Maria Mendosa et son mari Assan Madal sur l'emplacement de ce qui était leur maison, à Nacate, le 28 avril 2019 © AFP Emidio JOSINE
Un matelas zébré de terre, une chaise en bois gorgée d’eau et quelques objets… Posés près d’une mare d’eau boueuse, c’est tout ce que Maria Mendosa et son mari Assan Madal ont pu sauver de la fragile maison qu’ils occupaient avec leurs cinq enfants.
Comme beaucoup d’autres dans leur village de Nacate, dans l’extrême nord du Mozambique, leur cabane a volé en éclats jeudi soir sous le déluge de pluie et les rafales de vent de près de 300 km/h du cyclone Kenneth.
« On était à l’intérieur de la pièce quand le toit s’est envolé et puis toute la maison s’est effondrée en mille morceaux. C’était une maison en torchis », raconte Assan, 62 ans, au milieu de quelques morceaux de tôle ondulée qui baignent dans la boue.
Sous le regard de leur progéniture, son épouse Maria, 37 ans, fait bouillir du manioc sur un maigre feu de bois.
« Maintenant, on est obligés de dormir sous les palmiers. Je n’ai pas de travail et cinq enfants… Tout ce que j’avais cultivé sur mon lopin de terre a disparu, il ne reste pus qu’un tout petit peu de manioc », se désole Assan. « Ce soir on va manger un peu de maïs et de haricots, mais il ne reste plus grand chose », ajoute Maria.
Un peu à l’écart, le couple a mis à sécher sur un palmier quelques habits et des couvertures.
Avant le passage dévastateur du cyclone Kenneth sur l’archipel des Comores puis sur le nord du Mozambique et le sud de la Tanzanie, Nacate était un de ces petits villages tranquilles qui bordent la route entre Pemba, la capitale de la province du Cabo Delgado, et la ville de Macomia plus au nord.
Nacate avait sa petite école, son épicerie, un salon de thé et même son pylône-relais pour les téléphones mobiles.
Si les classes aux murs de béton et la tour d’acier ont résisté à la force de Kenneth, le salon de thé a été complètement dévasté. Devant le « Impala Salao de Cha » privé de toit repose la parabole jaune qui lui permettait d’offrir la télévision à ses clients.
« Le vent et la pluie ont détruit tout mon magasin », constate son propriétaire Andrane Bacar, 45 ans, inconsolable.
– Rebâtir –
« J’avais deux maisons et ce commerce, tout a été détruit. Je n’ai pas les moyens de tout reconstruire », regrette-t-il, « je vais essayer de rebâtir une maison, mais c’est vraiment tout ce que je peux espérer ».
Tout près de là, l’épicerie du village a fait tout aussi pâle figure face au déchaînement des éléments naturels. Selon le dernier bilan officiel, Kenneth a coûté la vie à au moins 5 personnes et détruit ou endommagé plus de 3.000 habitations dans le Cabo Delgado.
Le magasin n’a plus de toit mais son tenancier Jamal Amisse travaille d’arrache-pied depuis deux jours pour le remettre en état et le rouvrir au plus vite.
« Comme vous le voyez autour de vous, 300 maisons du village ont été détruites. Il ne reste plus rien », explique Amisse, 37 ans, pendant qu’une poignée de gamins joue au foot près du panneau arraché du village.
« Il n’y a rien à faire, nous allons même peut-être mourir car nous n’aurons aucune aide », prédit-il, fataliste, « nous sommes noirs et pauvres ».
Dans la ville de Macomia, à dix kilomètres plus au nord d’une route jonchée d’arbres abattus, Kenneth a semé la même destruction. Dans le ronronnement des groupes électrogènes, des techniciens s’affairent à restaurer l’alimentation en électricité de ses 90.000 habitants.
La devanture de l’agence de la banque BCI a été littéralement arrachée par les bourrasques de vent, exposant au regard interloqué des passants les distributeurs de billets et les bureau de ses agents.
Rien n’a été volé, confie, presque surpris, un des ouvriers qui s’affairent au milieu des décombres, assurant que le contenu des distributeurs a été rapidement mis à l’abri.
Dans la ville meurtrie, tous les regards sont fixés sur le ciel noir. La pluie vient de reprendre et, avec elle, la menace des inondations.
LNT avec AFP