On ne le dira pas assez : là où il y a l’eau, il y la vie. Et la terre a soif. L’homme aussi. Selon le rapport 2017 de l’OMS et de l’UNICEF, 11% de la population mondiale, soit 844 millions d’individus, n’ont pas eu accès à l’eau potable en 2015. Selon l’ONU, les deux tiers de la population mondiale vivront en situation de stress hydrique à l’horizon 2025. Le continent africain sera particulièrement concerné.
Unanimes, les experts mondiaux en la matière s’accordent à souligner que les difficultés d’accès à l’eau impactent sensiblement le développement humain, pèsent négativement sur la croissance économique et peuvent également être source de conflits et d’instabilité sociale. Selon le rapport de référence Global Risk du Forum économique mondial, les crises liées à l’eau sont l’un des risques majeurs impactant l’économie. En 2018, cette situation a engendré une perte de près de 38 milliards de dollars.
A Marrakech en ce début de semaine, dans le cadre du sommet international sur la sécurité hydrique, de nombreux intervenants venus de différents pays du monde ont tenu à préciser que la croissance démographique, conjuguée à l’agriculture, l’urbanisme et les effets du réchauffement climatique, font que la demande en eau augmente à un moment où les ressource en cette énergie précieuse s’amenuisent. Et de préciser que par le monde, 2,5% de l’eau est douce, le reste étant salé, et impropre à la consommation ou à l’agriculture. Actuellement, pas moins de 17 pays font face à un risque ‘’extrêmement élevé’’ de manque d’eau, dont le Qatar et le Liban, suivis par l’Inde, l’Iran, la Jordanie, la Libye, le Koweït, l’Erythrée, les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Pakistan, Oman, l’Arabie Saoudite, le Turkménistan, le Botswana, Saint Marin et 25% de la population mondiale sont concernés par le stress hydrique. Dans les pays les plus à risque, 82% de l’eau utilisée sont rejetés en quantité élevée sans aucune réutilisation. Oman est classé à la 16ème place des pays à risque élevé, traite déjà 100% des eaux collectées et en réemploie 78%. Un record, estiment les experts, par rapport à la zone du Golfe où, en moyenne, 84% des eaux sont traitées et 44% sont réutilisées.
Selon la Banque Mondiale, le manque d’eau va engendrer une perte de 6 à 14% du PIB en moyenne dans les pays les plus à risque. Et si cette pression sur les ressources se poursuit, 45% du PIB mondial et 40% de la production céréalière mondiale seront en danger d’ici 2050. Dans le monde, 3 emplois sur 4 dépendent d’un approvisionnement fiable en eau. Les conséquences sociales de la multiplication des crises liées à l’eau pourraient être désastreuses.
Au Maroc, la situation hydrique en interpelle plus d’un. Le Royaume fait partie des pays qui sont fortement touchés par le stress hydrique, avec une disponibilité d’eau inférieure à 1 000 m3/habitant/an. Ce niveau se situe autour de 620 m3/habitant/an actuellement et devrait descendre sous la barre des 560 m3 à l’horizon 2030. Et en dépit de sa politique hydrique adoptée depuis plusieurs années autour de la construction de barrages, le Maroc, disent les experts, subit de plein fouet les effets du stress hydrique, faisant ainsi partie des pays présentant un risque ‘‘élevé’’ de manque d’eau.
Dans son allocution, le Chef du Gouvernement, Saad Dine El Otmani, s’est voulu rassurant, notant que la question de la gestion de l’eau dans le Royaume revêt un caractère vital en raison des conditions climatiques difficiles, sachant que le système hydrologique du pays est caractérisé par une répartition variable des ressources en eau aussi bien dans l’espace que dans le temps, avec une succession des périodes pluvieuses et celles de sécheresse qui peuvent durer plusieurs années. A la lumière de ces conditions, a-t-il poursuivi, le Maroc a prôné une politique de l’eau basée principalement, dans ses premières phases, sur la mobilisation des ressources en eau de surface, à travers la réalisation de grandes infrastructures hydrauliques pour le stockage de l’eau pendant les périodes d’abondance, telles que les barrages et les bassins hydriques.
Cette politique, dixit El Otmani, a permis au Royaume de garantir un approvisionnement en eau potable et en celle destinée à l’usage industriel et de satisfaire les besoins en eau d’irrigation, à même d’assurer l’approvisionnement en cette ressource vitale et de surmonter les périodes de sécheresse avec un minimum de dégâts socio-économiques.
Afin de continuer à répondre aux besoins du pays en eau et d’accompagner les principaux chantiers lancés par le Maroc pour éviter le déséquilibre entre l’offre et la demande en cette substance vitale, il a indiqué que l’Exécutif se penche actuellement sur l’actualisation et la révision du Plan National pour l’Eau en vue de se doter d’un plan hydrique national ayant pour objectif de réaliser la sécurité hydrique du pays à l’horizon 2050.
Pour sa part, le Président du Conseil de l’Eau, Loic Fouchon tient à préciser que le besoin en réserves d’eau est immense et que le concept traditionnel de barrage doit évoluer : « Il ne s’agit plus de barrer le passage de l’eau, mais de convaincre qu’il faut la maintenir, la valoriser et restaurer la biodiversité. Ces lieux de conservation, qu’il faut appeler réserves aquatiques seront des lieux de vie, d’harmonie, de renaissance de la faune et la flore ».
Pour rappel, les travaux du Sommet international sur la Sécurité Hydrique ont été ouverts, ce mardi 1er octobre à Marrakech, en présence de plus de 500 participants. Ce conclave, tenu sous le thème « Pour une gestion participative et innovante du bassin », s’assigne pour objectifs de débattre des différents aspects de la problématique de l’eau, à l’échelle locale, régionale et mondiale, et particulièrement des défis liés à l’insécurité hydrique.
Organisé par le ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau, conjointement avec le Réseau international des Organismes de Bassins (RIOB) et l’Institut international pour l’Eau, l’Environnement et la Santé (GIWEH), ce Sommet s’inscrit dans le processus des événements préparatoires du 9è Forum Mondial de l’eau qui se tiendra en mars 2021 à Dakar, au Sénégal.
H.Z