photo Ahmed Boussarhane, La Nouvelle Tribune
Toutes les grandes villes du Maroc vivent quasiment le même phénomène, celui de la mendicité aux abords des feux de signalisation, aux ronds-points et autres carrefours.
De Casablanca à Oujda, de Marrakech à Tanger, de Fès à Agadir, de Rabat à Meknès, c’est le même constat que l’on fait.
Ces points névralgiques de la circulation sont pris d’assaut, des premières heures du jour jusqu’au milieu de la nuit par des cohortes de mendiants qui se font insistants, réclamant de l’automobiliste quelques dirhams.
Et, pour être tout à fait clair, la très grande majorité de ces mendiants est désormais d’origine sub-saharienne, venue de pays francophones et anglophones.
Il se produit donc, de plus en plus, un phénomène d’éviction des mendiants nationaux, des Syriens, et autres handicapés, qui semblent débordés par ces jeunes hommes le plus souvent vigoureux et jeunes femmes, parfois accompagnées d’enfants en bas âge.
Mais on ne saurait aborder cette question, ô combien sensible, sous le prisme du rejet ou de la posture raciste et xénophobe. Et encore moins pour revendiquer la priorité aux mendiants marocains !
Ces jeunes qui prennent d’assaut les feux rouges, avant de tenter la même chose devant les barrières de Sebta ou Melilla, sont d’abord et avant tout des êtres humains en souffrance absolue, démunis, privés de soins, de nourriture, d’abris sûrs et confortables.
Ils squattent nos boulevards au terme d’une odyssée longue de plusieurs milliers de kilomètres, périlleuse et meurtrière pour beaucoup de candidats à cet Eldorado européen qui n’est en fait qu’un miroir aux alouettes.
Nous avons envers eux un devoir d’assistance et de solidarité absolu et, quelle que soit leur situation « administrative », ils ont, pour le temps qu’ils passeront chez nous avant de tenter le h’rig, le droit de bénéficier des minima sociaux et sanitaires, ainsi que le respect de leur personne et la jouissance de leur libre arbitre.
Mais, pour autant, il n’est pas acceptable que cette situation perdure et s’aggrave au vu et au su des autorités publiques qui acceptent, sans réaction, que les principales artères de nos villes se transforment en cours des miracles.
En outre, ces malheureux survivent dans des squats qui, périodiquement, sont pris par les flammes, comme si le feu pouvait, à l’instar de ce qui se passe régulièrement près de la gare routière des Oulad Ziane à Casablanca, nettoyer tout signe de leur présence !
Aujourd’hui, la cote d’alerte a été atteinte, sans doute parce que le passage en force pour atteindre Sebta et Melilla est de plus en plus difficile.
Notre pays, les autorités, les corps constitués ne peuvent rester indifférents devant cette situation inacceptable et scandaleuse.
De même, alors qu’ils sont sollicités avec insistance à chaque feu rouge, à toute heure de la journée, nos concitoyens commencent à exprimer d’autres sentiments que l’indifférence, ce qui fait craindre la montée de comportements et idées xénophobes, en dépit du fait que l’aumône est l’un des cinq piliers de notre religion.
Alors comment régler correctement une telle situation qui se définit objectivement comme un désastre humanitaire ?
Pas question de leur faire la chasse ou de les embarquer manu militari dans des autobus pour les « jeter » dans les rues de petites villes dans le sud du Royaume ou, pire, dans un no man’s land aux abords des frontières terrestres.
Pas question non plus de les priver de liberté et de leur droit à une vie meilleure.
La solution doit être réfléchie et en accord avec nos traditions d’hospitalité et d’accueil, mais aussi de respect de la dignité humaine.
Certes, d’aucun dirait qu’il conviendrait prioritairement de s’occuper de « nos pauvres » avant de songer aux Subsahariens. Mais l’un n’exclut pas l’autre.
Si l’on parvenait à leur faire comprendre que l’idée d’un franchissement clandestin de nos frontières du nord n’est plus réalisable, ils pourraient alors opter pour une proposition de retour dans leurs pays, agrémentée d’un petit pécule, ou songer à s’insérer dans notre société en travaillant dignement.
Aujourd’hui, en effet, le Maroc, outre ses fonds propres dédiés à la solidarité et l’insertion sociale, l’INDH et autres mécanismes, reçoit une aide financière non négligeable de l’Union européenne pour lutter contre l’immigration clandestine.
Pas plus tard que la semaine dernière, le gouvernement espagnol a décidé d’octroyer au Royaume une enveloppe de 32, 2 millions d’euros, (plus 330 millions de dirhams) pour renforcer son arsenal dissuasif contre le franchissement clandestin de nos frontières.
Ne pourrait-on affecter une partie de cette somme à la prise en charge de quelques milliers de pauvres hères faisant la manche aux feux rouges ?
On pourrait ainsi les regrouper, les soigner, les vêtir et les loger dignement dans l’attente d’une décision sur leur avenir.
Mais, pour une réelle application de cette idée, il faudra exclure toute solution répressive et les amener à comprendre que leur rêve s’arrête en terre marocaine.
Cela ne sera pas tant qu’ils auront quelque espoir de glaner quelques pièces aux feux rouges !!!
Une telle démarche se ferait avec l’aide de nos ONG dédiées à la solidarité et les représentants diplomatiques des pays de provenance.
Car, pour leur propre intérêt et celui de nos concitoyens, en accord avec nos principes individuels et collectifs, le spectacle lamentable de ces dizaines de jeunes qui s’accrochent aux voitures à l’arrêt n’est plus acceptable.
Et le devoir des responsables publics est d’y trouver solution, non de tourner la tête !
Fahd YATA