Des opérateurs iraniens surveillent les marchés financiers à la Bourse de Téhéran le 8 mai 2018 © AFP ATTA KENARE
Deux tiers des députés iraniens ont écrit au président Hassan Rohani pour le sommer de changer son équipe économique au vu des « mauvais résultats » du gouvernement en la matière, rapporte mercredi l’agence officielle iranienne Irna.
« Les mauvais résultats des hauts dirigeants chargés de l’économie depuis quelques années ont provoqué une montée de la défiance de la population vis-à-vis de décisions annoncées ou mises en œuvre en matière économique », écrivent 187 députés (sur 290), selon des extraits de la lettre publiés par Irna.
Irna ne nomme pas les signataires de la lettre, qui appelle M. Rohani à agir « de toute urgence [en vue d’un] changement dans la direction de l’équipe économique » afin d’y apporter du « dynamisme » et une « compréhension » de la situation économique avant que le Parlement « prenne une décision sur ce point ».
Selon la Constitution, le Parlement a le pouvoir de révoquer les ministres ou de déclarer, à l’issue d’un vote à la majorité des deux tiers, l' »incapacité » du président de la République, ce qui ouvre la voie à sa possible révocation par le guide suprême.
Le gouvernement fait face à un mécontentement grandissant du fait des turbulences économiques que traverse le pays.
Sous pression depuis des mois, la devise iranienne a accéléré sa chute sur le marché parallèle depuis que le président américain Donald Trump a retiré en mai son pays de l’accord international sur le nucléaire iranien de 2015 et annoncé un renforcement des sanctions économiques des États-Unis vis-à-vis de l’Iran.
– Chute du rial –
En neuf mois, le rial a perdu près de 50% de sa valeur face au dollar, et l’inflation s’accélère, alors que le gouvernement était parvenu à la ramener sous la barre de 10% – selon les chiffres officiels – après l’entrée en vigueur de l’accord sur le nucléaire (contre près de 35% en 2013, année de l’accession de M. Rohani à la présidence).
M. Rohani a été réélu au premier tour en mai 2017, sur la promesse d’une amélioration de l’économie et d’une certaine libéralisation de la société.
Il est attaqué violemment depuis des semaines par le camp ultraconservateur, qui dénonce sa politique d’ouverture avec l’Occident et l’accuse de mener l’économie nationale à sa perte.
Cité lundi par le site Raja News, proche de l’ex-président Mahmoud Ahmadinejad, le député Nassrollah Pejmanfar a ainsi estimé qu’il serait « dans l’intérêt du pays que le président soit destitué » si le gouvernement décidait de poursuivre la même politique économique. Un autre député ultraconservateur, Amir Khojasteh, a brandi ce jour-là la même menace, selon l’agence Fars.
En Iran, l’équipe économique gouvernementale regroupe certains vice-présidents et ministres chargés de portefeuilles économiques ainsi que les conseillers économiques du président et le président de la banque centrale.
Lundi et mardi, les commerçants du Grand Bazar de Téhéran, soutien traditionnel du système politique en Iran mais attaché aussi à la défense de ses propres intérêts, ont observé un rare mouvement de grève pour protester contre la dépréciation de la monnaie nationale et les entraves à l’activité économique dont ils rendent le pouvoir responsable.
Le même jour, de brèves échauffourées ont opposé quelques dizaines de contestataires et les forces de l’ordre dans le centre de la capitale.
Selon l’agence Fars et des témoins interrogés par l’AFP, les boutiques du Grand Bazar ont rouvert mercredi sous la surveillance d’un grand nombre de policiers anti-émeutes déployés dans la zone.
LNT avec Afp