Capture d’écran 2025-07-02 140256
Amina Lotfi, Membre du Bureau Exécutif de l'ADFM

Préjugés sexistes dans les lycées : l’ADFM alerte sur les inégalités persistantes au Maroc

Préjugés sexistes dans les lycées : l’ADFM alerte sur les inégalités persistantes au Maroc

Par LNT
Capture d’écran 2025-07-02 140256
Amina Lotfi, Membre du Bureau Exécutif de l'ADFM

À l’occasion de son 40ᵉ anniversaire, l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) a présenté les résultats d’un rapport inédit intitulé « Recueil des préjugés et des stéréotypes sexistes véhiculés dans les lycées ». Réalisé dans le cadre de la dynamique Pour une école de l’égalité et du programme Génération Genre, ce document met en lumière la persistance de représentations sexistes enracinées dans l’environnement scolaire marocain, malgré les réformes engagées.

L’étude, de nature qualitative et exploratoire, a été menée dans 13 établissements secondaires répartis entre les régions de Rabat-Salé-Kénitra et Casablanca-Settat. Elle s’est concentrée sur le cycle de l’enseignement secondaire qualifiant (15-19 ans), en interrogeant aussi bien les élèves que le corps enseignant et le personnel administratif. L’objectif : comprendre comment les stéréotypes de genre continuent à façonner les représentations, les comportements et les trajectoires scolaires.

Des stéréotypes toujours présents et multiformes

Selon les constats de l’ADFM, les lycées marocains restent imprégnés de discours et pratiques sexistes, véhiculés de manière consciente ou inconsciente par l’ensemble des acteurs scolaires. Le rapport relève notamment la persistance de stéréotypes relatifs au corps et à la personnalité : les filles sont perçues comme physiquement plus fragiles, et leur tenue vestimentaire souvent pointée comme facteur de distraction ou source de harcèlement. Sur le plan des traits de caractère, les jeunes filles sont souvent associées à l’émotion, tandis que les garçons sont valorisés pour leur rationalité, une dichotomie qui influence directement les choix d’orientation.

Le document souligne également l’émergence de formes plus insidieuses de sexisme, qualifiées de « latentes » ou « bienveillantes ». Ces attitudes, plus difficiles à détecter, se manifestent souvent chez les enseignant.e.s ou les encadrants, à travers un discours mêlant valeurs d’égalité et justification de rôles traditionnels, perpétuant ainsi une hiérarchisation implicite des genres.

La mixité scolaire, bien que formellement acquise, reste partiellement mise en œuvre. L’étude relève que les activités éducatives et sportives, ainsi que le positionnement en classe, reproduisent des schémas de séparation, témoignant d’un entre-soi persistant entre les genres.

Des différences marquées 

Les milieux ruraux et périurbains apparaissent plus vulnérables aux discours antiféministes et aux stéréotypes de genre, souvent intériorisés par les garçons mais aussi par une proportion non négligeable de filles. Ce phénomène est notamment lié à la précarité socio-économique et à une moindre exposition aux discours progressistes.

Par ailleurs, la discipline enseignée influence fortement la perception de l’égalité. Si nombre d’enseignants affirment promouvoir les droits et les opportunités pour tous, ceux des disciplines à référent religieux, comme l’éducation islamique, mettent souvent en avant une logique d’équité fondée sur la complémentarité entre les sexes, générant des ambiguïtés chez les élèves.

Le contenu des manuels scolaires n’échappe pas non plus à la critique. L’étude dénonce une « transmission aveugle » de stéréotypes, souvent liés à des figures féminines passives ou soumises, notamment dans les œuvres littéraires étudiées en classe. Les enseignants, peu formés à l’analyse critique de ces contenus, reproduisent sans remise en question les messages transmis par les supports pédagogiques.

Les espaces numériques sont identifiés comme des catalyseurs de diffusion des stéréotypes de genre. L’influence des images, des algorithmes ou des influenceurs en ligne alimente souvent des discours sexistes, contre lesquels les jeunes, peu formés à une lecture critique, sont peu armés. Le numérique devient ainsi un lieu de renforcement des inégalités plutôt que d’ouverture vers l’égalité.

Un appel à l’action et une vision stratégique pour l’école

« Malgré les intentions et les réformes, notre système éducatif n’a toujours pas fait de la pédagogie de l’égalité un pilier central. L’école continue de reproduire les inégalités au lieu de les combattre », a déclaré Amina Lotfi, membre du bureau exécutif de l’ADFM. Elle a plaidé pour une stratégie nationale cohérente, dotée d’objectifs mesurables et d’un dispositif de suivi rigoureux, insistant sur la nécessité d’une volonté politique ferme.

Le rapport ne se limite pas à un constat. Il formule une série de recommandations concrètes : renforcer l’égalité dans les textes éducatifs, réviser les programmes, former les enseignants à l’approche genre, intégrer des évaluations sensibles au genre, et impliquer activement les garçons dans les actions de sensibilisation.

La publication de ce recueil s’inscrit dans une démarche initiée depuis plusieurs années par la dynamique Pour une école de l’égalité, pilotée par l’ADFM et ses partenaires. Parmi les actions menées figurent la présentation d’un mémorandum au ministère de l’Éducation en 2022, des journées d’étude avec des parlementaires, des campagnes nationales de sensibilisation ou encore des ateliers interactifs organisés dans plusieurs établissements et centres culturels du pays.

Ces initiatives ont notamment mis en évidence l’intérêt croissant des jeunes pour les questions d’égalité et leur rôle potentiel comme vecteurs de changement au sein des communautés scolaires.

LNT

Les articles Premium et les archives LNT en accès illimité
 et sans publicité