Travis Kalanick, cofondateur et patron d'Uber, ici à New Delhi le 16 décembre 2016 © AFP/Archives MONEY SHARMA
Starbucks promet d’embaucher 10.000 réfugiés? Les partisans de Donald Trump appellent à boycotter le géant des cafés. Uber accusé de soutenir le décret anti-immigration du président? Un mouvement massif de désabonnement frappe le service de location de chauffeurs…
Mises à nu par l’ascension de Donald Trump, les profondes divisions de la société américaine rejaillissent sur les entreprises, contraintes à un très délicat exercice d’équilibriste pour ne pas s’aliéner de potentiels clients.
« Les entreprises ont traditionnellement tout fait pour apparaître neutres mais ne peuvent plus le rester. Le plus grand problème c’est que tout ce qu’elles peuvent dire risque d’être mal interprété », affirme à l’AFP Bruce Turkel, expert en marketing.
La marque de baskets New Balance a été victime de ce nouveau climat électrique qui peut faire chuter les cours de Bourse et écorner des réputations.
Peu après l’élection choc du candidat républicain, le PDG de l’équipementier sportif, Matt LeBretton, lance que « les choses semblent aller dans la bonne direction ». Une vaste campagne de boycott se met aussitôt en branle sur Twitter, forçant la marque à assurer qu’elle soutient « les gens de tous horizons ».
Le géant des sodas Pepsico a vécu une expérience similaire mais venant du camp opposé. Deux jours après l’élection, sa patronne Indra Nooyi assure que ses employés étaient « en pleurs » et relaie leurs inquiétudes. « Nos employés, spécialement ceux qui ne sont pas blancs (…), demandent: +sommes-nous en sécurité+? ».
La sanction tombe aussitôt: « Il est temps de se passer de Pepsi », clame le site ultra-conservateur The Gateway Pundit.
– Boycotts –
Ces appels au boycott sont le plus souvent relayés par de simples forums sur Reddit, 4Chan, ou par Facebook et Twitter. Mais certains bénéficient d’actions plus structurées.
Lancé en octobre, le site Grab Your Wallet (« Va chercher ton portefeuille ») recense minutieusement les entreprises soupçonnées de sympathies trumpistes, soit parce que leurs dirigeants ont contribué à la campagne du magnat ou soit parce qu’elles sont en affaires avec la famille Trump.
Les grands distributeurs Macy’s ou Wal-Mart ou la marque de bière Yuengling figurent ainsi dans cette longue liste d’entreprises « à boycotter ».
« Les marques ont toujours été politiques mais les consommateurs désormais ont les moyens de le savoir et de prendre leurs décisions en fonction de ça », affirme à l’AFP la co-fondatrice du site, Shannon Coulter, pour qui les entreprises doivent rendre des comptes si elles s’approchent d’une administration qu’elles jugent « extrémiste ».
Difficile d’évaluer l’impact de ces campagnes de boycott à l’ère où un appel en chasse un autre à chaque tweet ou message sur Facebook. « Les consommateurs ont la mémoire extraordinairement courte », indique à l’AFP Merry Carole Powers, experte en marketing.
Mais certaines entreprises ne veulent pas prendre le risque de rester inertes et de perdre des consommateurs. Dans le collimateur, la chaîne de magasins Nordstrom vient ainsi d’annoncer qu’elle ne vendrait plus la ligne de vêtements d’Ivanka Trump, la fille aînée du président.
« Si vous restez passifs, vous n’en tirerez rien. Les entreprises doivent comprendre qui sont leurs clients et quelles sont leurs valeurs », assure M. Turkel.
– Pub du Superbowl –
Uber semble encore tâtonner. L’entreprise a d’abord pris ses distances vis-à-vis du décret anti-immigration avant d’être accusée de vouloir profiter de la mobilisation des taxis new-yorkais contre le texte, provoquant une vague de désabonnements massifs.
Son rival Lyft s’est lui rangé du côté des anti-Trump en donnant un million de dollars à l’organisation Aclu, qui a contesté le décret présidentiel en justice. Stratégie payante: l’application Lyft a pour la première fois été plus téléchargée que celle d’Uber sur iPhone.
Sentant le danger, le PDG d’Uber Travis Kalanick a annoncé sa démission du forum de grands patrons rassemblés autour de M. Trump et a tenté de mettre les choses au clair: le décret présidentiel « nuit à de nombreuses personnes en Amérique ».
Dans ce climat hautement inflammable, chaque opération marketing est scrutée à la loupe. Programmée pour la finale de football américain Superbowl, une publicité Budweiser racontant l’arrivée au XIXe siècle aux Etats-Unis, sous les crachats, du fondateur allemand de la marque a ainsi suscité d’intenses exégèses.
Hors des Etats-Unis, ces divisions n’ont toutefois plus court. Au Mexique, la campagne « Consumidores, al grito de guerra » (« Consommateurs au cri de guerre ») appelle à boycotter l’ensemble des marques américaines pour protester contre les attaques anti-mexicaines du président Trump.
LNT avec AFP