Les voilà de retour, nos valeureux « saigneurs du ciel », ces pilotes et commandants de bord de la compagnie aérienne nationale, Royal Air Maroc, qui observent depuis le lundi 18 juillet une grève qui ne veut pas dire son nom, mais qui n’en est pas moins pendante.
Bien évidemment, ceux qui ont des salaires moyens mensuels compris entre 150 000 dirhams et 200 000 dirhams, (selon l’ancienneté et la qualification), soit 58 fois et 78 fois le SMIG marocain, se doutent bien que leur mouvement sera totalement incompris et rejeté par les plus larges couches de l’opinion publique.
Et c’est sans doute pour cela que la « courageuse » Association Marocaine des Pilotes de Ligne, AMPL, fer de lance de la contestation des nantis de l’air, observe un silence prudent.
Le management de RAM, par contre, ne s’est point privé de communiquer, par voie d’une lettre ouverte particulièrement bien sentie et très explicite, signée du PDG Hamid Addou et qui souligne les dangers graves que fait courir à RAM cette grève « underground ».
Selon les écrits de M. Addou, la grève a pris corps à la suite d’une AG de l’AMPL, tenue le 16 juillet dernier, et qui a rejeté en bloc les propositions de la compagnie, notamment celles relatives aux salaires et celles afférentes aux conditions de travail.
Et si l’AMPL se veut discrète sur ses revendications, se gardant bien d’en communiquer l’essence à la presse, des indiscrétions énoncent que les commandants de bord souhaitent une « revalorisation salariale » de 50 000 dirhams nets mensuels et leurs compagnons, les pilotes de ligne, se satisferaient quant à eux de 30 000 dirhams nets…
Une bagatelle qui plomberait de 200 millions de dirhams annuellement les caisses de la compagnie nationale, laquelle, quoique bénéficiaire au dernier exercice, ne serait pas dans la capacité de faire face à de telles nouvelles charges salariales récurrentes.
C’est d’ailleurs un cri d’alarme et même de détresse que pousse le PDG de RAM dans sa lettre ouverte, lui qui craint pour l’avenir de la compagnie nationale, soulignant au passage son incapacité à envisager, du fait de cette grève qui ne dit pas son nom, l’acquisition de nouveaux appareils pourtant indispensables pour le développement du trafic battant pavillon national.
Ce bras de fer entre les pilotes et le management de la compagnie intervient au beau milieu de la période estivale, au moment où les « machines » de RAM sont les plus sollicitées pour satisfaire la demande de dizaines de milliers de touristes ou de compatriotes Marocains du Monde qui désirent de rendre au pays.
Cette grève sera donc un motif de mécontentement de plus pour les passagers, ternira plus avant l’image de marque de la compagnie, génèrera des surcoûts d’exploitation (location d’appareils de substitution, indemnisation des passagers, etc.), mais surtout participera à approfondir encore plus ce climat délétère qui règne depuis plusieurs mois dans notre pays et qui met au désespoir une grande partie de nos concitoyens.
Nul ne peut prédire donc à cette heure comment tournera la situation, sachant que l’AMPL est coutumière de procédés dilatoires pour faire pression sur le management sans déclarer ouvertement des mouvements de grève, comme celui qui a été entrepris récemment et durant plusieurs semaines au cours desquelles certains pilotes se faisaient « porter pâle » certificats médicaux à l’appui, quelques minutes seulement avant le décollage, afin d’empêcher la compagnie de prévoir à temps, des mesures de remplacement ce qui occasionnait, pour chaque subterfuge ainsi commis, un retard minimal de trois heures pour le vol et les passagers.
Il y aurait au demeurant quelques explications à demander à l’Ordre national des Médecins qui devrait avoir la « curiosité » de se pencher sur ces certificats qu’on n’aurait aucune peine à qualifier de complaisance !
Quoi qu’il en soit, voilà de nouveau RAM en pleines turbulences, pour des raisons étroitement, scandaleusement corporatistes, qui mettent en péril l’avenir de la compagnie et tous ceux qui y travaillent !
Ce faisant, les super salariés que sont les pilotes, « aux responsabilités si élevées » qu’il faut leur verser chaque mois l’équivalent d’un logement économique ( !!!) , sont peut-être en train de commettre un véritable hara kiri. Que ne songent-ils à leurs collègues d’Air France, au moins aussi butés qu’eux et qui, par leurs grèves intempestives, ont permis à l’État français de planifier la prochaine privatisation de cette compagnie.
Alors, les pilotes de RAM porteront-ils un jour l’uniforme de Qatar Airways ou d’Emirates ?
Fahd YATA