
Le député européen Philippe Lamberts, devant la vice-présidente du groupe Vert, Ska Keller, dénonce la pêche électrique lors d'une session du Parlement européen le 16 janvier 2018 © AFP FREDERICK FLORIN
Le Parlement européen a pris position mardi contre la pêche électrique dans l’Union européenne, une première victoire pour les opposants à cette pratique jugée « destructrice » pour les fonds marins, autorisée à titre expérimental en mer du Nord.
« C’est une très belle victoire contre une pêche terriblement néfaste, une véritable arme de prédation massive », s’est immédiatement réjoui l’eurodéputé Yannick Jadot (Verts français), qui fait partie des élus à la pointe de la contestation.
Le vote de mardi n’est qu’une étape du long parcours législatif du texte au sein de l’UE. Le Parlement va maintenant entrer en négociation avec le Conseil (les Etats membres) et la Commission pour trouver un compromis final.
Cette dernière a défendu jusqu’au bout sa proposition de supprimer la restriction imposée aux flottes des Etats membres, en fait une dérogation établie à titre d’expérimentation. Celle-ci limite à 5% de la flotte, dans chaque pays concerné, les chalutiers à perche autorisés à s’équiper pour la pêche électrique.
L’exécutif européen souhaitait en revanche maintenir la zone géographique dans laquelle ce type de pêche est limité, au sud de la mer du Nord.
Mais les amendements votés lundi lors de la séance plénière du Parlement font sauter toute dérogation, une victoire notamment pour les élus français, de tous bords, qui avaient pris la tête de la protestation. Ces amendements ont été votés à une large majorité (402 pour, 232 contre et 40 abstentions).
Les « petits » pêcheurs adeptes de la méthode artisanale étaient eux aussi monté au créneau, en particulier dans le nord de la France et en Angleterre, évoquant une « concurrence déloyale » des bateaux néerlandais.
– Défense de la pêche artisanale –
« Les pêcheurs artisans nous demandent jusqu’où ira la prédation des flottes industrielles qui, par appât du gain, font des océans de véritables cimetières », des pêcheurs qui sont « menacés dans leur existence-même », s’est insurgé l’eurodéputé français Younous Omarjee (extrême gauche), instigateur des amendements.
La semaine dernière, plusieurs organisations environnementales et de pêcheurs avaient accusé la Commission européenne d’avoir cédé aux lobbies néerlandais de la pêche industrielle en ignorant un avis défavorable de son comité scientifique en 2006. Une accusation formellement démentie par Bruxelles.
« Nous sommes heureux et soulagés que le Parlement s’oppose fermement à une pratique destructrice qui n’a été autorisée en Europe qu’en raison d’une collusion immorale entre lobbies industriels et institutions », s’est félicité de son côté Claire Nouvian, de l’ONG Bloom, qui a mené la campagne contre la pêche électrique tambour battant.
« Nous sommes tous favorables à l’innovation, mais encore faut-il (…) qu’il soit vérifié scientifiquement que l’objectif de la gestion durable de la ressource est respecté », a argumenté la socialiste Isabelle Thomas.
Son collègue du PPE (droite) Alain Cadec, président de la commission Pêche du Parlement, a quant à lui rappelé que la pratique était « interdite quasiment dans le monde entier » et « dangereuse pour l’écosystème marin ».
L’Espagnol Gabriel Mato, issu du même groupe PPE et rapporteur du dossier, a tout de même regretté que le sujet n’ait pas été évoqué tout au long de la discussion interne au sein du Parlement, soit « 21 mois de travail et 77 réunions », et plusieurs reports.
La Commission argumentait de son côté que la pêche électrique limitait les effets sur l’environnement.
« Il est important de se rappeler ce que la pêche à impulsion électrique remplacerait, c’est-à-dire le chalutier à perche traditionnel », a expliqué le commissaire à la pêche, Karmenu Vella.
« Si elle est correctement contrôlée et appliquée (…) l’impulsion électrique peut offrir une méthode alternative de pêche plus inoffensive pour l’environnement en réduisant les prises accessoires, en réduisant les dégâts sur les fonds marins et en diminuant les émissions de CO2 », a-t-il argumenté.
A l’heure actuelle, 84 navires néerlandais pratiquent la pêche électrique et la Belgique a demandé une dérogation pour trois navires, ce qui représente moins de 0,1% de la flotte européenne.
LNT avec Afp