
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), le 14 octobre 2014 à Strasbourg © AFP/Archives FREDERICK FLORIN
La Russie aurait pu prévenir l’attaque de Beslan en 2004 et a fait preuve de graves défaillances dans la gestion de la prise d’otages, a jugé jeudi la Cour européenne des droits de l’Homme, 12 ans après la mort de plus de 330 civils, dont 186 enfants.
Un jugement qualifié d' »inadmissible » par la Russie, condamnée à verser 3 millions d’euros aux requérants.
La CEDH, instance du Conseil de l’Europe basée à Strasbourg, a estimé que les autorités russes de l’époque disposaient, « au moins quelques jours avant les faits », de suffisamment « d’informations précises sur un projet d’attaque terroriste dans la région, lié à la rentrée scolaire ».
Or, « de manière générale, les mesures de prévention qu’elles ont prises » étaient insuffisantes, note la Cour. « Ni l’administration de l’école, ni le public assistant à la cérémonie n’ont été avertis de la menace », déplorent les juges. « Les autorités n’ont pas su prendre des mesures propres à prévenir ou réduire le risque connu », affirment-ils.
Des rebelles armés protchétchènes, une trentaine, avaient fait irruption dans cette école d’Ossétie du nord le 1er septembre 2004 et y avait pris en otages 1.200 personnes.
Plusieurs otages ont été exécutés et le gymnase où ils avaient été rassemblés avait été miné. Après de vaines négociations, les autorités russes avaient décidé le 3 septembre de mener l’assaut.
Mais elles n’ont pas planifié cette opération en faisant en sorte de minimiser les risques, selon la CEDH. La Cour pointe notamment les défaillances de la structure de commandement et le manque de coordination qui ont, « dans une certaine mesure », contribué à « l’issue tragique ».
Quant à l’assaut lui-même, mené après 50 heures de prise d’otages, si l’utilisation d’une force létale était « justifiée », « un usage aussi massif d’explosifs et d’armes frappant sans discernement ne peut être considéré comme absolument nécessaire », a estimé la Cour.
– Combats intensifs –
Les requérants – 409 citoyens russes, certains ayant été pris en otages et blessés, d’autres faisant partie de familles de victimes – s’étaient appuyés dans leur plainte en partie sur des témoignages soutenant que les soldats avaient usé aveuglément de la force sur le bâtiment dans lequel rebelles et otages étaient mêlés.
Le 3 septembre à 13 heures, après deux explosions dans le gymnase, certains otages avaient essayé de s’enfuir. Mais les rebelles leur avaient tiré dessus, déclenchant une fusillade avec les forces de sécurité.
Peu après, le centre de commandement installé à proximité avait ordonné un assaut du bâtiment. Au même moment, les rebelles qui avaient survécu aux explosions avaient rassemblé environ 300 otages survivants dans le gymnase pour les emmener ailleurs, selon le récit des événements de la CEDH.
« Les morts, les blessés et les traumatisés restèrent dans le gymnase. Les flammes s’y propageant, le toit s’effondra aux environs de 15h30 », écrit la Cour. « Au prix de combats intensifs, les forces spéciales sécurisèrent les lieux et secoururent les otages survivants ».
A la fin de l’assaut, plus de 330 personnes avaient été tuées, plus de 700 blessées. Et parmi les soldats, 12 ont perdu la vie.
L’enquête sur ces évènements n’a pas permis de prouver que l’usage de la force était « justifié », a tranché la Cour, qui souligne que les victimes n’ont eu droit qu’à un accès limité aux investigations.
La justice russe avait établi qu’il n’y avait aucun lien entre les actions des forces de l’ordre et les « issues négatives » de l’assaut. Les policiers de Beslan furent amnistiés, tandis que ceux de la police ingouche furent acquitté des accusations de négligences.
Seul un des preneurs d’otage a survécu. Il a été condamné en 2006 à la réclusion criminelle à perpétuité.
LNT avec Afp