Kamala Harris et Donald Trump ont bien fini par s’affronter lors d’un chaud débat organisé mardi 10 septembre. Et comme les Américains savent si bien le faire, le show entre les deux candidats était à la hauteur de toutes les attentes avec une Kamala incisive et rendant coup sur coup à un Donald aguerri à l’exercice.
D’ailleurs, l’ex-président américain a étonnamment continué à faire référence à Biden avec insistance et a remis quelques couches sur le compte des votes des précédentes élections. Cette posture de Trump indique au moins deux conclusions importantes ; l’élection américaine de novembre se joue à la capacité de chaque camp à mobiliser ses troupes et si Trump préfère souffler sur les braises du bucher de Biden, c’est parce qu’il coalise plus de haine dans son camp que Harris. La seconde conclusion est que parce que Trump joue son avenir personnel dans ces élections, dos au mur, il est imprévisible et n’hésitera pas à accentuer la division profonde qui sépare désormais le peuple américain.
On dit souvent que les tendances mondiales naissent aux États-Unis pour ensuite s’essaimer à travers le monde ; ce schisme idéologique et identitaire qui touche l’Amérique ne fait pas exception même s’il prend des formes différentes ailleurs.
Ainsi, en France, la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre est inédite à plus d’un titre. D’abord par l’ironie de voir le plus jeune premier ministre de la Vème République remplacé par le plus vieux, et de surcroit nommé par un Président bien plus jeune, ce qui sonne quelque peu comme un aveu d’impuissance et d’échec de la jeunesse à tenir la barre en politique.
Ensuite et surtout, par le fait que pour la première fois, c’est à l’extrême droite de l’échiquier, au Rassemblement national, que le blanc-seing pour cette nomination a été obtenu. Pour tous, le message est clair, l’extrême gauche est une pestiférée quand l’extrême droite est bien plus fréquentable.
Chez le voisin, en Allemagne, le chancelier Scholz a annoncé rétablir le contrôle total aux frontières du pays. Une décision prise par un des pays fondateurs de l’Europe communautaire à l’opposé parfait de sa raison d’être et qui pourrait créer un précédent sur le vieux continent, qui a déjà largement cédé à une vague de droite nationaliste, identitaire et anti-immigration.
En Israël, tous ces ingrédients sont déjà à l’œuvre et montrent leur potentiel destructeur, même au sein d’une démocratie se voulant installée et reconnue comme telle. Tout le monde s’accorde sur le fait que Netanyahu est dans une logique jusqu’au-boutiste et va-t’en guerre, mais personne ne semble pouvoir l’arrêter, ni ses ennemis, ni ses alliés. À quelques semaines à peine du 7 octobre prochain, le monde entier va célébrer son impuissance à secourir le peuple palestinien à qui on ne reconnait ni passé, ni présent, ni futur.
Et, quand le Hamas à travers son nouveau chef, Yahya Sinouar, félicite Abdelmadjid Tebboune pour sa réélection à la Présidence algérienne, l’espoir s’amenuise un peu plus de voir le bon sens réapparaitre dans la politique mondiale.
Ce que l’on vit actuellement est la conséquence directe de l’affaiblissement des plus grandes puissances géopolitiques, de Washington avec son duel à mort entre le Trumpisme et la recette démocrate, à Moscou enlisée dans une Ukraine qui se refuse à capituler.
C’est aussi le multilatéralisme qui perd toute sa légitimité et ses acquis à une vitesse exponentielle face à une montée qui semble inexorable d’une nouvelle forme de fondamentalisme de droite, un coup nationaliste, un coup suprématiste, mais de plus en plus légitime.
Pourtant, le vent pourrait tourner fortement et rapidement si par hasard Kamala Harris succédait à Biden, sans que Trump ne retourne l’Amérique, et si Poutine et Zelensky, qui n’ont jamais été aussi enclin à négocier, parvenait à mettre fin au conflit qui les oppose, et si Netanyahu perdait sa place de premier ministre. Mais, avec des si…
Zouhair Yata