La Première ministre britannique Theresa May, à Chesterfield au Royaume-Uni, le 27 avril 2017 © POOL/AFP Anthony Devlin
Les nuages s’amoncellent autour du Brexit à la veille d’un sommet européen sur le sujet, avec une activité économique qui ralentit au Royaume-Uni, des signaux de fermeté des Européens et les tentations sécessionnistes écossaise et nord-irlandaise.
Une série de statistiques et déclarations publiées ces derniers jours vient mettre un sérieux bémol à l’euphorie des derniers mois dans les rangs des partisans de la sortie britannique de l’UE, portés jusque là par une économie bien portante après leur victoire au référendum du 23 juin qui a décidé le départ de l’UE à 52% des voix.
La croissance, d’abord, donne des signes d’essoufflement après avoir très bien tenu l’année dernière grâce à une solide consommation des ménages. Au premier trimestre, le produit intérieur brut n’a progressé que de 0,3% par rapport aux trois derniers mois de 2016, alors qu’il avait bondi encore de 0,7% au trimestre précédent, d’après les données officielles publiées vendredi.
Ce coup de frein a été attribué à une moindre propension des Britanniques à consommer, au moment où leur pouvoir d’achat commence à souffrir: l’inflation a été franchement tirée vers le haut dernièrement par le renchérissement des produits importés provoqué par la dépréciation de la livre sterling consécutive au référendum.
Depuis le choc du 23 juin, les cambistes tiennent compte dans leur évaluation de la livre des nombreuses incertitudes qui jalonnent l’aventure inédite de la sortie de l’UE. Ces inconnues font peser de surcroît un lourd point d’interrogation sur l’attitude des entreprises qui pourraient hésiter à investir dans le pays.
– Enthousiasme douché –
Ce ralentissement inquiète la principale organisation patronale, la CBI: « Au moment où le Royaume-Uni redéfinit sa relation au monde, le prochain gouvernement devra construire une stratégie industrielle », a appelé de ses voeux son économiste en chef, Rain Newton-Smith.
L’établissement de ces nouveaux rapports s’annonce très compliquée pour les dirigeants britanniques, particulièrement vis-à-vis des 27 autres pays de l’UE réunis en sommet samedi à Bruxelles pour définir la position européenne sur la négociation du Brexit qui s’engage.
« Un pays tiers ne bénéficiera pas des mêmes droits, ou de droits plus avantageux, qu’un pays membre », a prévenu jeudi la chancelière allemande Angela Merkel, ajoutant avoir « le sentiment que certains en Grande-Bretagne se font encore des illusions à ce sujet ».
La Première ministre britannique Theresa May a répliqué en accusant les 27 de « s’unir contre » le Royaume-Uni, en pleine campagne électorale pour élargir sa majorité conservatrice à l’occasion des élections législatives anticipées qu’elle a convoquées le 8 juin.
« Elle a raison… Elle ne doit pas sous-estimer l’unité » des 27, soulignait vendredi un diplomate européen à Bruxelles, tout en reconnaissant que l’union serait plus compliquée à préserver au moment des discussions sur « la future relation ».
Les dirigeants du continent sont en effet d’accord, déjà, sur la nécessité de régler la question du divorce avant d’autoriser le Royaume-Uni à discuter de futurs accords commerciaux, que ce soit avec l’UE mais aussi avec d’autres régions.
Londres voudrait pouvoir prendre langue dès que possible avec d’autres partenaires à ce sujet et mise en particulier sur les Etats-Unis. Mais le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross a douché l’enthousiasme en laissant entendre que la conclusion d’un accord bilatéral n’était pas la priorité de Washington, dans une interview cette semaine au Wall Street Journal.
– Addition salée –
Avant toute chose, Londres devra négocier l’addition salée de son départ, estimée à 60 milliards d’euros à Bruxelles. Elle pourrait notamment comprendre, petite humiliation, le coût du déménagement des agences européennes installées dans la capitale britannique.
Enfin, les discussions de sortie seront menées sur fond de menace sur l’intégrité du Royaume-Uni, tiraillé par les envies d’indépendance en Ecosse, où la cheffe du gouvernement régional Nicola Sturgeon presse Londres d’accorder un nouveau référendum à ce sujet, ainsi que par le retour au premier plan du dossier nord-irlandais.
D’après des sources européennes, les dirigeants de l’UE vont discuter ce week-end de la question d’une adhésion automatique de l’Irlande du Nord à l’UE, une fois le Brexit finalisé, dans l’hypothèse où elle souhaiterait être réunifiée avec la République d’Irlande.
LNT avec Afp