Les représailles d’Israël sur Gaza après l’attaque du Hamas le 7 octobre continuent après plus d’un mois sans baisser d’intensité. Plus grave encore, le Gouvernement israélien ne s’en cache même plus, c’est une opération de guerre qui vise à anéantir tout ce qui peut l’être, une vengeance aussi irrationnelle que la haine qui l’a provoquée. Partout ailleurs, les communautés, les opinions publiques, les avis s’affrontent. Mais sur quelle base s’affrontent-ils ? Celle désormais admise d’un camp qui défend les civils Palestiniens qui sont pris pour cible par Israël, comme s’ils n’en étaient pas face à un camp qui explique qu’être juif justifie désormais que des Palestiniens meurent ? Est-ce que ces positions sont normales ? Pourquoi est-ce que ce débat n’a pas eu lieu entre les morts ukrainiens et les morts russes ?
Cela devient insoutenable pour tous. Insoutenable de continuer à accepter que l’horreur justifie l’horreur. Ou de faire croire qu’avoir été victime exempte de devenir bourreau.
Quel triste sort pour les Palestiniens que de devoir mourir pour leur cause sans se battre, sans se défendre, écrasés par le poids des bombes, et de voir cet état de fait considéré par le Hamas et par Israël comme une victoire.
Quelle tristesse aussi de voir l’antisémitisme brandi sur toutes les bouches, comme un crucifix dans un mauvais film d’horreur, pour éponger le sang et ternir la mémoire de ceux qui l’ont subi.
Dans les premiers jours, reconnaitre le caractère « terroriste » de l’attaque du Hamas était une panacée et une exigence, à quoi bon ? Est-ce qu’une quelconque action, réaction ou parole a pu changer la manière qu’a choisi Israël de se venger ?
Quel pouvoir avons-nous et sur quoi ? Combien d’entre nous s’indignent, manifestent, s’engagent et se mobilisent pour défendre leur cause sans aucun impact ?
Malgré les voix qui s’égosillent à le réclamer, si un cessez-le-feu a lieu, il n’interviendra pas avant que les États-Unis ne décident de rappeler à l’ordre Israël. Mais que restera-t-il d’ici là dans quelques semaines de la Palestine, des Palestiniens, de leurs quartiers, de leurs commerces, écoles et hôpitaux, de leur vie ? Si toutes les images sont manipulées, les cartes satellites de Google qui montrent le degré de destruction déjà atteint le sont-elles aussi ?
Ce qui se passe en Palestine n’a pas besoin d’être comparable avec la Shoah, c’est une Nakbah en soi.
Les pays aujourd’hui démocrates et humanistes, par opposition à nous autres peuples arriérés et sous-développés, ont décimé ou tenu en esclavage des peuples entiers, et parés de leurs plus beaux atouts démocratiques, continuent à graduer la valeur des vies humaines aujourd’hui.
Parce que c’est bien à cela que tout se résume. Tous les juifs du monde, dans l’intimité de leur cœur et de leur âme, ne peuvent pas accepter d’avoir autant de sang sur les mains et d’avoir toutes les excuses du monde pour justifier de se défendre contre la persécution qu’ils ont subi.
Si le monde arabo-musulman ressent dans sa chaire la cause palestinienne, c’est qu’elle fait écho aux stigmates de l’histoire que tous les peuples opprimés par la colonisation ont en eux. Et, si l’ampleur de l’horreur des camps nazis a été découverte après la fin de la guerre par les opinions publiques mondiales, aujourd’hui, le reste du monde est témoin aussi de ce qui se passe, avec une attention amplifiée qui atteint grâce aux réseaux sociaux et à notre ère de technologie, des milliards d’êtres.
Tout cela finira par avoir des conséquences directes, peut-être l’arrêt de la guerre, mais aussi très certainement la fin du multilatéralisme tel qu’on l’a connu pendant un siècle, avec un équilibre des relations internationales basé a minima sur le respect d’une écrasante majorité des pays du monde du droit international.
Cela mettra aussi peut-être fin à cette perception biaisée qu’on veut nous imposer à tout prix, que la cause d’Israël mérite d’être défendue quel qu’en soit le prix. Les cadavres des Palestiniens ne peuvent être les fondations de la Terre promise des Juifs. C’est désormais indéfendable.
Zouhair Yata