Pour parler de la transformation stratégique du Groupe Saham à la suite de la récente cession de son pôle Assurances, il semble judicieux de rappeler qu’il s’agit du résultat d’un parcours inédit de l’un des plus grands financiers et homme d’affaires de notre pays.
Indépendamment de sa carrière première au sein du groupe ONA, Moulay Hafid Elalamy (MHE) s’est d’abord distingué par le rachat de la compagnie d’assurances Essaada, sauvant ainsi la famille Ouazzani de la faillite, grâce notamment à l’apport financier du Fonds de soutien aux Assurances.
L’érection d’un grand groupe
Cela constitua sa première grande opération stratégique parce qu’en renforçant la CNIA du réseau d’Essaada, il imposa la première comme une compagnie d’assurances à part entière, elle qui n’était qu’un réseau de courtage.
Puis, sans trop tarder, toujours autant visionnaire, MHE procéda à l’introduction en bourse de CNIA-Essaada Assurances en novembre 2010, en cédant 15 % du capital, soit 617 531 actions au prix unitaire de 1044 Dhs.
Le montant récolté de cette introduction, soit 644,7 MDh devait lui permettre de développer la compagnie en question.
Il s’ensuivit le changement de nom en Saham Assurance, permettant l’institutionnalisation de cette compagnie et son entrée dans la cour des grands.
Depuis lors, Saham Assurance a conquis des parts de marché en pratiquant des tarifs très concurrentiels, prenant position conséquente sur le marché des assurances de personnes en particulier.
Pourtant, le marché de l’assurance au Maroc est concentré entre les mains de trois grandes compagnies adossées à trois grands groupes, Wafa Assurance avec le Groupe AWB, RMA avec le Groupe FinanceCom et BMCE Bank Of Africa, Atlanta-Sanad avec le Groupe Holmarcom et la CDG.
De ce fait, au regard des résultats techniques négatifs des compagnies d’assurances qui prospèrent essentiellement grâce à leurs résultats financiers, le développement du secteur et son taux de pénétration semblent quasiment avoir atteint certaines limites en ce qui concerne le marché intérieur.
La quête africaine
Un tel constat a été déjà fait par nos opérateurs d’assurance qui se sont largement externalisés ces dernières années vers le continent africain.
C’est, bien sûr, le cas de Saham Assurance, ou plutôt du Pôle Assurances du Groupe Saham, qui dès 2010, a mis en place une stratégie de croissance en Afrique et au Moyen-Orient à travers 65 filiales, dont 35 compagnies d’assurances et de réassurances pour le seul continent africain.
Le constat présent, c’est que fort de ces résultats et de son expérience, MHE applique de nouveau une stratégie d’incubateur. Saham Assurance étant arrivée à maturité, il la cède à un repreneur, en réalisant cette fois-ci, une opération financière de très grande envergure, supérieure à 10 milliards de dirhams.
Saham Assurance, introduite en bourse fin 2010, était valorisée à plus de 4 milliards de dirhams.
Aujourd’hui, cédée au Groupe sud-africain Sanlam, sur la base de 1450 Dh l’action, pour 53, 4 % du capital, cela équivaut à une valorisation globale de quasiment 20 milliards de dirhams !
Cette opération littéralement fabuleuse matérialise le début d’une nouvelle stratégie au service du développement du Groupe Saham qui, en cédant son pôle assurance à Sanlam, qui était déjà un actionnaire de référence, se libère de cette activité.
Sa démarche désormais sera de chercher de nouvelles niches de croissance, à l’international et tout particulièrement dans notre continent, par la transformation du Groupe Saham en fonds d’investissement panafricain, portant l’ambition de devenir un acteur stratégique continental.
Avec ce trésor de guerre de 20 milliards de dirhams, associé au géant sud-africain Sanlam et certainement à d’autres partenaires de cette qualité, comme c’est son habitude, il déploiera des acquisitions stratégiques, dont certaines sont déjà en cours, comme précisé le communiqué de presse du groupe de MHE.
D’ailleurs, M. Ian Kirk, Directeur général du Groupe Sanlam, a déclaré : « Nous nous réjouissons de renforcer notre investissement au Royaume du Maroc, qui constitue une formidable plateforme continentale aux portes de l’Europe et qui jouit de la stabilité institutionnelle et macroéconomique. Nos investissements aux côtés du Groupe Saham constituent un véritable modèle gagnant de partenariat interafricain. Nous espérons réaliser ensemble d’autres projets d’envergure à l’avenir ».
Ces propos de M. Kirk confirment donc bien que Moulay Hafid Elalamy, d’abord génie de la Finance, parce qu’il a toujours choisi soigneusement les moments d’investir et surtout ceux de céder, est désormais un réel Tycoon à l’échelle de l’Afrique !
Afifa Dassouli