
Nous pouvons saluer la démarche de l’A.S.E.S.A, l’association des entreprises du secteur audiovisuel du Maroc, qui existe depuis 16 ans mais qui a assisté pour sa toute première fois au salon international MIPTV à Cannes du 3 au 6 avril derniers. Durant quatre jours, ce salon dédié aux professionnels de l’industrie de la télévision et du digital en provenance de plus de 60 pays du monde propose des conférences, projections, networking et permet aux participants d’échanger, de se rencontrer et surtout de pouvoir conclure des partenariats financiers.
Amina Benjelloun, Présidente de l’association, n’était pas seule à son stand. Elle fut soutenue par la société Maroc Export représentée par Hassan Belayachi.
Ils nourrissent ensemble l’ambition de faire du secteur audiovisuel marocain une industrie émergente et de soigner son image à l’international. Pour l’A.S.E.S.A, cette première étape a pour vocation de se faire connaître, et dans l’idéal décrocher des co-productions avec l’étranger : « Notre présence a pour but de montrer que nous sommes là ! Nous avons du potentiel, des infrastructures de qualité et du personnel qualifié qui a déjà séduit de grandes productions cinématographiques ».
Lorsque l’on observe le niveau des autres stands, notamment des Turcs qui ont su atteindre la position de challenger sur le marché télévisuel en très peu de temps, de certaines sociétés de productions qui ont développé leurs propres chaînes de télévision, de l’évolution des technologies et innovations (ultra HD, SVOD, diffusion de séries sur supports digitales tels que Snapchat)… On constate très vite que le Maroc n’en est qu’à un stade embryonnaire.
Pourtant, le pays ne manque certainement pas de talents créatifs et d’écriture, compte tenu des nombreux prix qu’il remporte dans le cadre des festivals. Nous pouvons donc nous poser la question si les carences existent à cause d’un système archaïque des chaînes gouvernementales qui détiennent le monopole, et font la loi en l’absence de concurrence, ou à un problème de financement ? « Jusqu’à présent, les producteurs marocains n’exportent pas à l’international. Faute de moyens, leurs seuls clients sont les chaînes de télévision publiques qui s’accaparent tous les droits -diffusion, exploitation-, et imposent même leurs propres exigences pour l’écriture des scénarios, ce qui court-circuite la créativité. Cela explique le fait que les producteurs s’orientent plus vers le cinéma», souligne Amina Benjelloun.
La fuite de l’audimat vers Internet, les plateformes VOD/SVOD, ou vers d’autres chaînes comme MBC (qui est beaucoup plus en avance en termes de saisons sur les mêmes séries que propose 2M par exemple), le manque de dynamisme des programmes hormis la période du mois de Ramadan… Tous ces maux traduisent un manque de liberté qui obstrue le marché télévisuel, et qui vient s’ajouter au déclin de celui du cinéma. Le public marocain est lassé de revoir en boucle les mêmes séries diffusées il y a dix ans, et du manque de qualité de certaines productions.
Hassan Belayachi estime que « le pays doit comprendre que le cinéma et les séries doivent servir notre image à l’international. C’est une vitrine et un vecteur de communication indéniable dont nous devons prendre conscience. »
Pour viser l’international, il faudrait d’abord défendre et mettre en avant son remarquable patrimoine mal exploité, en développant ses ressources internes qui tendent à disparaître sous le poids des séries étrangères qui inondent les grilles des programmes. Il est difficilement concevable de séduire l’étranger avant même d’avoir su convaincre et fédérer son propre public.
Une contribution de Ihsan OUASSIF