Présidence de la BAD : cinq candidats en lice, une élection sous tensions géopolitiques
L’élection pour la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), prévue du 27 au 29 mai 2025, s’annonce comme l’une des plus disputées de l’histoire récente de l’institution. Cinq candidats, issus de différentes régions du continent, se livrent une bataille d’idées et d’alliances pour succéder au Nigérian Akinwumi Adesina. Si tous proposent des visions distinctes pour transformer la BAD, les enjeux géopolitiques et diplomatiques internationaux ajoutent une complexité majeure à cette compétition.
Samuel Munzele Maimbo (Zambie): le voyageur perpétuel
Candidat désigné par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et le COMESA, Samuel Munzele Maimbo incarne une approche orientée vers l’action et l’impact. Actuel vice-président de la Banque mondiale, il parcours l’Afrique et le monde pour convaincre. Il s’affiche comme l’homme qui veut et saura rompre avec les diagnostics récurrents pour faire de la BAD un moteur concret de transformation économique. Son programme met l’accent sur le secteur privé, les infrastructures et l’énergie, tout en proposant des réformes audacieuses comme la création d’un conseil des jeunes et du secteur privé. Maimbo mène une campagne diplomatique intense à travers le continent, multipliant les rencontres avec chefs d’État et ministres des Finances. Soutenu par un solide réseau régional et international, il est perçu comme un favori capable de moderniser l’institution tout en renforçant son rôle sur la scène mondiale.
Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud): la cavalière solitaire
Ancienne vice-présidente principale de la BAD, Bajabulile Swazi Tshabalala bénéficie du soutien de l’Afrique du Sud et de quelques pays anglophones. Elle met en avant son expertise institutionnelle et sa capacité à renforcer la gouvernance interne. Cependant, sa candidature suscite des controverses géopolitiques : certains observateurs estiment que les pays qui voteraient pour elle pourraient être blacklistés par les États-Unis, en raison des tensions entre Washington et Pretoria sur des questions internationales. Cette situation pourrait limiter ses alliances diplomatiques malgré son profil solide et son expérience au sein de la BAD.
Amadou Hott (Sénégal): le politique expérimenté
Ancien ministre sénégalais de l’Économie et ex-vice-président de la BAD, Amadou Hott propose un programme axé sur le financement durable des infrastructures, l’autonomisation des jeunes et des femmes, ainsi que le renforcement des partenariats public-privé. Soutenu par plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, mais lâché par la Côte d’Ivoire au profit du candidat Mauritanien, il mise sur son expérience dans la finance internationale pour mobiliser davantage de ressources privées au service du développement africain. Son profil hybride – entre finance de marché et développement – pourrait séduire les bailleurs internationaux.
Sidi Ould Tah (Mauritanie): le candidat surprise
Actuel président de la BADEA (Banque arabe pour le développement économique en Afrique), Sidi Ould Tah n’était pas attendu dans cette élection, mais représente un candidat fort dans les cercles francophones. Il bénéficie du soutien discret mais total du Président Macron et de ses alliés. Il met en avant ses relations avec les pays du Golfe pour mobiliser des fonds importants et propose un programme axé sur le renforcement des infrastructures et l’inclusion financière. Son positionnement géopolitique pourrait lui permettre de rallier les voix francophones et nord-africaines. Soutenu par plusieurs pays clés, il est considéré comme un prétendant sérieux à ce poste. Cependant, la Présidence et la Vice-présidence de l’Union Africaine ayant déjà été attribuées à des candidats arabo-musulmans et francophones, il pourrait souffrir d’une volonté d’équilibrer les pouvoirs sur le continent. Enfin, une récente controverse sur l’emploi pour sa campagne des moyens de la BADEA pourrait l’handicaper.
Abbas Mahamat Tolli (Tchad): le technocrate
Ancien gouverneur de la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC), Abbas Mahamat Tolli est un candidat technique qui mise sur sa maîtrise des politiques monétaires régionales pour apporter une perspective unique à la BAD. Bien que moins visible sur le plan diplomatique, il pourrait séduire ceux qui recherchent un profil axé sur la stabilité financière.
Une élection sous tensions géopolitiques
Cette élection reflète non seulement les visions divergentes pour l’avenir de la BAD mais aussi les rivalités diplomatiques entre blocs régionaux africains et puissances internationales comme les États-Unis ou la Chine. Les alliances stratégiques seront déterminantes dans cette course où 40 % des votes proviennent de partenaires non africains.
Alors que le scrutin approche, Samuel Munzele Maimbo se positionne comme un candidat pragmatique et rassembleur, avec une vision claire pour redynamiser la BAD. Sa campagne axée sur l’impact concret pourrait bien faire pencher la balance en sa faveur dans cette compétition décisive pour l’avenir économique du continent africain. Au terme de plusieurs tours de vote, une finale devrait se dessiner entre le candidat de la Zambie et celui de la Mauritanie, Sidi Ould Tah, dans ce qui promet d’être un duel diplomatique intense.
LNT et dépêches agences