SM le Roi reçoit M. Saad Eddine El Othmani et le charge de former le nouveau gouvernement
C’est un « coup politique » magistral qui vient de se produire avec la nomination par le Roi Mohammed VI, ce vendredi, d’un successeur à M. Abdelilah Benkirane, en vue de former un gouvernement.
Un coup magistral parce que la personne désignée, M. Saad Eddine El Othmani, tout en étant le numéro 2 du Parti de la Justice et du Développement, est certainement l’antithèse la plus réussie de son prédécesseur !
Abdelilah Benkirane est un tribun populiste et parfois trivial, amateur de grosses blagues et de plaisanteries souvent teintés de machisme.
Il parle beaucoup, avec volubilité, emphase et constitue l’image la plus évidente du tribun plébéien.
Saad Eddine El Othmani est un intellectuel fin et racé, discret, parfois effacé même, parfaitement bilingue, docteur en psychiatrie.
Versé en théologie, il parle posément, et sans cette éloquence à la Benkirane qui ravit les foules.
Longtemps adjoint du fondateur, feu le Dr Khatib, à qui il succéda à la tête du PJD en 2004, M. Saad Eddine El Othmani a été, sans conteste, « la première victime » de la fulgurante ascension de M. Abdelilah Benkirane qui prit sa place à la tête du parti islamiste en 2008.
Ministre des AE et de la Coopération dans le gouvernement Benkirane 1, le Secrétaire général du parti profita du remaniement ministériel rendu nécessaire par le départ du Parti de l’Istiqlal de sa coalition, pour l’évincer et le cantonner à la présidence du Conseil National, loin des lumières de l’actualité politique officielle…
La nomination royale du Dr El Othmani résonne donc comme une revanche et un retour au devant de la scène pour ce psychiatre qui doit certainement bien connaître la personnalité et le psychisme de son concurrent aujourd’hui évincé.
Mais, en dehors de la question de la différence fondamentale de caractère, de comportement et d’image, projetée par la personne du nouveau chef de gouvernement pressenti, la donne est désormais tout autre pour le PJD.
En effet, tel un coup de maître sur un échiquier, le Roi Mohammed VI a pris les devants et anticipé toute réaction, positive ou négative, du parti islamiste.
Alors qu’on a senti depuis le 15 mars dernier, un ressentiment et parfois même de la colère, vite réprimés, certes, sur ordre de Benkirane, dans les rangs du PJD, la nomination de ce jour coupe l’herbe sous les pieds des islamistes avant même qu’ils aient eu le temps de remettre leurs chaussures au sortir de la prière du vendredi à la mosquée !
Certes, le communiqué publié à l’issue de la longue réunion de son Bureau politique jeudi 16 mars, avait pris acte de la décision royale d’évincer Abdelilah Benkirane, soulignant au passage les mérites de l’actuel Secrétaire général, accusant les autres formations d’avoir délibérément entravé la recherche d’une structure gouvernementale acceptable et, surtout, reportant au samedi 18 mars, l’appréciation officielle de cette situation inédite, à l’occasion de la tenue d’un `Conseil national extraordinaire.
Toute cette stratégie politicienne, tendant d’ailleurs à faire du PJD l’interlocuteur du Roi, alors que la Constitution de 2011 personnalise et individualise totalement le processus de désignation du chef de gouvernement, tombe à l’eau avec la nomination de M. Saad Eddine El Othmani.
Le PJD est mis devant le fait accompli et s’il venait à récuser cette décision royale, il se mettrait en situation intenable vis-à-vis de l’opinion publique et du jeu politique, assumant ainsi, seul, la responsabilité d’une nouvelle crise institutionnelle.
Celle-ci, de surcroît, permettrait au Souverain, d’explorer de nouveaux terrains juridico-constitutionnels, ce que le communiqué officiel du Cabinet royal du 15 mars dernier avait soigneusement et clairement refusé d’ aborder, au profit de la nomination d’une nouvelle personnalité appartenant au parti sorti vainqueur des législatives d’octobre 2016.
Ainsi, non seulement le PJD se trouve radicalement court-circuité, mais le Roi, en désignant avant la tenue du Conseil national du PJD, une de ses dirigeants, envoie un message non équivoque à M. Benkirane et à ses amis.
Le Souverain ne se préoccupe pas des gesticulations et actions politiciennes, ni des objectifs, avoués ou non, des partis politiques.
Au-dessus de la mêlée, il respecte et applique à la lettre la Constitution, dans le momentum qui lui convient et non en fonction des calendriers partisans!
Benkirane devra boire la potion amère jusqu’à la dernière goutte et en désignant son adversaire de toujours au sein du PJD, le Roi Mohammed VI lui signifie, indirectement, son congé définitif…
Quant à M. Saad Eddine El Othmani, nul doute qu’il saura convaincre, si jamais besoin était, ses amis du Conseil national, de le suivre dans cette nouvelle aventure gouvernementale ce samedi 18 mars.
Gageons enfin, qu’avec ce nouveau chef de gouvernement, plus « cérébral » que Benkirane, les tractations se dérouleront plus vite et plus facilement désormais afin que le Royaume dispose enfin d’un gouvernement opérationnel avant l’entame de la session parlementaire de printemps.
Et l’on terminera cet article sur la même phrase que le précédent : « Bravo au concepteur de cette stratégie » !
Fahd YATA