C’est par un communiqué laconique du Cabinet royal que M. Abdelilah Benkirane et avec lui l’ensemble du peuple marocain ont appris que le secrétaire général du PJD était déchargé de la mission qui lui avait été confiée le 10 octobre dernier par le Roi Mohammed VI.
Quelques heures à peine donc après le retour du Souverain d’une longue mission africaine, « le Plan B » n’a point tardé dans sa mise en œuvre, alors que plus de cinq mois s’étaient écoulés depuis la désignation de M. Abdelilah Benkirane en tant que chef d’un gouvernement qu’il n’a jamais réussi à mettre sur pied.
Retour à la case départ donc pour l’érection d’une coalition majoritaire à la Chambre des Représentants, laquelle donnerait au successeur de M. Benkirane la possibilité de durer tout au long de la législature !
Mais, avant même de s’interroger sur l’identité du prochain « missionné », qui sera désigné au sein même du PJD, en pleine conformité avec les dispositions constitutionnelles, plusieurs leçons de ce long feuilleton politico-institutionnel peuvent être d’ores et déjà tirées.
La fin de la mission de M. Benkirane est incontestablement une défaite personnelle pour celui-ci, avant même de constituer un échec pour le PJD.
M. Abdelilah Benkirane a été « viré » intuitu personae et cela fera sans doute beaucoup de mal à son égo, lequel avait considérablement enflé au cours des derniers mois…
Second constat, encore plus humiliant pour le patron des islamistes, M. Benkirane n’a pas eu droit à une audience royale pour s’expliquer avec le Souverain ou écouter sa décision. C’est par un communiqué public et officiel qu’il a reçu notification de son lâchage royal et cela en dit long sur l’actuelle estime dont il jouit au Palais aujourd’hui.
Troisième constat, le Parti de la Justice et du Développement, dont l’un des membres éminents dirigera le prochain gouvernement, selon la volonté clairement exprimée par le Roi Mohammed VI, sort fortement affaibli de cette épreuve de force avec le « Makhzen ».
Le successeur de M. Benkirane ne pourra guère, en effet, faire preuve de la même morgue et de l’assurance hautaine qui, depuis le soir des élections du 7 octobre 2016, avait particulièrement caractérisé l’attitude et les propos du Secrétaire général du PJD. Ce parti, d’ailleurs, s’arrangera peut-être très rapidement pour trouver un remplaçant à Si Abdelilah qui termine sa vie politique officielle et publique sur une cinglante défaite !
Quatrième constat, avec le nouveau chef de gouvernement désigné, et quel qu’il soit, les négociations reprendront là où M. Benkirane les avait laissées, mais avec moins d’atouts pour le successeur, du fait même de la longue vacance gouvernementale infligée au pays par l’obstructionnisme entêté d’un homme qui croyait pouvoir faire plier le système à la faveur d’une « petite » victoire aux législatives…
Cinquième constat, et non le moindre, celui de l’attachement au respect des dispositions constitutionnelles par le Roi Mohammed VI, qui contrairement aux rumeurs et autres projections hasardeuses de nombreux « analystes », s’est gardé de toute déviance dans ses choix et options. Cela confirme de façon définitive et irrécusable l’entrée du Royaume dans le camp des démocraties parlementaires, lesquelles, comme l’écrivait avec pré-science La Nouvelle Tribune en octobre 2016, peuvent être amenées à vivre des crises politiques et institutionnelles, ce qui a effectivement été le cas jusqu’au communiqué royal du 15 mars !
Sixième constat, le départ de Benkirane ouvre la porte à de nouvelles options pour la formation d’un gouvernement solide et crédible, comme le confirme la déclaration du leader du PAM, M. Ilyass El Omari, qui est sorti de son long silence dès l’annonce de l’éviction de son vieux rival.
Septième et dernier constat, celui des dégâts collatéraux que subiront tous ceux qui ont accompagné M. Benkirane dans son intransigeance.
N’a-t-on pas déjà remarqué que le PPS, par la voix d’un de ses dirigeants, M. Khalid Naciri, a positivement pris acte du communiqué royal, quelques instants après sa publication officielle ?
Benkirane out, le PJD affaibli, la donne entièrement renouvelée, les tractations relancées, de nouveaux leaders en place…
Une belle stratégie pensée et appliquée en cinq mois. Bravo au concepteur…
Fahd YATA