
Pr Hassan Radoine, UM6P
Le Professeur Hassan Radoine, directeur de l’École d’architecture, planification & design SAP+D à l’Université Mohammed VI Polytechnique, est un expert en architecture, planification et design durable. C’est donc tout naturellement qu’il prend activement part à Casablanca Smart City Symposium, depuis de nombreuses années déjà. Pour l’édition 2022, il a accepté d’éclairer nos lecteurs sur le concept de smart city et les potentialités de développement pérenne qu’il représente pour le Maroc.
La Nouvelle Tribune : Tout d’abord, pourriez-vous expliquer à nos lecteurs comment l’UM6P est associée à l’événement Casablanca Smart City Symposium ?
Hassan Radoine : L’UM6P est une institution académique préparant des futurs leaders du Maroc et de l’Afrique pour l’excellence dans la recherche scientifique et l’innovation, la dissémination du savoir au grand public est donc parmi ses principales missions. C’est dans ce sens, que l’Université Mohammed VI polytechnique, à travers sa School of Architecture, Planning and Design (SAP+D), est devenu un partenaire scientifique habituel du Casablanca Smart City Symposium à travers son étroite collaboration dans les précédentes éditions et son expertise dans les thématiques liées aux concepts de la ville smart. L’UM6P et la SAP+D, en capitalisant sur leurs réseaux d’experts et de partenariats stratégiques dans les domaines clés, contribuent de manière significative dans le cadrage des thématiques scientifiques la mise en pratique de cet évènement crucial pour Casablanca, les autres villes du Maroc et le continent Africain en général.
L’UM6P est une université qui se veut résolument moderne et digitale, un catalyseur de l’innovation au Maroc et en Afrique. Comment a-t-elle instauré cette culture, et comment continue-t-elle à la renforcer ?
En tant que « Ecole de la vie », l’UM6P se définit comme un pôle de création de savoir, de partage et d’expérimentation des idées innovantes au service des communautés. Avec ses Living Labs, sa composante digitale et son approche Learning-by-doing, un modèle pédagogique d’apprentissage par expérimentation novateur dans les milieux académiques. Cette culture visionnaire d’innovation a été instaurée dès la création de l’université et a été vite adoptée par l’ensemble des étudiants, chercheurs et corps professoral qui sont perpétuellement dans la découverte de solutions dont fait face la société. Cette synergie créative encourage donc de plus en plus l’adoption des outils digitaux et technologiques en vue de la valeur ajoutée dans ils ont fait preuve. Cette adoption du digital a démontré son utilité surtout pendant cette dernière crise sanitaire. En effet, les périodes de confinement pendant les pics de COVID19 ont mis à l’épreuve la plupart des systèmes éducatifs dans le monde entier, mais une fois de plus, la communauté de l’UM6P a pu se démontrer capable de surmonter les défis en proposant le premier respirateur de réanimation (made in Morocco) et de mettre en place une plateforme de distance Learning adaptée et mise au service de toute la société marocaine.
On pense souvent que le concept de smart city se limite au digital, ce qui n’est pas le cas. Quelles sont pour vous les caractéristiques les plus importantes d’une smart city ?
Face aux challenges croissants, les villes cherchent sans cesse à améliorer et optimiser leurs systèmes urbains en termes d’infrastructure, de services de base et d’attractivité. Le model de la smart city est devenu donc une sorte de référence dans ce sens grâce à l’application des nouveaux outils technologiques de l’information et de communication (TIC), l’intelligence artificielle, etc. Cependant, la smart city ne peut pas se limiter à son aspect technologique ou digital car le fondement de la durabilité des villes repose en premier lieu sur leur qualité environnementale et bien-être communautaire.
En général, la digitalisation des données urbaines en temps réel, la connectivité entre systèmes d’infrastructure, l’automatisation et l’internet des objets, et les technologies de communication sont tous des aspects importants d’une smart city. Par contre, L’édition de cette année du Casablanca Smart City Symposium veut aller encore plus loin pour démontrer comment la ville smart intègre d’autres dimensions moins dépendante des technologies High-tech et émanant de la créativité des communautés. Au-delà du digital, dans notre contexte africain, l’intelligence d’une ville se rapporte à son degré de résilience, sa capacité inclusive, sa durabilité et son niveau d’intégration dans un territoire plus large.
Dans vos différentes interventions, vous évoquez souvent le concept de résilience. Comment l’architecture, votre spécialité, peut-elle être actrice de la résilience dans une smart city ?
La résilience d’une ville intelligente n’est pas seulement sa capacité de créativité, de réinvention et de flexibilité face à des crises mais aussi de pouvoir anticiper et s’adapter à ses défis spécifiques de manière durable. En tant que tel, l’architecture comme premier unité composante d’une ville devrait être aussi résiliente qu’intelligente. La résilience architecturale est primordialement contextuelle, par exemple les matériaux d’une unité bâtie dans un site et un environnement qui lui est propre devraient être adapté et capable de faire face aux défis de cet environnement précis. Un ensemble cohérent et symbiotique de ces unités architecturalement résilientes est nécessaire pour orchestrer une smart city. Dans le même ordre, une ville intelligente aura inévitablement une influence sur l’intelligence et la résilience de ses composantes singulières.
Comme vous l’avez déclaré lors de votre intervention lors de l’édition 2021, l’humain est au cœur même du concept de smart city. Comment le Maroc peut-il développer cette intelligence humaine, autant au niveau des connaissances que de la culture sociétale, et que peut apporter le monde universitaire à ce développement ?
Oui effectivement, quand on évoque une smart city on sous-entend aussi un système d’organisation sociétale intelligente dans un sens large de gouvernance, d’économie et d’écosystème environnemental. L’intelligence communautaire n’est pas nouvelle au Maroc car on remarque l’efficacité organisationnelle dans nos médinas à leurs époques et le degré d’adaptation des communautés à leurs environnements. De même, à l’heure actuelle, il est opportun de développer notre intelligence communautaire et de l’orienter vers la résolution des nouveaux challenges du 21eme siècles à savoir les effets du changement climatique, la globalisation et l’explosion démographique urbaine galopante. Face à ces enjeux, la société marocaine connait des changements culturels profonds en cours de manifestation qui devront redéfinir les dynamiques d’une smart city dans notre contexte. Le rôle des universitaires et académiciens est d’abord dans la compréhension et l’explication de ces phénomènes sociétaux nouveaux et ensuite dans l’élaboration des schémas futures à suivre pour une intelligence communautaire collective dans le développement des villes intelligentes marocaines.
Entretien réalisé par Selim Benabdelkhalek