Le Conseil de Bank Al-Maghrib, lors de sa réunion trimestrielle tenue en début de semaine, a annoncé sans surprise le maintien de son taux directeur à 2,25%, sur la base d’une situation économique atone et d’une inflation à son plus bas niveau, de 0,2% selon ses propres analyses.
De plus, les perspectives économiques de notre pays ne sont pas florissantes.
C’est pourquoi la Banque Centrale, dans le cadre de sa politique monétaire expansive de soutien au secteur bancaire pour fluidifier le financement de l’économie et compte tenu de la persistance de besoins importants en liquidités bancaires, a décidé de réduire le taux de la réserve monétaire de 2% à 4%.
Ce qui permettra ainsi une injection permanente d’un peu plus de 11 MMDH.
En effet, le Wali Jouahri a dit tenir compte du fait que les avances à 7 jours sur le marché monétaire se sont creusées, avec un risque d’accentuation en 2020, signe d’une aggravation de la situation.
En fait, la politique monétaire de notre Banque Centrale est tributaire de la stagnation de la situation économique de notre pays.
D’ailleurs, l’indice qui traduit sa mauvaise santé s’exprime par le taux d’inflation qui ne cesse de se dégrader.
Il faut rappeler que la cible de l’inflation de la politique de M. Jouahri est de 2% et que le taux estimé par BAM aujourd’hui est à peine de 0,2%.
Mêmes causes, mêmes effets
Ce constat n’est pas propre au Maroc, mais partagé par beaucoup de pays dans le monde et la croissance économique mondiale ne cesse d’être révisée à la baisse.
Après le FMI, l’Organisation de coopération et de développement économique, (OCDE), vient également de corriger à la baisse, jeudi dernier à Paris, ses pronostics, annonçant que la croissance mondiale devrait s’établir à 2,9 % cette année, au plus bas depuis dix ans.
Si, les tensions commerciales et géopolitiques et l’incertitude sur le Brexit expliquent largement cette faiblesse de la conjoncture internationale, les politiques monétaires des banques centrales ne constituent plus en soi des armes de défense et un soutien aux économies !
En effet, la FED et la BCE, les deux banques centrales américaine et européenne, ont donné le ton à toutes leurs homologues depuis la crise financière de 2007-2008, en revendiquant une politique monétaire expansionniste.
Celle-ci s’est traduite par une baisse des taux directeurs et une politique de rachat de titres de dettes publiques (QE, assouplissement quantitatif), deux manières d’augmenter les liquidités pour faciliter les crédits à l’économie et le financement budgétaire en faveur de la croissance.
De plus, face à la faiblesse et la stagnation de la croissance économique, les banques centrales du monde occidental viennent de reconduire leur politique monétaire en maintenant leurs taux à leurs bas niveaux, pour la BCE proche de zéro et pour la FED dans une fourchette de 1,75%, 2,25%.
Alors qu’elles étaient censées mettre un terme à cette politique monétaire de taux bas, elles sont contraintes de la poursuivre du fait de la mauvaise conjoncture économique.
Sauf que les politiques monétaires expansionnistes pratiquées par les banques centrales sont aujourd’hui sérieusement remises en cause parce qu’elles n’ont pas réussi à relancer les économies et susciter la croissance.
La crise s’installe chez les banques
Plus grave encore, la politique des taux bas voire négatifs induit une crise de rentabilité des systèmes bancaires dans tous les pays.
En effet, depuis la crise financière de ce début du 21è siècle, la finance mondiale représentée en particulier par le secteur bancaire est frappée par des faiblesses qui deviennent structurelles.
Celles-ci se caractérisent par des coûts bancaires qui croissent de 1% ou 2 % par an, des perspectives de croissance des revenus proches de zéro, qui rognent les revenus et marges des banques et en conséquence la rentabilité de leurs capitaux propres qui est désormais inférieure au coût de leur capital.
Ces derniers mois les banques européennes ont dû faire face à de sérieuses difficultés au point de recourir à des plans de restructuration drastiques.
En effet, BNP Paribas, Deutsche Bank, HSBC, et bien d’autres banques occidentales ont dû procéder à la réduction de leurs effectifs, tombés à leur plus bas niveau depuis 1997. C’est la série noire des suppressions de postes dans le secteur bancaire !
Cet été, BNP Paribas a confirmé son programme d’optimisation avec la suppression de 500 postes sur trois ans, soit 20 % de ses effectifs en France, accélérant la cadence.
Vendredi dernier, la Direction de la Division de la Banque de Détail en France (BDDF) de Société Générale a annoncé un projet de réduction d’effectifs portant sur 530 postes à horizon 2023, essentiellement dans ses back-offices.
Cette décision intervient cinq mois après l’annonce d’un plan de 500 millions d’euros d’économies, entraînant la suppression de 1.600 postes dans le monde, dont 750 en France.
Cette série de mesures souligne la volonté de Frédéric Oudéa, patron de la SG, de s’attaquer aux coûts de la banque qu’il dirige, dans un contexte de marché difficile, marqué par la baisse des taux qui rogne les marges, la digitalisation du métier ou encore la contrainte réglementaire.
C’est d’ailleurs tout le secteur financier européen qui est de plus en plus malmené. Commerzbank a annoncé de son côté la fermeture de 200 agences et la suppression de 4.300 postes.
Deutsche Bank est en train de supprimer 18.000 postes dans le monde, soit un cinquième de son effectif, en priorité dans sa banque d’investissement.
Au Royaume-Uni, HSBC et Barclays ont annoncé ce mois-ci 7.000 suppressions au total, tandis que les espagnols Santander et Caïxa ont dégraissé plus de 5.000 postes.
En Italie, UniCredit, qui a déjà supprimé 14.000 postes en 2016, prépare une nouvelle vague de restructurations, qui pourrait se traduire par la suppression de 10.000 postes supplémentaires.
Ainsi, les restructurations se généralisent dans la finance européenne et les perspectives de carrières dans le secteur bancaire s’amenuisent !
Selon des chiffres de la BCE, les effectifs dans le secteur bancaire sont déjà tombés à leur plus bas niveau depuis 1997.
En 2018, le secteur, avec 2,7 millions d’emplois, a perdu 70.000 personnes par rapport à 2017.
Le secteur bancaire serait-il en situation de celle qui avait marqué la décadence de la sidérurgie ?
En effet, les banques doivent s’adapter aux nouvelles conditions d’exercice de leur activité ! De telles mesures de suppression d’emplois, s’inscrivent dans un vaste programme de réduction des coûts bancaires qui non seulement ne cessent d’augmenter mais que la persistance des taux d’intérêts faibles voire négatifs ne couvrent plus, réduisant ainsi drastiquement la rentabilité des banques.
A ce titre, les politiques monétaires non conventionnelles ont échoué, elles ne sont plus efficaces. Elles devaient stimuler la croissance par une baisse des taux d’intérêt à court et long terme, mais leur pression à la baisse des taux, atteint ses limites.
Non seulement les banques en ont pâti, mais plus des deux tiers des obligations d’Etat en Europe ont des rendements négatifs et les bons du Trésor américain à dix ans se rapprochent de leurs taux les plus bas se dirigeant vers zéro, surtout si la récession de l’économie américaine se confirme.
Que faire ?
De l’exposition de tous ces faits, il est patent que les banques centrales doivent trouvent de nouvelles réponses à la faiblesse de la croissance. Il s’agit de mettre en place des actions pour stimuler directement les dépenses et le pouvoir d’achat des consommateurs et atteindre une cible d’inflation cohérente avec une remontée des taux.
Les Etats doivent dépenser plus pour relancer l’économie, avoir ainsi une politique budgétaire plus productive et efficace.
Cette analyse sur l’impact des politiques monétaires occidentales, met en exergue la situation des banques marocaines dont le coût du risque a également beaucoup augmenté sur les dernières années, leurs marges d’intérêts ont baissé, rognant sur la rentabilité de leurs fonds propres.
Bank Al-Maghrib a pratiqué une politique monétaire expansionniste pour contrer la crise financière mondiale.
M. Jouahri, le gouverneur de la Banque Centrale, a dû suivre la tendance internationale en maintenant le taux directeur bas, toute chose étant égale par ailleurs, à 2,25%, dans l’optique de faciliter le crédit bancaire et soutenir la croissance par la consommation et l’investissement.
Mais, chez nous aussi, le constat de cette politique est négatif parce que son impact sur la croissance économique reste faible, alors que ses conséquences sur l’activité des banques commencent à se ressentir, les mêmes causes produisant les mêmes effets…
Afifa Dassouli