Vue à travers le hublot sur le village de Sveti Stefan, au Monténégro, le 2 avril 2007 © AFP SAVO PRELEVIC
« Ils perdent l’occasion de déguster les meilleurs vins »: l’embargo russe sur les vins de son pays en riposte à l’adhésion à l’Otan, laisse froid le Premier ministre du Monténégro, Dusko Markovic.
Vendredi à Bruxelles, il sera à la table des dirigeants au sommet de l’Alliance. Quelques jours plus tard, le Monténégro devrait devenir officiellement le 29ème membre sans que cela ne suscite jusqu’à présent le chaos redouté à Podgorica.
En 2015, l’annonce de l’adhésion de ce pays de 600.000 habitants majoritairement slaves et orthodoxes, avait entraîné des manifestations émaillées de violence, organisées par l’opposition prorusse.
Comme les négociations avec l’Union européenne, cet arrimage à l’Occident a été imposé par l’ancien Premier ministre Milo Djukanovic, maître du Monténégro de 1991 à fin 2016, quand il a passé la main à Dusko Markovic.
« La valeur militaire (du Monténégro): zéro », a relativisé sur Twitter le sénateur russe Alexeï Pouchkov. Mais selon Srdjan Vucetic du Centre for International Policy studies, cet événement revêt une « importance politique et stratégique considérable ». « Du point de vue du Kremlin, tout gain de l’OTAN est une perte pour la Russie », poursuit le géopoliticien.
Avec le Monténégro, l’Alliance contrôle l’ensemble des côtes adriatiques. La présence de ses troupes au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine, rappelle qu’elle « reste prête à intervenir si des conflits armés devaient ressurgir » dans les Balkans, selon Janusz Bugajski, du Center for European Policy Analysis (CEPA), un « think tank » américain.
L’Otan domine la région. Seules la Macédoine et la Serbie gardent leur distance, même si la première est formellement candidate, un processus bloqué depuis 2008.
– Un mystérieux complot –
Fin avril, quand il est devenu clair que l’élection de Donald Trump ne changerait rien à l’adhésion monténégrine, la diplomatie russe a annoncé sa volonté de « défendre (ses) intérêts ».
Mais le parti prorusse du Front démocratique (FD), principale force d’opposition, est affaibli par l’inculpation de ses leaders, Andrija Mandic et Milan Knezevic, dans une enquête sur un coup d’Etat qui aurait été déjoué en octobre.
Selon la thèse officielle, avec l’aide d' »organes d’Etat russes », les comploteurs auraient voulu faire pièce à l’intégration à l’Otan, renverser Milo Djukanovic, voire l’assassiner. « Montage », « procès politique », rétorquent les intéressés qui relèvent les mystères persistants de ce putsch supposé.
Jamais la justice n’a expliqué comment elle avait eu vent du projet, déjoué juste avant des législatives remportées de justesse par le pouvoir. La défense d’une partie des 23 inculpés, dont une majorité de Serbes russophiles, note que la police n’a pas produit d’armement susceptible d’être utilisé.
Pourtant, de nombreux détails ont été diffusés aux médias occidentaux « enclins à prendre pour argent comptant la version des événements » de Podgorica, selon le rédacteur en chef du réseau de journalistes, Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), Marcus Tanner.
Moscou a bloqué en avril l’importation de vins monténégrins, soit un manque à gagner d’1,7 millions d’euros sur les quelque 2,5 millions exportés vers la Russie.
Des sommes dérisoires face aux quelque 450 millions d’euros que pèse le commerce extérieur, où l’UE se taille la part du lion. Le Monténégro s’est associé en 2015 aux sanctions économiques contre Moscou.
– ‘Pas de russophobie’ –
« Nous ne dépendons pas de la Russie ou de la Serbie. Nous suivons notre chemin vers l’UE et l’Otan, que cela leurs plaise ou non », dit Dragan Petrovic, économiste, 45 ans.
Le tourisme, secteur crucial, semble plus délicat: un visiteur sur trois est russe, selon l’office monténégrin des statistiques. En avril, Moscou a dénoncé « une hausse de l’hystérie antirusse » au Monténégro.
Mais en 2016, alors que la crise était dans sa phase aiguë, 317.000 Russes sont venus, soit une hausse de 4% par rapport à 2015, selon l’Organisation monténégrine du tourisme. Et les réservations russes pour l’été sont en hausse de 2 à 3%.
« Il n’y a pas eu et il n’y a pas de russophobie », insiste Oleg Tretyakov, avocat de 45 ans, installé au Monténégro comme 12.000 compatriotes. Les Russes y détiennent quelque 70.000 biens immobiliers, y ont injecté 52 millions d’euros en 2016.
Pour Marat Gelman, galeriste hostile à Vladimir Poutine installé au Monténégro, ces Russes veulent « de la stabilité » pour leurs affaires. Si elle a la couleur de l’Otan, peu leur chaut, assure-t-il.
LNT avec Afp