Le 1er Mai 2019 est, incontestablement, le plus apaisé des jours de célébration de la Fête du Travail de ces dernières années.
La raison est connue de tous et tient à la conclusion de l’accord entre les trois partenaires sociaux, gouvernement, syndicats et patronat, intervenu le jeudi 25 avril.
Une issue positive à ce dialogue social qui, depuis 2015 au moins, date de la dernière augmentation du SMIG et du SMAG, s’était perdu dans les méandres de l’incompréhension, de la surenchère ou du refus obstiné de faire des concessions.
Mais cette année, alors que le gouvernement El Othmani n’est certainement pas au meilleur de sa forme (et de sa popularité), alors que son bilan à mi-mandat est plutôt perçu négativement malgré les récents efforts explicatifs de son chef, il faut pourtant lui reconnaître cet acquis indéniable.
Le salaire minimum interprofessionnel garanti, SMIG, sera augmenté d’un petit 10%, ainsi que son compère agricole le SMAG, mais en deux tranches, de 5% chacune, la première en juillet prochain et la seconde en juillet 2020.
De plus, les allocations familiales seront relevées de 100 dirhams mensuels jusqu’au troisième enfant, (tant pis pour les familles nombreuses !).
Pour la Fonction publique, l’État a effectivement « mis la main à la poche », non parce que les hausses de salaires sont très conséquentes, loin s’en faut, mais parce que la masse salariale est déjà fort importante.
L’accord du 25 avril 2019 l’alourdira de 7 milliards de dirhams supplémentaires par année !
En effet, il s’agit d’une augmentation mensuelle de 500 dirhams net pour les échelles 6, 7, 8, 9 et pour les échelons de 1 à 5 de l’échelle 10.
Cette hausse consiste à verser 200 dirhams à partir du 1er mai 2019, 200 dirhams en janvier 2020, et 100 dirhams en janvier 2021.
L’accord prévoit également une hausse nette de 400 dirhams pour les fonctionnaires de l’échelon 6 et plus de l’échelle 10.
Cette hausse sera versée sur la base de 200 dirhams à partir du 1er mai 2019, de 100 dirhams en janvier 2020 et de 100 dirhams en janvier 2021.
Enfin, le nouvel accord social prévoit la création d’un nouveau grade de promotion pour les fonctionnaires dont le parcours de promotion s’achève au niveau des échelles 8 et 9.
C’est pas le Pérou !
Certes, la paix sociale n’est jamais un luxe, mais pour un Budget structurellement déficitaire, une croissance du PIB en berne, une stagnation avérée de l’investissement productif, cet accord des partenaires sociaux ressemble fort à une victoire à la Pyrrhus !
Ceci, pour les finances publiques et la trésorerie des entreprises, mais sur les plans politique et social, il est incontestablement positif.
Non parce qu’il renforce de façon conséquente le pouvoir d’achat des citoyens, et notamment les strates inférieures de la classe moyenne, mais parce qu’il va dans le sens de l’apaisement des tensions sociales qui prévalaient depuis de nombreux mois.
C’est sans doute la raison majeure de cet « effort » que le gouvernement et les patrons ont voulu consentir et qui, au passage, redore quelque peu le blason pour le moins terni des principales organisations syndicales.
Il accordera, de surcroît, à peu de temps des prochaines échéances électorales, un vernis social dont ne manqueront pas de se prévaloir, le moment venu, les différentes et hétérogènes composantes de la coalition gouvernementale.
Mais, pourra-t-on pour autant dire que l’accord du 25 avril 2019 règlera les vraies questions sociales et économiques qui se posent au pays et à sa classe dirigeante ?
Certes non, comme l’expriment une croissance amorphe, encore et toujours corrélée à la pluviométrie, un climat de scepticisme et de manque de confiance qui caractérise le secteur privé et les opérateurs économiques, une situation difficile de nos finances publiques et, surtout, des mouvements de mécontentement passablement teintés de corporatisme ou de manque de civisme.
Entre les enseignants ex-contractuels qui refusent l’enrôlement dans les AREF, poussés dans la surenchère par des forces semi-clandestines, pour un objectif d’une rente à vie dans la Fonction publique et les médecins dont la formation a été entièrement assurée gratuitement par l’État et qui refusent de rendre au Peuple le fruit des efforts consentis en travaillant dans les hôpitaux publics, on voit s’exprimer des tendances antagonistes certes, mais qui révèlent parfaitement le degré de délitement de la société marocaine !
La faute en incombe certainement aux successives générations dirigeantes et à la faillite de notre système éducatif, tout deux incapables depuis fort longtemps de donner aux jeunes générations les idées et convictions qui forgent le vrai patriotisme, celui qui permet de comprendre et d’accepter les réalités, qu’elles soient civiques, sociales ou économiques.
Alors, certes, le 1er mai 2019 est un jour apaisé, mais une hirondelle n’a jamais fait le printemps !
Nota: On remarquera, in fine, que cet accord a été conclu sous l’égide du Ministère de l’Intérieur, un département régalien, s’il en est…
Fahd YATA