Des passagers posent dans l'avion des Ethiopian Airlines reliant Addis Abeba à Asmara le 18 juillet 2018. © AFP Maheder HAILESELASSIE TADESE
Le premier vol commercial en vingt ans entre l’Ethiopie et l’Erythrée a relié mercredi Addis Abeba à Asmara, nouvelle étape de la réconciliation spectaculaire en cours entre les anciens ennemis de la Corne de l’Afrique.
« L’oiseau de paix vient d’atterrir à Asmara », la capitale érythréenne, a annoncé sur Twitter Ethiopian Airlines dont vol ET0312 avait quitté l’aéroport international Bole d’Addis Abeba une heure et demi plus tôt.
« Ce jour représente un évènement unique dans l’histoire de l’Ethiopie et de l’Erythrée », a commenté le directeur général de la compagnie, Tewolde GebreMariam lors d’une cérémonie à l’aéroport marquant la poursuite du dégel en cours depuis seulement six semaines.
En raison de la forte demande, le géant africain du transport aérien a ajouté qu’un autre de ses avions avait quitté Addis Abeba quinze minutes plus tard à destination de l’Erythrée.
« Le fait que nous ayons deux vols à la fois montre l’enthousiasme des gens », a expliqué M. Tewolde.
Un journaliste de l’AFP à bord du second appareil a rapporté que du champagne avait été servi aux passagers, toutes classes confondues, et que des roses avaient été distribuées, peu après le décollage.
Jadis province de l’Ethiopie, l’Erythrée a fait sécession en 1993 après une trentaine d’années de guerre. Un conflit territorial sur la frontière a suivi la déclaration d’indépendance, débouchant sur un conflit qui fit quelque 80.000 morts en 1998-2000 et a été prolongé par une longue période d’hostilité qui vient tout juste de s’achever.
Le mois dernier, le nouveau Premier ministre éthiopien, le réformateur Abiy Ahmed, avait créé la surprise en déclarant accepter un règlement du conflit frontalier datant de 2002. Il y a deux semaines, il s’est rendu en visite officielle à Asmara où il a signé avec le président érythréen Issaias Afeworki une déclaration mettant officiellement fin à vingt ans d’état de guerre.
Le président Afeworki lui a rendu sa visite le weekend dernier, rouvrant l’ambassade d’Erythrée à Addis Abeba.
– Boom économique attendu –
Le rétablissement des relations aériennes était prévu mercredi parmi les mesures de normalisation entre les deux anciens ennemis.
Ethiopian Airlines, une des compagnies d’Afrique à la plus forte croissance, a déclaré vouloir assurer dans un premier temps un aller-retour quotidien entre Addis Abeba et Asmara.
« En raison de la demande que nous constatons, je pense que nous allons porter la fréquence à deux vols par jour, trois par jour et même plus », a déclaré M. Tewolde.
L’ouverture de l’espace aérien de l’Erythrée à Ethiopian Airlines devrait aussi se traduire par de meilleurs liaisons avec le Moyen-Orient, a-t-il ajouté.
Parmi les passagers du vol inaugural se trouvait l’ex Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, dont la démission en février a ouvert la voie à une série de bouleversements dans la politique de l’Ethiopie et plus largement dans la Corne de l’Afrique sous la conduite de son successeur.
« Je savais que cela se produirait un jour », a-t-il confié à propos du processus de paix avec l’Erythrée.
Décrit comme « un homme très pressé », M. Abiy, ancien officier et ancien ministre âgé de 42 ans, a entrepris de libéraliser une partie de l’économie de son pays et libéré des dissidents, avant de se lancer dans une normalisation des relations avec l’Erythrée.
Le rapprochement a été bien accueilli en Ethiopie où la population partage des liens culturels étroits avec les Erythréens et où des familles sont séparées de leurs proches, de l’autre côté de la frontière.
Le processus devrait aussi se traduire par une dynamique économique pour les deux nations, rouvrant notamment à l’Ethiopie un accès à la mer via les ports érythréens. L’Ethiopie, un pays qui connait une forte croissance, doit aujourd’hui faire transiter son commerce par les ports de Djibouti.
Enfin, le dégel des relations bilatérales a relancé l’espoir que des changements se produiront également en Eryhtrée, un des régimes les plus fermés du monde.
Le président Issaias s’est servi de la tension avec le grand voisin pour justifier une politique répressive et l’imposition d’un service militaire illimité. La mesure a provoqué l’émigration de centaines de milliers de jeunes Erythréens.
LNT avec Afp