La CDT proteste contre la flambée des prix
Le Maroc est-il au bord d’une crise sociale ? Politiquement, la question se pose, particulièrement dans un contexte où la hausse des produits de première nécessité et bien d’autres qualifiés d’essentiels, est la règle depuis des mois déjà. La question taraude également les esprits dans un contexte où la relance économique post-covid tarde à venir. Le dialogue social n’avance pas. Le taux de chômage reste inquiétant, à 12%. L’augmentation des salaires n’est pas d’actualité. Les emplois se perdent plus qu’ils ne se créent. La reprise de l’activité économique n’est pas si simple pour certaines entreprises. En effet, plus du quart d’entre elles (28%) ont dû suspendre leurs activités pour une durée moyenne de 143 jours en 2021, indique le HCP dans une toute récente enquête. Les entreprises des secteurs de l’hébergement (52%), des arts, spectacles et activités récréatives (49%) et de la construction (37%) ont suspendu leurs activités respectivement pour une période moyenne de 250, 186 et 169 jours. La raison de suspension n’est expliquée que par les sempiternelles répercussions de la crise sanitaire sur l’activité de ces entreprises.
Le risque d’une gronde sociale monte d’un cran. Les syndicats et d’autres organisations s’en mêlent. Dimanche dernier, à Casablanca du côté de Derb Omar exactement, des Marocains ont investi les rues pour manifester contre la flambée des prix de plusieurs produits de première nécessité. La CDT a pris les devants et a convié ses bureaux locaux à la mobilisation générale pour organiser des sit-in partout dans le royaume. La CDT, mais aussi plusieurs syndicats, associations de protection du consommateur et partis politiques, exigent depuis plusieurs semaines l’intervention rapide du gouvernement pour plafonner les prix des produits essentiels.
Les citoyens marocains, eux, en débattent partout. Mais du côté gouvernemental, aucune mesure urgente à même d’apaiser le quotidien de Marocains très déçus, fatigués de subir ce trend haussier des produits alimentaires de base.
Ainsi, chez le boucher, les prix des viandes rouges et blanches dépassent nettement le pouvoir d’achat d’une bonne partie des Marocains à revenu limité, qui constituent la majorité de la population du pays. Acheter un poulet entier coûtait dans les environs de 30 Dhs auparavant. C’est presque impossible aujourd’hui dans un marché. Par exemple à Lalla Meryam à Casablanca, le poulet est acheté en pièces à partir de 5 Dhs.
Chez l’épicier ou encore dans les grandes surfaces, les hausses des produits de première nécessité sont flagrantes. Idem pour les prix des fruits et légumes. Les habitués des marchés vous diront que les prix dépassent de plus en plus le pouvoir d’achat des ménages.
Chez le boulanger, les prix du pain à base de semoule ou à base de blé dur, ont connu une hausse de 50 centimes. Face à cette hausse abusive, beaucoup de citoyens marocains, notamment au revenu modeste ou limité, s’orientent de plus vers le pain à blé subventionné, soit au prix de 1,20 Dhs. Néanmoins, les baguettes dites parisiennes ou encore le pain rond à base de blé tendre, sont difficilement trouvables chez certaines boulangeries de la ville de Casablanca. Les plus « malins » de ces boulangers de la capitale offrent ainsi un stock très limité de ce pain qui se vend très rapidement, poussant ainsi les citoyens, qui n’ont pas d’ailleurs le choix, d’acheter le pain aux prix démarrant à partir de 2 Dhs. A noter que certaines boulangeries de la place, se voulant premium, ont depuis longtemps rompu avec le pain à 1,20 Dh, sachant que la majorité de leur produits et pâtissiers sont à base de blé subventionné par l’Etat à travers les taxes des contribuables. Là encore, les responsables sont aux abonnés absents, laissant le citoyen face à son propre sort.
Dans les stations-services, les prix du carburant explosent. Ils sont aujourd’hui aux environs de 10 Dhs pour le diesel et 13 Dhs pour l’essence. Les transporteurs et autres professionnels de la logistique prennent leur mal en patience. Mais jusqu’à quand ?
Les analystes expliquent que si l’augmentation des prix des produits de première nécessité est liée à l’évolution des cours mondiaux, celle des marges bénéficiaires est, quant à elle, abusive. Et d’ajouter que le Maroc importe, en effet, la quasi-totalité de ses besoins en la matière, sous forme d’huiles brutes ou de graines à triturer, ce qui l’expose fortement à l’évolution des cours mondiaux, en hausse actuellement, à la bourse de Chicago. À cela s’ajoute la hausse des coûts logistiques et de l’énergie, en plus du retard de livraison de certaines matières premières.
Le citoyen lambda, lui, ne veut rien savoir de tout cela, en particulier dans un contexte socio-économique toujours influencé par la Covid-19 et les mesures restrictives toujours en mise. La pénurie des pluies, elle, va compliquer davantage les choses.
Autant de facteurs qui ne manqueront pas d’alimenter la gronde sociale. Le Chef du Gouvernement Aziz Akhannouch et son équipe de l’Exécutif sont ainsi appelés à mettre le turbo face à une question sociale qui a rarement été aussi cruciale et urgente. Reste à savoir si le Gouvernement dispose des capacités et des moyens pour mener à bon port un dossier aussi brûlant que celui du gagne-pain des citoyens marocains.
Hassan Zaatit