel désert », se désole aussi Nikos Degaitis, 86 ans, assis sur l’escalier qui jouxte sa boutique de souvenirs, la plus ancienne de Myconos.
« J’ai peur d’ouvrir mon magasin, de servir les clients, pour vendre un magnet », soupire le vieil homme. « Je ne supporte pas de porter un masque (…), je préfère encore rester fermé et dormir tranquillement ».
« Les règles sont trop dures, comment respecter les mesures » de distanciation sociale « dans une ruelle si étroite? », se demande son petit-fils George Dasouras, qui travaille dans l’entreprise familiale.
Dans Myconos, où rares sont ceux qui portent le masque, les boutiques de luxe et les magasins en tous genres autorisés à rouvrir depuis le 11 mai, préférent garder portes closes faute d’affluence fortunée.
« Tout dépendra du nombre de clients », souligne Vassilis Theodoropoulos qui envisage également ne pas rouvrir son hôtel fin juin, lorsqu’il y sera autorisé. « Que se passera-t-il s’il y a un cas de Covid dans l’hôtel et que je dois fermer et que cela se reproduit toute la saison? », s’inquiète-t-il.
– Même « du plexiglas » –
Sur la célèbre plage « Paradise », où se bouscule la jetset chaque été, on entend le chant des tourterelles là où tambourinent d’habitude les enceintes du beach-club Tropicana.
« L’an dernier, nous avions 600 à 700 bains de soleil, pour l’instant nous n’en avons même pas un seul », se lamente Damianos Daktlidis, propriétaire du beach-club et du luxueux hôtel attenant qui vient d’être « entièrement rénové ».
« C’est complètement vide », soupire « attristé » ce Grec de 24 ans qui a repris l’affaire familiale.
Le jeune patron craint de ne pas « revenir à la rentabilité » avant la fin de la saison touristique ou « peut-être l’an prochain ou même l’année suivante ».
Les pieds dans le sable, il « attend le retour des vols » internationaux, en juillet espère-t-il.
Il se pliera à toutes les règles que décidera le gouvernement grec même « s’il faut mettre du plexiglas » pour protéger les touristes du virus.
Car tous sont encore dans l’incertitude des mesures qu’Athènes annoncera vendredi pour rassurer les touristes et les faire revenir dès que possible par air ou par mer.
« Nous aurons des touristes, nous ne savons juste pas combien », estime le porte-parole du gouvernement Stelios Petsas.
Dans une économie grecque où l’industrie du tourisme est essentielle, avec 12% du PIB, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a promis jeudi de « trouver un moyen de faire revenir les gens en toute sécurité », estimant le retour des touristes « à partir de fin juillet ».
– Myconos, « un sourire de la mer » –
« Les croisières ne reviendront pas, elles sont les cibles préférées du virus », estime Ariadne Voulgari, guide touristique, qui a déjà perdu sa clientèle de mai, généralement attirée par le site archéologique de l’île voisine de Delos.
« 2020 est perdue », prévoit la guide, qui tient le restaurant familial « Captain’s » sur le vieux port. « Si Myconos ne travaille pas, toute la Grèce sera affectée ».
Dans un pays où le coronavirus a fait 152 morts, le revenu du tourisme va chuter de 18 à 8 milliards, a déjà prévu le ministre grec du Tourisme.
« Il faudra quelques années pour retomber sur nos pieds », estime Lorraine McDermott.
Myconos « a un futur, c’est évident », assure Dimitris Samaras, qui tient une bijouterie sur « Little Venice ». « Ici ce n’est jamais fini, le monde est à Myconos, si les touristes ne reviennent pas cette année, il y a aussi les clients des yachts. Myconos c’est un sourire de la mer ».
LNT avec Afp