Crédits : Ahmed Boussarhane/LNT
Alors que jusqu’à présent, la plupart des institutions financières marocaines, dont notamment Bank Al-Maghrib, projetaient une nette reprise de la croissance pour 2020, l’estimant autour de 4%, le HCP, avec à sa tête M. Ahmed Lahlimi Alami, vient quelque peu doucher ces espoirs. En effet, à l’occasion d’une conférence de presse organisée mardi 9 juillet à Casablanca, sur le thème « La situation économique en 2019 et ses perspectives en 2020 », il a avancé le chiffre 3,4%, loin des niveaux nécessaires à une véritable reprise de l’économie marocaine.
2019, année morose
La croissance économique marocaine devrait atteindre seulement 2,7% en 2019 après 3% enregistrés en 2018, a annoncé M. Lahlimi Alami.
Ce ralentissement est imputable au repli de 2,1% de la valeur ajoutée du secteur primaire, ce qui contribuerait négativement à la croissance du PIB de -0,3 point en 2019 au lieu d’une contribution positive de 0,3 point une année auparavant, a-t-il expliqué. De leur côté, les activités non agricoles devraient s’accroître de 3,2%, en légère amélioration par rapport à 2,8% enregistrée en 2018, soulignant que ce résultat s’explique essentiellement par un accroissement des activités secondaires de 3,5% au lieu de 3% en 2018. Quant aux activités du secteur tertiaire, elles devraient progresser de 3% au lieu de 2,7% en 2018. Le secteur non-agricole « a du mal a redémarrer après la crise de 2008 », selon M. Khellaf, SG du HCP, avec une valeur ajoutée qui, bien que croissante d’année en année, reste loin des niveaux pré-crise.
Au niveau du secteur secondaire, les industries de transformation poursuivraient leur reprise, affichant un taux de croissance de près de 3% en 2019, a indiqué M. Lahlimi, notant que le secteur du bâtiment et travaux publics devrait connaitre une amélioration avec une croissance de près de 1% au lieu de 0,1% en 2018, grâce à la poursuite des projets d’infrastructures.
Quant au secteur minier, sa valeur ajoutée poursuivrait sa consolidation et afficherait un taux de croissance de 3,9% en 2019 après 4,7% en 2018 et un net rebondissement de 16,5% en 2017, et les services marchands devraient progresser de 3% en 2019, en amélioration par rapport à 2,4% enregistré en moyenne entre 2013 et 2018, alors que les services fournis par les administrations publiques dégageraient une valeur ajoutée en hausse de 3,4% après 2,5% une année auparavant.
Par ailleurs, le Haut-commissaire au Plan a annoncé une baisse de l’inflation, exprimée par le niveau général des prix, passant de 1,1 % en 2018 à 0,8% en 2019.
Les déficits continuent à se creuser
Concernant le déficit budgétaire, M. Lahlimi a annoncé qu’il devrait s’accentuer pour atteindre 4,5% du PIB en 2019 contre 3,7% en 2018, faisant remarquer qu’en tenant compte des recettes de la privatisation, ce déficit devrait s’alléger à 3,6% du PIB. Le Haut-Commissaire et son équipe ont été très sévères sur ce point, se demandant si ces privatisations visant seulement à combler le déficit vont se poursuivre de la sorte. Ils ont notamment relevé le grave problème de la masse salariale qui ne cesse de croître, laissant entendre que le gouvernement a choisi la réforme « facile » de la compensation, qui est en elle-même insuffisante, d’autant plus que « les recettes ordinaires se situent autour de 22% du PIB », un décalage avec les efforts de réduction du déficit.
Concernant l’épargne nationale, il a estimé qu’elle connaitrait une légère baisse, passant de 27,6% du PIB en 2018 à près de 27,3% en 2019, relevant que cette épargne resterait inférieure à l’investissement brut qui serait en recul, passant de 33,5% du PIB en 2018 à 32,6% en 2019.
Quant à la balance des échanges extérieurs des biens et des services, elle dégagerait un déficit commercial rigide à la baisse par rapport au PIB passant de 18,6% du PIB en 2018 à 18,7% l’année en cours, alors que la balance des paiements devrait dégager un déficit du compte courant de 5,3% du PIB, en atténuation par rapport à 5,9% du PIB enregistré en 2018.
Le taux de la dette publique globale s’accroitrait pour atteindre près de 81,3% du PIB en 2019 au lieu 73,4% durant la période 2010-2017 et 60,2% durant 2005-2009. Le taux d’endettement global du Trésor devrait augmenter, lui, à 65,3% du PIB au lieu de 64,9% en 2018.
2020, finalement pas mieux
Lahlimi Alami a indiqué que les perspectives pour 2020 reposent sur un scenario moyen de la production des cultures céréalières, conforté par la consolidation des autres cultures et de l’activité de l’élevage durant la campagne 2019/2020 et supposent également la reconduction de la politique budgétaire mise en vigueur en 2019 et prenant en compte la mise en œuvre de la deuxième tranche de la valorisation des salaires. Ces perspectives tiennent compte aussi de l’évolution de l’environnement international marqué par le maintien, en 2020, des prix du pétrole à leur niveau de l’année en cours et par une légère amélioration de la demande mondiale adressée au Maroc.
Selon M. Lahlimi, le secteur primaire devrait connaitre une légère hausse de sa valeur ajoutée de l’ordre de 4,6%, alors que le secteur non agricole, composé des activités secondaires et des services, dégagerait, de son côté, une croissance de 3,1%, soit presque le même rythme qu’en 2019.
Concernant le secteur secondaire, il devrait enregistrer globalement une croissance de 3,1%, a t-il indiqué, ajoutant que le secteur tertiaire devrait réaliser une croissance d’environ 3%, soit le même rythme prévu en 2019. En terme nominal, a poursuivi M. Lahlimi, le PIB enregistrerait une progression de 4,5% au lieu de 3,5% en 2019, notant que cette évolution fait ressortir une légère hausse de l’inflation mesurée par l’indice implicite du PIB dont le taux passerait de 0,8% en 2019 à 1% en 2020. « Dans ces conditions et en tenant compte de l’évolution de la population active et de la quasi-stagnation des créations nettes d’emploi, le taux de chômage devrait augmenter à 10% en 2019 après avoir été de 9,8% en 2018 avant de baisser à 9,9% en 2020 », a t-il relevé.
Par ailleurs, M. Lahlimi a souligné que la demande intérieure devrait raffermir son rythme de croissance à 3,2%, enregistrant ainsi une contribution de 3,5 points à la croissance économique en 2020, au lieu d’une croissance de 2,8% en 2019 et une contribution de l’ordre de 3,1 points estimés pour l’année en cours, ajoutant que la demande extérieure devrait quant à elle dégager, pour la troisième année consécutive, une contribution négative de l’ordre de -0,1 point.
S’agissant du déficit budgétaire, il devrait, en tenant compte des dépenses d’investissement, passer de 3,6% en 2019 à 3,5% du PIB en 2020, a estimé M. Lahlimi, précisant que face à cette situation déficitaire, le taux d’endettement du Trésor devrait s’alléger pour atteindre près de 64,8% du PIB au lieu de 65,3% en 2019. « Par conséquent la dette publique globale connaitrait une légère baisse pour atteindre 80,7% du PIB », a-t-il expliqué. Au sujet des crédits bancaires, M. Lahlimi a indiqué qu’en prenant en considération les perspectives de croissance économique en 2020 et de la hausse modérée des prix, ils devraient augmenter de 4,6% en 2020 au lieu de 3,8% en 2019, faisant savoir qu’avec l’hypothèse que les réserves internationales nettes assureraient le recouvrement d’environ 5,3 mois d’importations de biens et services, la masse monétaire devrait, quant à elle, s’accroitre de près de 4,6% au lieu de 4,3% en 2019. Sur ce point, le HCP note qu’il existe clairement « un problème de liquidité dans l’économie, puisque l’accroissement de la masse monétaire ne répond pas aux besoins de l’économie en termes de financement » On voit bien un problème de liquidité dans l’économie, puisque l’accroissement de la masse monétaire ne répond pas aux besoins de l’économie en termes de financement”, selon M. Khellaf. Le SG du HCP se demande ainsi si le privé trouvera le financement adéquat pour ses opérations.
Selim Benabdelkhalek