La nouvelle économie mondiale du 21ème siècle offre l’image d’un système éclaté et fragmenté où dominent des conflits à visages différenciés et à géométrie variables, a souligné, jeudi à Lisbonne, le président du Conseil de la concurrence, M. Driss Guerraoui, lors d’une conférence intitulée « La Nouvelle géo-économie Mondiale ».
Il a évoqué lors de cette conférence, qui a eu lieu à l’université Lusiada, en présence de l’ambassadeur du Maroc au Portugal, Othmane bahnini, d’étudiants et du corps professoral, une Europe occidentale qui doute d’elle-même et de son avenir, avec une croissance en panne et des modèles de démocraties qui s’essoufflent, une Amérique du Nord qui est entrée dans une véritable phase de protectionnisme, de patriotisme économique, de conservatisme politique et de désengagement de ses responsabilités multilatérales à tous les niveaux, une Amérique du Sud dont la dynamique d’émergence connait une pause, due principalement à des instabilités politiques internes, à une crise profonde de défiance envers les institutions élues et à des choix économiques inappropriés, aggravés par une crise régionale touchant les principaux pays.
Il a cité également, dans ce cadre, une Asie plurielle qui s’érige en une véritable locomotive de la Nouvelle économie mondiale, avec la Chine comme puissance montante, se disputant le leadership avec de nouvelles puissances asiatiques et non asiatiques émergentes, comme la Russie et l’Inde, un Monde arabe, qui, hormis quelques exceptions, est en pleine décomposition, un monde arabe en passe de se placer en dehors de l’Histoire, et dont une bonne partie passera le restant de ce troisième millénaire à construire des routes, des écoles et des dispensaires, du fait d’une logique incontrôlée d’autodestruction, portée par des forces occultes ou déclarées, intervenant sur un terrain miné par de vieux conflits religieux, ethniques et politiques attisés par des puissances étrangères, et enfin, une Afrique qui émerge, mais avec des défis socio-démographiques, socio-institutionnels, économiques, environnementaux, culturels et sécuritaires colossaux.
Ce nouveau système mondial, devenu complexe et quasi chaotique, a dit le président de l’Université Ouverte de Dakhla, fonctionne sans pilotage mutuellement accepté par toutes ces régions et sans gouvernance réellement partagée et coordonnée entre elles. Par ailleurs, il évolue dans un contexte de doute généralisé sur la capacité collective et effective des Etats à s’approprier les principaux agendas mondiaux, qui renvoient principalement aux Objectifs de Développement Durable, au Socle de Protection Sociale Universelle, aux agendas mondiaux pour le climat, la migration et le projet audacieux de Revenu Universel de Base porté par le Rapporteur spécial des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme et la lutte contre l’extrême pauvreté.
Ce nouveau monde se trouve réellement dépourvu de mécanismes efficaces de construction d’une paix durable, le tout aggravé par une crise de confiance profonde des Etats dans les institutions internationales de gouvernance du monde, accentuant ainsi la crise du Conseil de Sécurité des Nations Unies, et mettant en conséquence la sécurité humaine en danger et toute la planète dans des incertitudes réelles, a déploré M. Guerraoui, par ailleurs, membre de l’Académie des Sciences du Portugal, notant que les chercheurs, les experts, les analystes et les observateurs de l’état de la Nouvelle économie mondiale sont unanimes à dire que les modèles de développement hérités du 20 ème siècle ont atteint leurs limites, car en dépit du progrès généré par la nouvelle révolution postindustrielle, ces modèles se trouvent actuellement dans l’incapacité objective de réaliser conjointement la croissance, le plein emploi, le bien-être social pour tous et le développement durable des écosystèmes naturels.
C’est dans ce contexte qu’une attention particulière doit être portée, selon cet académicien, à la construction des formes alternatives de développement par la promotion de l’économie sociale et solidaire, des métiers liés à la valorisation du capital immatériel des nations, en particulier la culture, les arts et le patrimoine, des métiers du développement durable, notamment à l’économie verte, l’économie bleue, aux énergies renouvelables, à l’agriculture biologique et à la mobilité durable.
Pour ce faire, ces modèles de développement de demain doivent permettre aux économies et aux sociétés de produire davantage de richesses, en libérant les énergies de toutes les composantes de la société, en élargissant la base sociale des activités productives et en diversifiant les sources de production de ces richesses, préserver les ressources naturelles par une gestion responsable, portée par des mécanismes effectifs de suivi, de contrôle, d’évaluation et de reddition des comptes, et répartir équitablement les richesses produites pour qu’elles puissent bénéficier à tous les citoyens et à toutes les régions des pays.
La Nouvelle économie mondiale a besoin d’une gouvernance plus responsable et plus solidaire pour réguler les nouvelles vagues d’insécurités et les nouvelles générations de guerres. Elle doit inciter les Etats et les Grands Groupements Régionaux à mettre en place des politiques publiques qui libèrent les énergies de leurs acteurs, en investissant dans le capital humain et en préservant durablement leurs ressources naturelles par une exploitation responsable et durable par les entreprises et les territoires afin d’être en conformité avec tous les agendas mondiaux en matière de développement humain durable et de préservation des intérêts des générations futures, a conclu M. Guerraoui.
LNT avec MAP