Des membres des forces irakiennes célèbrent leur victoire après la reconquête de Mossoul, le 9 juillet 2017 © AFP FADEL SENNA
Battre son ennemi par troupes amies interposées: la conquête de Mossoul par les troupes irakiennes est une victoire par procuration pour les Etats-Unis, qu’ils espèrent parvenir à dupliquer ailleurs, notamment en Afghanistan.
Lorsque le président Barack Obama décide mi-2014 de combattre militairement le groupe Etat islamique en Irak, il impose au Pentagone un principe simple: l’armée américaine ne doit pas être impliquée dans les combats terrestres (« no boots on the ground »).
L’aviation américaine apporte un soutien aux forces irakiennes, et des formateurs et conseillers militaires viennent les équiper et les aider au sol.
Mais il revient aux forces irakiennes, et seulement à celles-ci, de reconquérir le terrain perdu sur les jihadistes.
Près de trois ans après, la chute de la deuxième ville d’Irak démontre la validité de la stratégie.
Les protégés de l’armée américaine ont réussi à conquérir une grande ville de deux millions d’habitants, après des combats urbains complexes et meurtriers.
Et si leurs pertes sont très importantes, celles de l’armée américaine sont minimes: 11 tués en action depuis 2014 en Irak, bien loin des pertes subies dans ce même pays lors de la décennie précédente, soit plus de 3.500 morts.
« Mossoul, c’est l’achèvement ultime dans le processus consistant à construire une armée, une police, et une force anti-terroriste capable de se battre, que vous ne renforcez qu’avec quelques centaines de conseillers militaires et un appui aérien », indique le major John Spencer, professeur à l’académie militaire de West Point.
« Nous verrons beaucoup ce modèle de guerre par procuration » dans le futur, prédit-il.
– Colossal effort de formation –
Pour arriver à ce résultat, les Etats-Unis et leurs alliés ont entrepris un colossal effort de formation des forces irakiennes –armée, police, forces kurdes, forces tribales–, entraînant plus de 100.000 hommes en trois ans.
Mais ils ont aussi été obligés de s’impliquer plus que prévu dans les combats, écornant le principe du « pas de soldats sur le terrain ».
Les conseillers militaires qui, au début, restaient dans les états-majors, accompagnent désormais les Irakiens à proximité des combats, prenant davantage de risques.
L’artillerie des Marines est venue en renfort à partir de mars 2016. Des hélicoptères d’attaque Apache interviennent aussi ponctuellement en soutien aux troupes irakiennes. Des forces spéciales américaines mènent parfois des raids terrestres contre des dirigeants de l’EI.
Au total, plus de 5.000 militaires américains se trouvent aujourd’hui déployés en Irak.
Ce modèle de guerre par procuration est aussi celui que les Américains et l’Otan essaient d’appliquer en Afghanistan depuis la fin de leur mission de combat dans le pays en décembre 2014.
Les forces de l’Otan –13.300 soldats, dont la moitié américains– forment et conseillent l’armée afghane face aux talibans, sans participer directement aux combats.
Mais comme en Irak, les Américains et leurs alliés sont en train de réaliser qu’il va falloir qu’ils augmentent leur aide pour éviter à leurs poulains de perdre du terrain.
Ils préparent donc un renforcement de leurs effectifs et de leurs moyens, qui devrait être annoncé dans le courant de l’été.
– Unités spécialisées –
En Irak, le pari de reconstituer une armée nationale crédible, capable de défendre le pays par elle-même, est en tout cas en bonne voie.
« Je pense que les forces irakiennes sont pleinement capables de défendre Mossoul et l’Irak », relève M. Spencer. « Elles ont appris énormément, elles ont fait beaucoup de changements sur la base des leçons apprises ces deux dernières années ».
L’armée irakienne est un outil « encore un peu fragile », mais elle a montré à Mossoul qu’elle « avait des unités qui tiennent la route », renchérit un militaire européen.
Signe de l’importance croissante des guerres par procuration, l’armée de terre américaine vient de créer six unités de soldats spécialisés dans le conseil aux forces amies, empiétant sur un domaine jusqu’à maintenant réservé aux forces spéciales.
La première de ces unités de 529 hommes a été lancée en mai à Fort Benning (Géorgie, sud-est).
Le combat contre le groupe Etat islamique et les autres groupes extrémistes « sera un long combat », expliquait récemment le secrétaire à la Défense Jim Mattis.
Les Etats-Unis mèneront cette bataille « avec et par d’autres nations. Nous le ferons en développant leurs capacités pour qu’ils fassent une grande partie du combat », avait-il souligné.
LNT avec AFP