Le Haut Commissariat au Plan (HCP) vient de publier un document intitulé « budget économique prévisionnel 2020 », dans lequel il décortique le comportement de l’économie marocaine en 2019, sur lequel nous nous sommes déjà longuement attardés, ainsi que les perspectives de ses analystes concernant l’année 2020.
Ces dernières prennent en considération les dispositions annoncées dans la loi de finances 2020 en matière de fiscalité, de dépenses d’investissement et de fonctionnement. En outre, ces perspectives supposent, compte tenu du niveau de précipitations observé jusqu’à fin décembre 2019, la réalisation d’une production céréalière moyenne durant la campagne 2019/2020 et la consolidation des performances des autres cultures et de l’activité de l’élevage.
Ces prévisions tiennent compte, également, de l’amélioration de la demande mondiale adressée au Maroc de près de 3% en 2020 au lieu de 1,5% en 2019 et de la reprise attendue des transferts des Marocains résidents à l’étranger et des investissements directs étrangers après leur tassement en 2019.
Ralentissement de la croissance non-agricole
Sur la base de ces hypothèses, le secteur primaire devrait connaitre une hausse de l’ordre de 6,4% en 2020 au lieu d’une baisse de 4,3% enregistrée en 2019.
Les activités du secteur secondaire hors énergie, devraient s’affermir avec une croissance de 3% en 2020 contre 2,3% en 2019, profitant du bon comportement des activités minières, des industries chimiques et para-chimiques et des activités mécaniques, métallurgiques et électriques, en liaison principalement avec l’amélioration attendue de la demande extérieure.
Parallèlement, le secteur tertiaire devrait maintenir son niveau de croissance à 3,1% en 2020, suite à l’amélioration des activités des services marchands, en particulier, celles du commerce et du transport, tirées par la vigueur de la demande intérieure. Quant aux services non marchands, ils devraient se consolider pour dégager une valeur ajoutée en hausse de 3% en 2020, en relation avec la mise en œuvre de la deuxième tranche de l’augmentation des salaires dans l’administration publique.
Globalement, les activités non agricoles devraient augmenter de 3% en 2020 au lieu de 3,3% en 2019. Compte tenu d’une évolution de 4,2% des impôts et taxes sur produits nets de subventions, le Produit Intérieur Brut devrait s’accroitre de 3,5% en 2020 au lieu de 2,3% estimé pour 2019. En terme nominal, le Produit Intérieur Brut devrait enregistrer une progression de 4,7% au lieu de 3,2% en 2019. Cette évolution fait ressortir une légère hausse de l’inflation, mesurée par l’indice implicite du PIB, de 1,1% au lieu de 0,8% en 2019.
Poursuite de la contribution négative de la demande extérieure nette
La demande intérieure devrait porter la croissance économique en 2020 avec un rythme d’évolution en accélération, émanant d’une hausse soutenue de la consommation nationale finale et de l’accroissement de l’investissement brut. Ainsi, la consommation des ménages, profitant des effets positifs escomptés de la campagne agricole 2019-2020 et de l’amélioration attendue des revenus en provenance du reste du monde, devrait s’accroître de 3,5% au lieu de 3,3% en 2019.
La consommation des administrations publiques, suite à l’accélération des dépenses budgétaires de fonctionnement non-salariées, progresserait de 3,7% au lieu de 3,5% en 2019. En somme, la consommation finale nationale devrait améliorer son rythme de croissance à 3,6% en 2020, dégageant ainsi une contribution de 2,7 points à la croissance économique au lieu de 2,6 point en 2019.
La formation brute de capital fixe, soutenue par la poursuite des grands projets d’infrastructure, devrait augmenter de 2,8% en 2020 au lieu de 2,4% en 2019, contribuant ainsi à la croissance économique de 0,8 point après 0,7 point en 2019. En intégrant la variation des stocks, le volume de l’investissement brut devrait connaitre une hausse de 5,1% et contribuer de 1,7 point à la croissance au lieu de 0,2 point en 2019.
Dans ces conditions, la demande intérieure devrait raffermir son rythme de croissance à 4% au lieu de 2,4%, affichant une contribution de 4,4 points à la croissance économique après 2,7 points estimée pour 2019.
Concernant la demande extérieure, le volume des exportations devrait se consolider à 5,4% au lieu de 4,2% en 2019, bénéficiant de l’amélioration des perspectives de la conjoncture économique mondiale en 2020, traduite par la reprise attendue de la performance des métiers mondiaux et des secteurs exportateurs classiques. Les importations, de leur côté, devraient progresser avec un rythme plus prononcé, enregistrant une évolution de 6,1% au lieu de 4,2% estimée en 2019. A cet effet, la contribution de la demande extérieure à la croissance économique devrait rester négative pour la troisième année consécutive, de l’ordre de -0,9 point au lieu -0,4 point en 2019.
Léger recul du ratio de l’endettement public
Les finances publiques devraient être marquées en 2020 par le renforcement des recettes fiscales, en liaison avec l’amélioration attendue de la croissance économique nationale et par le lancement des mesures visant la mobilisation des ressources additionnelles pour la couverture des charges liées aux programmes annoncés dans la loi de finances 2020. De même, les recettes non fiscales devraient être confortées par les nouveaux mécanismes de financement des investissements publics et par la contribution des recettes de la privatisation. Toutes ces conditions devraient permettre de porter les recettes ordinaires à 21,7% du PIB en 2020 au lieu de 21,5% du PIB en 2019.
Quant aux dépenses ordinaires, elles devraient poursuivre leur tendance haussière pour atteindre 19,7% du PIB, suite principalement à l’augmentation des dépenses de fonctionnement non salariées de 6,9% et de celles du personnel de 7,5%, compte tenu du coût des postes budgétaires programmés en 2020. Toutefois, les dépenses de compensation devraient enregistrer une tendance baissière pour s’établir à 14 milliards DH en 2020, en relation avec la poursuite du recul des prix des matières premières. En tenant compte des dépenses d’investissement à hauteur de 6% du PIB, le déficit budgétaire devrait se maintenir au niveau de 3,7% du PIB pour l’année 2020.
Dans ces conditions, la dette intérieure du trésor devrait atteindre 52,1% du PIB en 2020 au lieu de 52% en 2019. La dette extérieure devrait se situer à 14% du PIB au lieu de 14,2% en 2019. Globalement, le taux d’endettement total du Trésor devrait se situer à 66% du PIB au lieu de 66,2% en 2019. Compte tenu de l’évolution de la dette publique garantie, représentant 16% du PIB, la dette publique globale atteindrait 82% du PIB en 2020 au lieu de 82,3% en 2019.
Allègement du déficit courant conditionné par l’amélioration des revenus nets extérieurs
Aux prix courants, les exportations de biens et de services devraient afficher une hausse de 5,7% en 2020, et les importations devraient s’accroitre à un rythme plus soutenu que l’année précédente soit de 5,3% au lieu de 1,9% en 2019. En conséquence, le déficit en ressources devrait se maintenir à 10,8% du PIB. De leur part, les revenus nets en provenance du reste du monde, alimentés principalement par les recettes MRE, devraient progresser de 3,8%, représentant ainsi 4,7% du PIB. Tenant compte d’une amélioration des autres revenus extérieurs nets, le compte courant de la balance des paiements devrait se situer à 4,7% du PIB en 2020 au lieu de 4,8% en 2019.
De même, l’augmentation en valeur de 4,6% de la consommation finale nationale et de 4,7% du PIB nominal devraient induire une épargne intérieure, en augmentation de 5,1% pour représenter 22,7% du PIB après avoir connu une tendance baissière depuis l’année 2017. De ce fait, l’épargne nationale, en croissance de 5,9%, devrait se stabiliser autour de 27,4% du PIB. Compte tenu du taux d’investissement brut prévu à 32,1% du PIB, le compte épargne-investissement devrait dégager un déficit en allégement pour atteindre 4,7% du PIB, après avoir été de 4,8% en 2019 et 5,9% en 2018.
Au niveau du marché monétaire, les créances sur l’économie devraient augmenter de 5,1%, suite à la reprise prévisible de l’activité économique en 2020. De même, les créances sur l’Administration centrale devraient connaitre une relance, en liaison avec le recours plus prononcé du Trésor au marché domestique. En revanche, les avoirs extérieurs nets devraient reculer, pour atteindre 4,7 mois d’importations de biens et services. Par conséquent, la masse monétaire devrait augmenter de 4,5% au lieu de 3,8% en 2019.
En conclusion, le document du HCP explique que la croissance économique nationale continuerait de dépendre structurellement de l’évolution du secteur agricole. L’investissement national devrait rester dans sa tendance lourde de la faible croissance, enregistrée depuis la crise économique internationale. L’épargne nationale devrait continuer de perdre des points par rapport au PIB et les besoins de financement de l’économie de s’accroitre. La croissance économique, dont le potentiel en baisse à 3%, devrait subir une menace de fragilité au détriment de l’emploi et d’une redistribution sociale et territoriale des revenus, nécessaire à l’amélioration des niveaux de vie de la population.
Outre l’impératif du développement du capital humain, le pays est ainsi appelé à accroitre ses efforts d’investissements. Ces efforts devraient passer par l’amélioration de la gestion des programmes de ces derniers et d’une plus grande mobilisation des ressources au profit des secteurs productifs. Une augmentation de 4 points de pourcentage du PIB de l’investissement public dans ces derniers permettrait, selon les travaux du HCP, de porter la croissance économique à 5%. Cette dernière s’accroitrait du même taux avec une amélioration du rendement de l’investissement, en faisant baisser l’ICOR (nombre de points d’investissement pour réaliser un point de croissance économique) de 7 à 3, comme c’est le cas dans plusieurs pays émergents.
Ces simulations indiquent l’importance catégorique de l’amélioration de la gestion économique et sociale. Ceci renvoie à l’amélioration du cadre juridique et institutionnel de l’économie nationale et à l’effectivité des principes de gouvernance publique consacrés par la Constitution. Dans ces conditions, il faut convenir que dans la timidité de l’investissement privé qui n’arrive pas à prendre le relai des efforts publics, l’Etat ne saurait continuer à attendre son action dans la transformation des structures économiques dans un monde en mutations techniques, écologiques et géostratégiques profondes.
Dans ces conditions, le Trésor devrait limiter son recours à l’emprunt intérieur pour couvrir ses besoins de financement, au risque d’évincer le secteur privé du marché financier domestique. Avec le contexte des réformes et l’interactivité entre les structures économiques qu’elles sont susceptibles de favoriser, l’emprunt extérieur ne continuerait à rester problématique que s’il était destiné à des projets rentables et productifs de devises, concrètement identifiés, rigoureusement gérés et précisément évalués.
Le HCP qui s’est engagé avec le gouvernement et le PNUD de procéder à l’évaluation des Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon 2030 au Maroc, serait amené dans les semaines prochaines à revenir sur quelques-unes de ces problématiques relatives au développement de notre pays.
LNT avec CdP