Des Palestiniens attendent, le 3 juillet 2016, à un point de contrôle au sud d'Hébron, mis en place par Israël en réponse à une série d'attaques palestiniennes © AFP MENAHEM KAHANA
La crise palestinienne se déroule sur deux volets, le premier, passé relativement inaperçu est l’incroyable rapprochement entre le mouvement islamiste Hamas et l’Autorité palestinienne, le deuxième est le soulèvement de l’opinion arabe, mais pas que, après l’annonce de Donald Trump de transférer l’ambassade américaine à Jérusalem, reconnaissant de facto l’annexion de la ville par Israël.
La réduction de l’islamisme politique
Au contraire de l’islamisme social qui continue de faire des ravages au sein des sociétés arabo-musulmanes, l’islamisme politique semble faire marche arrière dans l’opinion publique et sur le plan politique. Réduit par la force en Egypte, maitrisé et neutralisé par la Monarchie au Maroc, par l’appareil politique en Tunisie, l’islamisme n’a pas réussi à remplir ses promesses populistes. L’Autorité palestinienne connaît mal ce qui a été fait à cet égard au Maroc et en Tunisie est, selon un proche conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas « intéressé à échanger des points de vue et des méthodes avec nos frères arabes ».
Pourtant l’OLP, l’Organisation de libération de la Palestine, principale composante de l’Autorité palestinienne est née dans les années 1960 avec des fées communistes au-dessus de son berceau, majoritairement soutenue par l’URSS, mais aussi tous les pays dits « progressistes » de l’époque, allant de la Syrie à l’Algérie en passant par Cuba et le Nicaragua. Autant dire à l’extrême opposé du spectre politique que représentait alors le Maroc, clairement affiché dans le clan occidental et allié de l’OTAN.
Aujourd’hui si la composante purement marxiste a déserté les couloirs de la présidence à Ramallah, il n’en reste pas moins un esprit libéral et quasi-laïc, renforcé par l’existence d’importantes minorités chrétiennes en Cisjordanie.
L’intention de discuter entre Marocains et Palestiniens à très haut niveau a été transmise à Nasser Bourita début décembre, sans passer par l’ambassade du Maroc, curieusement ou bien discrète ou bien inefficace. Il est très probable qu’Azzam Al Ahmad, ministre de la Réconciliation envisage un déplacement à Rabat, une fois les négociations au Caire avec le Hamas closes, selon un haut fonctionnaire palestinien.
La nécessité d’un pays médiateur
Le pouvoir palestinien est à la recherche d’un pays médiateur, pouvant entrainer un pas de plus vers une véritable souveraineté, alors qu’aujourd’hui, celle-ci ne dépasse pas l’autonomie d’un bantoustan dans l’Afrique du Sud de l’apartheid.
Selon un diplomate français en poste à Rabat : « Trump n’accorde aucune confiance à son secrétaire d’Etat et a d’ailleurs réduit le budget de la diplomatie américaine de moitié ». Avant même la crise déclenchée par le président américain au sujet de Jérusalem, les responsables diplomatiques palestiniens avaient constaté le vide américain au Moyen-Orient. « Une opportunité se présente, expliquant probablement l’absence de réaction israélienne aux négociations entre l’Autorité palestinienne et le Hamas » souligne Ahmad Majdalani, président de la fondation Yasser Arafat et proche du président Abbas.
A Ramallah, où la France est admirée depuis la célèbre sortie de Jacques Chirac contre la police israélienne à Jérusalem, les acteurs politiques souhaiteraient s’appuyer sur le président français, Emmanuel Macron, dont ils ignorent toutefois l’avis quant à la question palestinienne. Selon un journaliste palestinien francophone et francophile, « notre chemin pour Paris passe peut-être par Rabat », n’oubliant pas que SM Mohammed VI préside la fondation Al Qods. Un membre du comité exécutif de l’OLP confie même que « Depuis l’époque d’Hassan II, le Maroc sait jouer sur tous les tableaux, être proche de l’Arabie saoudite, des Etats-Unis et même discrètement d’Israël, en raison des liens sécuritaires entre ces pays et aussi grâce à l’importante communauté juive d’origine marocaine.
Guillaume Jobin, envoyé spécial à Ramallah