Les participants à une rencontre en ligne, tenue mardi à Paris, dans le cadre de la 9ème édition des Dialogues Stratégiques du Policy Center for the New South, think tank indépendant à vocation panafricaine basé au Maroc et HEC Center for Geopolitics (Paris), sous le thème « la Démondialisation », ont débattu des nouveaux paradigmes de l’ordre mondial, entre mondialisation et protectionnisme, dans le sillage de la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19.
La crise sanitaire du COVID-19 a pris une nouvelle ampleur et a radicalement changé l’ordre de l’économie mondiale. Dans le même sillage, la mondialisation se voit menacée étant donné que chaque pays s’est renfermé afin de lutter contre la propagation de ce virus ce qui engendre une remise en question du système international actuel, soulignent les organisateurs dans l’abstract de cette rencontre.
Ce délitement de la mondialisation se traduit par l’émergence d’un système dominé par des actions menées de manière unilatérale. Pourtant, aucun pays, aussi puissant soit-il, ne peut résoudre seul les problèmes auxquels le monde est confronté. Des risques substantiels qui menacent l’économie mondiale pourraient facilement compromettre les relations internationales économiques, relèvent-ils notamment.
Les relations multilatérales des acteurs étatiques semblent de plus en plus incapables de fournir des solutions partagées, justes et efficaces aux enjeux communs actuels. « Quelles sont les causes profondes de ladite démondialisation ? Comment cela pourrait-il influer sur le commerce international et la croissance économique, ainsi que sur la sécurité internationale et régionale ? Et quels acteurs sont prêts et capables d’écrire les règles du XXIe siècle ? », autant de questions soulevées et analysées par les participants à ces Dialogues stratégiques, organisés à Paris et à Rabat.
Lors de la rencontre à Paris, les intervenants ont unanimement souligné le fort impact de l’épidémie du coronavirus sur le schéma des relations internationales à tous les niveaux ainsi que ses répercussions particulièrement pour les pays émergents et les populations vulnérables.
En ouvrant cette rencontre, Pascal Chaigneau, Directeur du HEC Center for Geopolitics, coorganisateur de cette rencontre avec le Policy Center for the New South (PCNS), a relevé que le monde a été confronté à des protectionnismes agressifs qui se sont transmués en récession massive et mondiale sous l’effet de la crise sanitaire. Cette crise a également exacerbé les rivalités et les guerres commerciales entre les différentes puissances économiques mondiales, comme elle a généré une grande fracture social, a souligné M. Chaigneau, qui a modéré le débat.
Il s’est également arrêté sur les effets de la crise sanitaire, dans le contexte des incertitudes liées au divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne et leurs répercussions économiques et politiques aussi bien en Europe qu’au delà des frontières communautaires.
Pour sa part, François Baroin, ancien ministre français de l’Economie et des Finances, et professeur au Centre HEC de Géopolitique, est revenu sur les crises financières et leurs conséquences, rappelant l’effet de la crise de Covid-19 sur les différents secteurs économiques notamment au sein de l’Union européenne.
Il a également abordé les mesures prises de par le monde pour affronter les retombées économiques de cette crise sans précédent, particulièrement dans le cadre de la réponse collective de la Commission européenne à travers l’adoption du plan de relance, soulignant la nécessité de protéger les plus vulnérables face à la pandémie.
Abordant « le processus de démondialisation entre le mythe et la réalité », Henri-Louis Védie, chercheur au Centre HEC de Géopolitique & Senior Fellow au Policy Center for the New South, a rappelé que la démondialisation, qui n’est autre que le ralentissement de la mondialisation, est un processus historique et conjoncturel et non pas nécessairement structurel.
M. Védie, qui est revenu longuement sur les mutations ayant accompagné l’avènement de l’ère de la mondialisation, a estimé que l’après-Covid, qui sera marqué par une explosion du nombre des pauvres comme conséquence directe de la crise sanitaire, pourrait conforter le processus de la mondialisation.
Jérémy Ghez, chercheur au Centre HEC de Géopolitique, a considéré à son tour que la crise sanitaire est l’un des accélérateurs de la mondialisation, en contraignant les économies de par le monde à procéder à une transformation de leurs chaînes de production, entre autres.
Le chercheur a souligné en outre la nécessité pour les Etats et les décideurs de tenir compte également de la question climatique qui s’impose de plus en plus dans leur ripostes à la crise sanitaire mondiale, appelant à commencer à imaginer la mondialisation dans le sillage de cette urgence climatique qui est en train de définir « ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire ».
Pour sa part, Eugène Berg, ancien ambassadeur et chercheur au Centre HEC de Géopolitique, est revenu sur la bataille des normes, expliquant que celle-ci concerne des enjeux majeurs notamment technologique, scientifique et sécuritaire. Selon lui, le monde assiste à une nouvelle « guerre froide technologique » avec à son coeur les nouvelles technologies de la 5G.
Depuis 2016, Le Policy Center for the New South et HEC Center for Geopolitics organisent chaque année deux éditions des « Dialogues Stratégiques». Cette plateforme d’analyse et d’échange réunit des experts, des chercheurs provenant de différents think-tanks et du monde académique, des praticiens, ainsi que des décideurs politiques pour débattre des grandes questions géopolitiques et sécuritaires à l’échelle internationale, ainsi que des problématiques d’importance commune à la fois pour l’Europe et l’Afrique.
Lancé en 2014 à Rabat avec plus de 40 chercheurs associés du Sud comme du Nord, le Policy Center for the New South offre une perspective du Sud sur les enjeux des pays en développement. Il vise à faciliter les décisions stratégiques et les politiques publiques relevant de ses principaux programmes : Afrique ; géopolitique et relations internationales ; économie et développement social ; agriculture, environnement et sécurité alimentaire ; et matières premières et finance.
LNT avec MAP