L’ancien secrétaire général du Parti de l’Istiqlal (PI) et ancien ministre, M’hamed Boucetta est décédé vendredi soir à l’âge de 92 ans.
Cette disparition intervient sans doute au plus mauvais moment pour le parti fondé par feu Allal El Fassi et à la tête duquel avait succédé feu M’hammed Boucetta en 1972, après le décès du Zaïm dans le bureau du président roumain Nicolae Ceaucescu à Bucarest.
En effet, le PI est en situation difficile, à la fois du fait de la sévère déconvenue électorale enregistrée le 7 octobre dernier lors des législatives, mais aussi du fait de l’incompétence avérée de l’actuel du secrétaire général, M. Hamid Chabat, à assumer convenablement la direction du PI.
L’ère de la succession est venue
L’un des derniers « actes politiques » de feu M’hammed Boucetta avait d’ailleurs été d’adresser une sévère réprimande à son successeur, au lendemain des élections, de concert avec d’autres figures historiques du Parti.
Aujourd’hui, nul doute que les dissensions et les déchirements internes cesseront quelque peu le temps de porter en terre cet illustre homme politique, mais il est clair que la disparition de feu M’hammed Boucetta va coïncider avec une nouvelle ère pour le PI.
En effet, outre la dissidence avérée et assumée comme telle de plusieurs des grosses pointures du parti, comme Yasmina Baddou, Karim Ghellab, Taoufik Héjira et même Adil Douiri, qui avaient pourtant soutenu Chabat dans son offensive contre le clan historique emmené par M. Abdelouahed El Fassi, la récente sortie médiatique de M. Nizar Baraka, appelant le parti à une salutaire autocritique, n’est point passée inaperçue des observateurs politiques.
Certes, M. Nizar Baraka ne figure pas parmi les membres du Comité Exécutif du PI, mais seulement de son Conseil national. En principe donc, il ne saurait prétendre, en l’état actuel des statuts du PI, à la succession de M. Chabat, mais en politique, comme chacun sait, rien n’est impossible…
Le fait que l’actuel président du CESE sorte de la réserve que lui impose sa position à la tête de l’une des plus importantes institutions de l’Etat n’est absolument pas innocent ou fortuit.
Cela devrait signifier que M. Baraka serait peut-être prêt à quitter ce poste où il a fait du très bon travail pour reprendre son habit d’homme politique, lui qui dispose, outre ses compétences intellectuelles et sa forte culture, d’un atout décisif, celui d’être le petit-fils, par sa mère, de feu Allal El Fassi, le fondateur du parti. La légitimité de M. Nizar Baraka est donc très forte en comparaison de celle de « Si Cliss »…
Par ailleurs, dans son adresse publiée par le quotidien As Sabah, du Groupe Eco Média, M. Nizar Baraka reprend l’un des titres les plus connus de son défunt grand-père, auteur du célèbre « An Naqaddati » (de l’autocritique), ce qui laisse suggérer qu’il s’inscrit dans la droite ligne de l’action et de la pensée du fondateur du Parti de l’Istiqlal.
Voilà donc qui permet de dire que la remise en ordre de marche du PI est aujourd’hui à l’ordre du jour, pensée et projetée par ceux qui refusent que ce grand parti national, matrice de l’ensemble des forces politiques marocaines, fer de lance de la lutte contre le colonialisme, et qui a formé des hommes comme M’hammed Boucetta, Mehdi Ben Barka, Abderrahim Bouabid, Abderrahmane El Youssoufi et même Ali Yata (avant son entrée au PCM, au sein de Hizb Al Watan), ne sombre dans la déliquescence.
Un ardent militant
Feu M’hammed Boucetta s’était illustré en tant qu’avocat, comme le défenseur intransigeant des militants progressistes et révolutionnaires lors des années de plomb. Il avait également joué un rôle fondamental aux côtés des défunts Abderrahim Bouabid et Ali Yata dans la réconciliation entre le Palais et le Mouvement National entre 1972 et la Marche Verte, puis dans la mise en place de l’alternance consensuelle, dès les débuts de ce processus, avec l’érection de la Koutla démocratique en 1992 et les difficiles négociations avec feu Hassan II notamment lorsque M’hammed Boucetta avait apposé le veto de son parti à la participation de Driss Basri à la première mouture d’un gouvernement qui devait marquer le retour aux affaires des partis du Mouvement national.
Enfin, il avait eu la sagesse de se retirer de la vie politique en 1998, juste avant que le premier gouvernement dirigé par Abderrahamane El Youssoufi ne soit constitué, avec la participation du PI, du PPS et de l’USFP.
C’est donc l’une des grandes figures de la vie politique nationale que le Maroc perd aujourd’hui, un homme d’exception, de dialogue et de consensus, apte au compromis, mais intransigeant sur les principes, respecté de tous et respectueux de ses amis comme de ses adversaires.
En cette triste circonstance, La Nouvelle Tribune présente ses sincères condoléances à la famille, aux amis parents et au parti du défunt M’hammed Boucetta, que Dieu l’accueille en sa sainte miséricorde.
Il laissera le souvenir d’un grand patriote dont la vie fut dédiée au combat pour la démocratie et la construction d’un Maroc moderne, en totale adhésion avec les grandes institutions et traditions du Royaume.
A Dieu nous sommes, à Lui nous retournons.
Fahd YATA