Le pape François salue la foule, le 11 octobre 2017 place Saint-Pierre, à Rome © AFP Alberto PIZZOLI
Attendu fin novembre en Birmanie, le pape François vient en émissaire de « paix », a assuré l’Eglise jeudi, alors que sa défense des Rohingyas musulmans qui fuient en masse ce pays agité par un bouddhisme radical risque d’enflammer l’opinion publique birmane.
Le pape « vient pour le bien du pays et il parlera de la paix », a insisté jeudi Mariano Soe Naing, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques de Birmanie, interrogé par l’AFP après la publication cette semaine par le Vatican du programme de la visite.
« Nous ne savons pas encore de quoi il parlera et s’il évoquera la crise en Etat Rakhine », a précisé le prélat.
L’Etat Rakhine, région de l’ouest de la Birmanie est au coeur du conflit entre rebelles rohingyas et armée, qui a conduit depuis fin août à la fuite de plus d’un demi-million de civils rohingyas au Bangladesh voisin.
Le pape, qui n’a pas hésité à parler publiquement de « la persécution de la minorité religieuse de nos frères rohingyas », débutera sa visite par une rencontre avec la Prix Nobel de la paix et de facto chef du gouvernement Aung San Suu Kyi à Naypyidaw, la capitale administrative, le 28 novembre.
Elle est critiquée à l’étranger pour composer avec l’armée et une opinion publique xénophobes.
– rencontre avec les bouddhistes –
Néanmoins, cette visite historique du pape suscite un certain enthousiasme: 200.000 personnes sont attendues à la messe qui sera célébrée le 29 novembre à Rangoun, la capitale économique, selon la Conférence des évêques catholiques. Quelque 100.000 personnes sont déjà inscrites, un mois et demi avant la visite.
« C’est la première fois qu’un pape vient en Birmanie, il est célèbre alors j’irai le voir », réagit Pani, chauffeur de taxi à Rangoun interrogé par l’AFP.
« Les chrétiens et les bouddhistes, nous sommes pareils, nous sommes pacifiques, pas comme les musulmans », ajoute ce bouddhiste.
Le pape prendra aussi la parole devant le Conseil suprême de la Sangha des moines bouddhistes.
« Il n’y aura pas de rencontres interreligieuses en raison d’un manque de temps », a expliqué le porte-parole de la conférence des évêques catholiques, interrogé par l’AFP sur l’absence de rencontre avec des représentants de la communauté musulmane.
Le pape doit ensuite se rendre le 30 novembre au Bangladesh, après une dernière messe à Rangoun devant des jeunes.
Pendant une grande prière interreligieuse organisée mardi à Rangoun, le cardinal Charles Bo, archevêque de Rangoun, avait déjà souligné la volonté de « paix » du pape.
« Il enseigne toujours la paix. Pour parvenir à la paix, il faut de la justice », avait-il déclaré devant la foule, dominée par les moines bouddhistes, mais où se trouvaient aussi des représentants de religions minoritaires, chrétiens et musulmans.
– discours d’Aung San Suu Kyi –
Aung San Suu Kyi, déjà reçue par le pape François au Vatican, est critiquée à l’étranger pour son manque d’empathie envers les Rohingyas, considérés comme une des minorités les plus persécutées au monde, dans ce pays marqué par un fort nationalisme bouddhiste véhiculant une rhétorique anti-musulmane.
Elle doit s’adresser jeudi soir à 20h00 locales (13h30 GMT) à la télévision birmane sur la crise des Rohingyas, a annoncé son gouvernement.
Elle parlera cette fois-ci en birman, après un premier discours télévisé le 19 septembre sur la crise. Prononcé en anglais sans sous-titres, il était avant tout destiné à la communauté internationale.
Le général Min Aung Hlaing a accusé jeudi la communauté internationale d' »exagérer » le nombre de réfugiés musulmans rohingyas fuyant la Birmanie.
Pour le général (comme pour la dirigeante civile Aung San Suu Kyi qui a dénoncé un « iceberg de désinformation »), les responsables sont les médias étrangers et leur « propagande ».
Il a aussi insisté sur le fait que les Rohingyas, privés de la nationalité birmane en 1982 par la junte militaire, n’avaient rien de birman.
Mercredi, dans un nouveau rapport, l’ONU a estimé que la répression de l’armée était « bien organisée, coordonnée et systématique » et qu’elle avait pour but « non seulement de les chasser de Birmanie mais aussi d’empêcher tout retour ».
L’Union européenne a annoncé qu’elle suspendait tout contact avec le chef d’état-major birman et qu’elle « pourrait envisager » des sanctions « si la situation ne s’améliore pas ».
LNT avec Afp