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Procès sans précédent en Espagne: le procureur général sur le banc des accusés

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Procès sans précédent en Espagne: le procureur général sur le banc des accusés

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Pour la première fois dans l’histoire moderne de l’Espagne, le Procureur général de l’État est jugé à partir de lundi dans une affaire de fuites médiatiques qui embarrasse le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, déjà confronté à plusieurs scandales judiciaires.

Álvaro García Ortiz, nommé à ce poste en 2022 par le gouvernement socialiste, est accusé d’avoir transmis aux médias un courrier électronique confidentiel lié à une enquête visant le conjoint de la présidente de la région de Madrid, Isabel Díaz Ayuso, figure montante du Parti populaire (PP). Le Tribunal suprême espagnol doit déterminer d’ici au 13 novembre si M. García Ortiz a sciemment violé le secret de l’instruction pour nuire à l’image de Mme Ayuso.

L’affaire remonte à début 2024, alors que la justice enquêtait sur Alberto González Amador, époux de Mme Ayuso, soupçonné d’avoir fraudé l’administration fiscale pour un montant de 350.000 euros entre 2020 et 2021, pendant la pandémie de Covid-19, à la tête de son entreprise dans le secteur de la santé. En mars 2024, plusieurs médias avaient publié un courrier électronique envoyé au parquet par l’avocat de M. González Amador, proposant un accord de plaider-coupable pour deux délits de fraude fiscale, ce qui pouvait semer le doute sur l’innocence de l’homme d’affaires. Ce dernier a immédiatement saisi la justice, convaincu que le Procureur général avait organisé cette fuite pour nuire à Mme Ayuso.

Le gouvernement régional de Madrid et le PP ont accusé l’entourage du Premier ministre d’avoir orchestré ce que certains qualifient de « coup bas », en utilisant M. García Ortiz pour atteindre leurs objectifs politiques. Après huit mois d’enquête, le Procureur général a été mis en examen en janvier, un événement sans précédent dans l’histoire judiciaire espagnole. Dans sa défense écrite, il a rejeté toute responsabilité et affirmé avoir été ciblé par une campagne visant à protéger l’image de Mme Ayuso.

L’affaire s’inscrit dans un contexte politique déjà délicat pour M. Sánchez, qui a été entendu récemment par une commission d’enquête sénatoriale dans le cadre d’une affaire de corruption touchant deux proches du Parti socialiste. Parallèlement, son épouse et son frère doivent être jugés prochainement pour des affaires distinctes de corruption et de trafic d’influence.

Si M. García Ortiz est reconnu coupable, il pourrait être condamné à plusieurs années de prison et serait contraint de quitter ses fonctions, provoquant une crise au sein du parquet espagnol et constituant un revers politique majeur pour le Premier ministre. Le procès prévoit l’audition d’une quarantaine de témoins, dont douze journalistes. Alberto González Amador réclame quatre ans de prison et 300.000 euros de dommages et intérêts, tandis que des associations et le parti d’extrême droite Vox demandent entre quatre et six ans de détention. Le Procureur général, défendu par le bureau de l’Avocat général de l’État, maintient son innocence et refuse de démissionner.

Ce procès historique s’inscrit dans un climat politique tendu en Espagne, où les tensions entre le gouvernement socialiste et le PP restent vives, exacerbées par une succession de scandales judiciaires et médiatiques qui fragilisent la crédibilité des institutions.

LNT avec AFP 

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