Professeure Asma Chadli
L’hôpital public, rien que l’hôpital public, tout l’hôpital public.
Tel est le crédo de la Professeure Asma Chadli, cheffe du service d’Endocrinologie au CHU Ibn Rochd et enseignante universitaire.
Considérant que mettre ses compétences, fortes au demeurant, au service d’une médecine hospitalière publique est la meilleure manière pour elle de servir son pays, la Professeure Chadli met notamment en exergue dans l’entretien qui suit l’admirable travail qui a été réalisé par le CHU Ibn Rochd, toutes équipes confondues, durant les deux vagues du Covid-19 à Casablanca et sa région.
La Nouvelle Tribune : Professeur Chadli, vous dirigez le service d’endocrinologie et des maladies métaboliques au CHU Ibn Rochd, lequel a été transformé en service COVID dès le début de la pandémie. Pouvez-vous partager avec nos lecteurs ces moments difficiles?
Professeur Asma Chadli: En effet, au mois de mars dernier, c’était pratiquement la panique à l’échelle mondiale, mais aussi dans notre pays à cause de la pandémie naissante.
Le CHU, recevait en exclusivité des cas graves de personnes COVID-19 nécessitant un séjour en réanimation.
Face à cette situation épidémique, notre CHU, s’est organisé et a tracé un parcours de soin particulier et unique à l’échelle nationale afin de permettre une meilleure gestion de l’activité durant cette période de pandémie.
Ainsi, les patients Covid-19 étaient pris en charge initialement au service des urgences, puis transférés en réanimation et après au service d’endocrinologie pour une réhabilitation avant la sortie à domicile.
Le service d’endocrinologie et des maladies métaboliques, que je dirige, était dans la boucle pour contribuer activement aux soins des patients touchés par le virus puisque leur sortie se faisait à partir de notre service.
Le séjour des patients en post COVID-19 au service d’Endocrinologie a permis de prendre en charge les comorbidités, les complications des longs séjours de réanimation.
Avec le Professeur Barrou, chef du service Réanimation, nous avions organisé cette activité en étoffant notre équipe par deux kinésithérapeutes et deux psychiatres.
Ceci nous a permis d’assurer pour ces patients en post COVID-19, une prise en charge globale médicale des pathologies qu’ils présentent, une réhabilitation nutritionnelle, une kinésithérapie motrice et respiratoire, ainsi qu’une prise en charge psychologique, étant donné le long séjour en réanimation et l’absence de la famille qui, comme vous le savez, était confinée pendant cette période. Il s’agissait de traiter des patients lourds, bien souvent avec des complications cardiaques, rénales, hépatocellulaires, diabétiques, respiratoires, motrices etc.
La continuité de ces soins se faisait donc dans notre service en collaboration avec les collègues des différentes spécialités de notre CHU.
Je vous rappelle que le CHU Ibn Rochd était la seule structure à opérer un tel parcours à l’échelle nationale, celui d’un accueil des patients COVID-19 aux urgences, suivi d’une hospitalisation en réanimation, et après le passage au service d’endocrinologie pour le suivi post-COVID avant la sortie.
Est-ce que les fonds attribués par l’État à l’équipement et la lutte contre la pandémie vous ont facilité les choses ?
Bien évidemment, nous avons bénéficié de nouveaux équipements, de tous les médicaments nécessaires à la prise en charge des patients COVID-19 et même des repas adaptés à leur situation. Nous avons pu travailler avec les moyens nécessaires et en toute sécurité face à cette pandémie.
Et aussi bénéficier de la bienveillance de la direction du CHU Ibn Rochd. Je profite de cette occasion pour remercier le DG du CHU le Pr Moulay Hicham Afif et le Directeur de l’Hopital Ibn Rochd, le Pr Mohamed Benghanem, de tous leurs efforts.
Le premier confinement, ayant duré quatre mois, c’était un luxe de pouvoir travailler dans des conditions optimales.
En définitive, nous avons remis les patients sur pieds, en leur assurant jusqu’à la rééducation thérapeutique.
Actuellement, le coté du service d’Endocrinologie dédié à l’hospitalisation est aujourd’hui toujours COVID, avec la seconde vague, du mois d’août dernier, nous étions chargés de prendre cette fois ci le personnel de notre établissement atteint du virus.
Professeur Chadli, pouvez-vous partager avec nos lecteurs votre parcours de médecin spécialiste et professeure universitaire ?
Vous savez, j’ai baigné dans un milieu où les études étaient essentielles. Et, depuis mon enfance, j’ai toujours voulu embrasser cette profession. Puis, à force de travail et de persévérance, j’ai passé les examens successifs qui sanctionnent les différentes étapes du cursus.
Ainsi, après la médecine générale, j’ai passé le concours de résidanat en endocrinologie, puis celui de professeur assistante en endocrinologie, pour intégrer l’enseignement.
Quatre ans après j’ai réussi le concours d’agrégation en endocrinologie et cinq années plus tard, j’ai obtenu le titre de Professeure de l’enseignement supérieur en Endocrinologie.
Pour réussir dans ces parcours longs et fastidieux, il faut certes beaucoup travailler, mais aussi bénéficier du soutien de nos maîtres. Personnellement, j’ai eu beaucoup de chance d’avoir été remarquée pour mon sérieux et ma volonté de réussir.
Exercer à l’hôpital a-t-il été un choix de carrière pour vous ? Comment l’expliquez-vous sachant que nombre de vos collègues ont choisi de migrer dans le privé ?
Ma motivation est de servir mon pays en travaillant dans le secteur public.
Ma démarche est sous-tendue par l’amour de mon métier, le désir de servir pleinement les autres, de mettre mes compétences au service des malades et de partager avec les étudiants un savoir précieux que j’ai moi-même acquis ici. Plus qu’une motivation, c’est une vocation qui m’anime !
A l’Hôpital, vous ne vous contentez pas d’exercer votre métier d’endocrinologue, en tant que chef de service, vous devez aussi assurer la modernisation et la gestion de ce dernier au quotidien ?
En effet, j’ai été nommée chef de service en 2015, et j’ai créé très vite, une association de soutien à notre structure pour pouvoir compléter les besoins du service, sachant que l’hôpital ne nous fournit que l’indispensable et le nécessaire au fonctionnement de notre structure.
Parmi les activités de notre association, nous organisons une journée scientifique annuelle avec la participation des laboratoires.
Ce qui nous permet de compléter les formations des jeunes résidents, en les envoyant à l’étranger pour assister à des séminaires et des congrès.
Nous organisons aussi des caravanes dans des régions rurales lointaines comme Ouarzazate, Imessouane, Taourirt, Taroudant, essentiellement pour le dépistage du diabète.
Il faut savoir que nous sommes trois enseignantes dans le service que je dirige, dont deux professeures universitaires et une professeur assistante.
Nous comptons également deux praticiennes hospitalières en endocrinologie, une trentaine de résidents dont 20% étrangers pour la plupart d’Afrique subsaharienne.
C’est un service formateur qui assure la formation des résidents, mais aussi des étudiants de sixième année de médecine, les externes ainsi que les médecins généralistes dans le cadre des diplômes universitaires de diabétologie ou de nutrition et pour les stages d’équivalence de diplôme de médecine générale et de spécialité.
Dans notre structure, le travail, enseignement et soins, ne manque pas, mais il s’accomplit dans la bonne humeur, le dévouement et la volonté de tout faire pour les patients et les étudiants.
C’est d’ailleurs ces sentiments qui nous animaient durant les deux périodes difficiles de confinement et la flambée des cas de COVID-19.
Je suis particulièrement fière de notre mobilisation durant ces deux vagues épidémiques parce que nos équipes et le CHU en général ont été à la hauteur. C’est en ce sens que la médecine publique est efficace, et humaine.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli
Qualités et Titres du Professeure Asma Chadli :
– Cheffe du service d’Endocrinologie et maladies métaboliques du CHU Ibn Rochd
– Professeure à la faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca
– Présidente de l’association de soutien au service d’Endocrinologie et maladies métaboliques
– Secrétaire générale de l’amicale des endocrinologues du grand Casablanca.