Cheikh Mohamed Al-Thani, ministre des Affaires étrangères qatari, à Ryad le 17 mai 2017 © AFP/Archives FAYEZ NURELDINE
Le Qatar s’est posé jeudi en victime d’une campagne hostile, notamment aux Etats-Unis, après la tempête soulevée par des déclarations attribuées à son émir selon lesquelles il aurait rompu le consensus régional sur l’Iran, les islamistes et l’alliance avec Washington.
Ce riche émirat gazier du Golfe, souvent accusé de jouer en solo et d’avoir des ambitions diplomatiques démesurées, a nié que l’émir, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, ait tenu de tels propos.
C’est après le piratage de l’agence officielle QNA dans la nuit de mardi à mercredi que les déclarations attribuées à l’émir ont été diffusées, a assuré jeudi le chef de la diplomatie du Qatar.
Il a inscrit ce piratage dans le cadre d’une « campagne médiatique hostile à l’Etat du Qatar ». Le ministre, cheikh Mohamed ben Abderrahmane Al-Thani, a déclaré que cette campagne était menée « notamment aux Etats-Unis ».
« Il est surprenant que pendant les cinq dernières semaines, il y a eu aux Etats-Unis 13 articles d’opinion sur le Qatar » et que « le jour du piratage de l’agence QNA, une conférence sur le Qatar s’est tenue en notre absence mais en présence des auteurs de ces articles ».
« Le piratage a eu lieu le soir même. Est-ce une coïncidence ? », s’est interrogé le chef de la diplomatie qatarie, refusant de préjuger des résultats de l’enquête sur ce piratage.
Parmi les sujets prétendument évoqués par l’émir figurent le mouvement islamiste palestinien Hamas, présenté comme « le représentant légitime du peuple palestinien », et l’Iran chiite vu comme un allié stratégique dans la région, alors que ce pays vient d’être accusé par l’Arabie saoudite d’être « le fer de lance du terrorisme » dans la région.
Sont aussi évoquées la classification du mouvement chiite libanais Hezbollah et des Frères musulmans en Egypte comme groupes « terroristes », ainsi que les relations avec l’administration Trump.
Ces propos ont été relayés par de grands médias arabes, notamment aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite, bien qu’ils aient été qualifiés de « faux » par Doha.
Ils étaient largement commentés encore jeudi, le quotidien Al-Bayane des Emirats écrivant que « le Qatar divise les Arabes par ses positions sur l’Iran, Israël et le Hezbollah ».
– Médias du Qatar bloqués –
Depuis mercredi, des sites web et des retransmissions télévisées qataris sont bloqués dans divers pays du Golfe.
Le Qatar a toujours « maintenu des relations amicales et fraternelles » avec ses voisins, a dit jeudi le chef de la diplomatie, ajoutant qu’il n’y a « aucune preuve que le Qatar ait des relations avec les Frères musulmans ».
Le Qatar est un proche allié des Etats-Unis qui ont déployé près de 10.000 militaires dans cet émirat, sur la base aérienne d’Al-Udeid.
Il est parfois accusé de ne pas en faire assez pour lutter contre les réseaux extrémistes radicaux. Doha rejette ces accusations.
Le chef de la diplomatie a affirmé que la question des liens du Qatar avec des islamistes n’avait pas été évoquée lors de l’entretien samedi de l’émir avec le président américain Donald Trump à Ryad.
« Les relations entre le Qatar et les Etats-Unis ont toujours été très solides, c’est une relation stratégique ».
Les détracteurs du Qatar rappellent pourtant qu’il a soutenu avec force l’ancien président égyptien Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, et qualifié de « coup d’Etat » son éviction par Abdel Fattah al-Sissi en 2013.
Il ajoutent qu’il accueille des dirigeants de premier plan de cette confrérie comme Youssef al-Qaradaoui, considéré comme l’un de ses chefs spirituels. L’ancien dirigeant du Hamas palestinien, Khaled Mechaal, est également basé au Qatar.
La chaîne de télévision Al-Jazira, qui a été la caisse de résonance des mouvements du Printemps arabe, a souvent provoqué l’irritation, voire l’exaspération, des partenaires du Qatar au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui comprend aussi l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, Oman et le Koweït.
LNT avec AFP