Depuis plusieurs jours, les réseaux sociaux, mais aussi la presse sont sur deux affaires qui, chacune dans sa propre logique, suscitent maints commentaires, prises de positions, pétitions même, tandis que les chaînes d’information internationales, certaines agences de presse, plusieurs grands titres étrangers, les évoquent amplement, le plus souvent en présentant une image peu élogieuse du Maroc, de ses mœurs et des comportements machistes de nombre de nos concitoyens.
Il s’agit, d’abord, de « l’affaire Khadija » du nom de cette jeune fille d’un douar proche de Béni Mellal, qui affirme avoir été séquestrée, violée, violentée et marquée de tatouages durant plusieurs semaines par une quinzaine d’individus.
La seconde affaire est celle du chanteur Saad Lemjarred qui fait l’objet, encore une fois, d’une plainte pour viol en France et qui a été placé sous contrôle judiciaire.
Pour concomitantes qu’elles sont, ces deux affaires sont évidemment bien différentes l’une de l’autre, mais nous interpellent à plusieurs titres.
Pour le drame qu’aurait vécu la jeune Khadija, on devrait comprendre que tout ce qui fait chorus sur le Net, tout « scandale » dénoncé par les réseaux sociaux, mais aussi dans la démarche de certaines « associations » comme l’AMDH, il s’agit avant toute chose de faire preuve de pondération, d’intelligence et, surtout, de chercher à confirmer les informations et les affirmations avancées.
Beaucoup de zones d’ombre se présentent en effet lorsqu’on cherche à connaître et à confirmer l’exactitude des faits et accusations avancés par la victime.
Incohérences dans le récit, comme le fait que son père aurait téléphoné aux kidnappeurs qui l’auraient reconduite chez elle, ce qui pourrait signifier qu’il les connaissait parfaitement et qu’il n’a pas porté plainte durant les deux mois de l’absence de sa fille !
Incompréhension devant les « exigences » de la jeune femme qui réclame devant la caméra de Chouf TV qu’ « on lui donne son droit », ce qui pourrait supposer qu’elle demande peut-être des compensations financières, avant toute chose.
Mais aussi profondes interrogations nées de ces tatouages, de la date d’exécution de ces « scarifications » et des auteurs éventuels de ces atteintes physiques.
Il n’est guère besoin, en effet, d’être expert en ce type de dessins corporels, et encore moins un spécialiste du « détatouage » au laser pour douter fortement de la fraîcheur de ces « gravures sur peau ».
Mieux encore, certains d’entre eux, notamment sur la nuque, les bras et une jambe, tendent à montrer qu’il s’agit là d’un travail d’une personne habituée à pratiquer, mais surtout que leur réalisation a demandé beaucoup de temps, ce que pourraient confirmer tous nos jeunes qui aujourd’hui, arborent fièrement dessins, gravures et autres images sur leurs bras, jambes, poitrines et même ailleurs…
Voilà pourquoi, en cette affaire, il nous semble plus sage, plutôt que de pousser des cris d’orfraie et de lancer des pétitions à la va vite, de laisser la Justice accomplir son travail, donner ses conclusions, punir les éventuels coupables alors que l’on sait que la plupart des individus qui auraient soumis Khadija à des traitements barbares sont aujourd’hui en état de détention provisoire.
Car, tatouages anciens ou nouveaux, il paraît certain que cette jeune femme a été retenue contre son gré et maintes fois abusée pendant sa détention par une bande de « sauvages » !
Mais, faut-il, pour autant, adopter l’attitude de certains intellectuels de renom, artistes, romanciers, fils de pub’, personnalités de la société civile qui, tels les habitués des réseaux sociaux, se font instantanément une « religion » sur la question, exigent réparation immédiate et surtout, jugent et condamnent avant que les faits soient établis par la Justice ?
Cette dérive, largement inspirée bien sûr, par le phénomène « #MeToo » ne paraît pas la plus appropriée dans les circonstances présentes justement parce que les choses ne sont pas claires.
Ce faisant d’ailleurs, ces personnalités risquent le ridicule, le démenti formel, mais aussi, plus grave, d’apparaître comme appartenant à une catégorie bien déterminée, celle des pétitionnaires de principe, qui apposent leurs noms et qualités au bas d’un texte, avant même d’avoir eu le temps de le lire avec un esprit critique.
Car, que penser du « texte-pétition » récemment rédigé par l’écrivain Ahmed Taïa, publié par le quotidien français Libération et repris par des titres et portails locaux (Tel Quel, le Desk, etc.) ?
Et notre Taïa expatrié, s’est fendu d’un texte « fort », de protestation et d’indignation, de solidarité avec Khadija certes, mais aussi de compassion et de compréhension envers les Marocains qui seraient des violeurs impénitents, et qui, du fait de leur misère (pas seulement sexuelle) seraient contraints, encore et encore, de violer les femmes de ce pays, condamnées, à subir, ad infinitum, une violence qui serait barbare, quotidienne, généralisée. Et M. Taïa, emporté par son élan, de stigmatiser au passage le service militaire, de condamner la misère sociale, etc., etc., le tout pour souligner la triste situation de Khadija.
Devant la qualité du « manifeste », Noureddine Ayouch, Tahar Benjelloun, Aïcha Chenna, Mehdi Qotbi ( ?) et plusieurs autres ont cru devoir lui porter soutien.
Nul de ces pétitionnaires de principe n’a songé aux conséquences que cet empressement provoquerait en termes d’image du Royaume à l’étranger.
Le Maroc, où existent, malheureusement, des problématiques sociales lourdes, où la Femme est souvent victime du machisme, de sexisme, n’est pas pour autant un pays de violeurs, de harceleurs systématiques et nombreux sont ceux, dont La Nouvelle Tribune, qui portent haut et fort, en chaque occasion, le combat de la Femme marocaine pour le respect de ses droits, la parité des genres, l’épanouissement et la promotion des Marocaines, en application d’ailleurs des articles de la Constitution.
Les affaires de mœurs, de viols, d’agressions sexuelles ne sont ni plus fréquentes, ni plus rares que dans d’autres pays et ne constituent aucunement pour autant la seule caractéristique du Royaume qui mérite d’être surexposée médiatiquement urbi et orbi !
Encore une fois, la Justice est saisie, les responsables de la séquestration sous les verrous, et l’on finira par connaître le fin mot de cette histoire, dont certains des éléments pourraient donner à penser qu’il s’agirait d’une fugue qui aurait mal tourné.
Voilà pourquoi il faut en cette occasion, se garder de précipitation et de faire le jeu de ces « justiciers de l’instant » qui, sur les réseaux sociaux, s’érigent en procureurs et en juges au mépris des élémentaires précautions que de telles affaires exigent.
Car, comment faire preuve d’une totale adhésion dans les pratiques de condamnation et de dénonciation quand il s’agit de Khadija et, dans le même temps, faire montre de compréhension, de tolérance, de soutien inconditionnel lorsque l’accusé, le mis en cause, le supposé responsable d’actes condamnables se trouve être une vedette nationale du showbiz, et qui fait l’objet, pour la troisième fois, d’une plainte pour violences sexuelles ?
Nos internautes et autres adeptes des réseaux sociaux seraient-ils compatissants envers Saad Lemjarred parce qu’il s’agit justement de Saad Lemjarred ?
S’il faut se garder, bien évidemment, de toute condamnation en lieu et place de la Justice (française pour l’occasion), on notera que ni les intellectuels pétitionnaires, ni les habitués des réseaux sociaux n’ont cru utile ou nécessaire de s’exprimer sur cette question.
Ce qui, bien évidemment, donne à réfléchir…
Fahd YATA