“Veni, vidi, vici”, aurait pu s’exclamer M. Nizar Baraka à l’occasion de son élection (trop facile ?) à la tête du parti de l’Istiqlal en fin de semaine dernière.
Et Nizar ne rime-t-il pas avec César, pour un parcours triomphal qui l’a mené, en moins d’une année, non de Gaule à Rome, mais des lambris dorés du Conseil Economique, Social et Environnemental, aux bureaux poussiéreux du siège du PI ?
Car aujourd’hui, le digne petit-fils du fondateur du vieux parti nationaliste reprend le flambeau de feu Allal El Fassi, pour tenter de remettre en ordre de marche une formation au passé flamboyant et riche certes, mais qui, sous la férule du prédécesseur de M. Baraka, Hamid Chabat, allait de défaites en déconvenues, malmené par un tribun populiste aux élans passablement mussoliniens…
Voilà donc que l’allocution royale du 30 juillet dernier trouve un terrain d’application même s’il n’y a pas de raison de voir dans la prise de pouvoir de Nizar Baraka une relation directe de cause à effet.
Mais, justement, le discours de la Fête du Trône était largement motivé par les crises récurrentes qui ont secoué depuis plusieurs années un certain nombre de formations politiques nationales et dont on a pu en mesurer l’ampleur et les effets à la faveur de situations passablement dramatiques comme l ‘affaire d’Al Hoceima.
Ambitions et contraintes
Le parti de l’Istiqlal revient donc totalement dans le jeu, celui des alliances et de la stratégie à mettre en œuvre pour redevenir ce que beaucoup souhaitent en son sein, un parti de gouvernement et non une formation vouée à ronger son frein dans une opposition parlementaire où le Parti Authenticité et Modernité occupe une place de leader aussi incontesté qu’amorphe.
Mais pour aborder les rivages (encore lointains) d’une entrée au gouvernement, il faudra au nouveau secrétaire général prouver concrètement qu’il est apte au leadership, bien entouré de cadres compétents (et dévoués), dynamique et consensuel, afin que l’épisode Chabat soit rapidement et totalement oublié.
Le pourrait-il vraiment alors que chacun connaît aujourd’hui les conditions et les circonstances qui l’ont porté à la tête du parti de l’Istiqlal ?
Nizar Baraka, en effet, doit une fière chandelle à ce «faiseur de secrétaires généraux» qu’est le patron des troupes istiqlaliennes du Sud, M. Hamdi Ould Rachid, aussi fortuné que bien pourvu en cohortes militantes qui lui obéissent au doigt et à l’œil.
Une telle chandelle que M. Baraka devrait se rendre immédiatement à Fès pour déposer les plus gros cierges qu’il trouverait sur le tombeau de Moulay Idriss !
Car il n’échappe à personne que jusqu’à présent le nouveau secrétaire général n’a pas vraiment de troupes, même si son nom a recueilli une large majorité de voix lors de l’élection au poste de premier responsable du PI.
C’est, faut-il s’en étonner, M. Hamdi Ould Rachid qui, pour sa réélection au comité Exécutif, a obtenu les scores les plus élevés, ce qui indique bien qu’il dispose du pouvoir très conséquent au niveau du Parti, pouvoir que renforcent sa fortune personnelle, son réseau fait de clientélisme et la présence au sein même du « politburo » istiqlalien, de son gendre, de son fils, de plusieurs obligés sans compter la famille soussie et alliée Qayyouh, qui a également réussi à y placer deux représentants.
Condamné à réussir
La réussite de M. Nizar Baraka, sa stratégie future, son ambition d’être un acteur décisif du « risorgimento » du parti de l’Istiqlal seront-elles contrariées par ces «tâches de naissance», ces caractéristiques originelles alors qu’au sein du Comité Exécutif seuls Mme Yasmina Baddou et Karim Ghellab lui seraient acquis en dehors de toute allégeance à M. Ould Rachid ?
Impensable de n’avoir pas en tête de telles interrogations, lesquelles cependant sont relativisées par deux données essentielles, à savoir l’impossibilité pour le «faiseur de rois» qu’est Ould Rachid, de prétendre à occuper le poste de secrétaire général et, aussi, la difficulté qui sera la sienne à « domestiquer » un homme comme Nizar Baraka, à la stature et l’intelligence autrement différentes de Si Cliss !
Alors, au-delà des apparences, des jeux politiciens, des alliances conjoncturelles et des desseins inavoués, on appréciera à sa juste valeur l’arrivée à la tête du Parti de l’Istiqlal d’un homme neuf, brillant, doté d’une belle expérience des affaires publiques, en espérant qu’il saura rapidement le marquer de son empreinte afin de rendre, pour ce qui le concerne du moins, à la Politique, des lettres de noblesse qu’elle a perdues depuis longtemps.
Et si aujourd’hui trois partis au moins sont en phase de réorganisation, à savoir le RNI avec M. Aziz Akhannouch, le PAM avec le départ de Ilyass El Omari et le PI avec l’arrivée de M. Nizar Baraka, on ne pourra s’empêcher de se demander «à qui le tour maintenant» ?
Fahd YATA