La visite d’État du Président français Emmanuel Macron au Maroc cette semaine était très attendue de part et d’autre. Non pas seulement à cause du contexte de brouille entre les deux pays ces dernières années qu’elle était sensée clôturer, mais justement pour l’ampleur que la réconciliation pourrait prendre avec cette visite.
La longue et méticuleuse préparation de la venue du Président français, qui transparaît dans son déroulé, a été à la hauteur de l’enjeu en ne laissant rien ou presque au hasard. Car, de mémoire, rares sont les chefs d’État qui ont bénéficié d’un accueil tout aussi chaleureux que productif au Maroc. Et, il faut le reconnaître, la posture du Président Emmanuel Macron et de sa délégation, faite à la fois d’humilité et d’assurance, a été un facteur clé du succès de cette visite face à l’hospitalité et au protocole déployé pour honorer les relations franco-marocaines.
Mais alors, qu’est-ce qui a changé si drastiquement pour que la position de la France passe de « entre les deux, mon cœur balance », à une réconciliation si flamboyante qu’on en oublie les causes de la rupture initiale ?
Certainement d’abord, une forme de retour à la réalité empirique de la relation dense qui unit les deux pays et qui constitue un socle dont l’érosion est à l’épreuve de sa longévité. Ensuite, en tant que premier partenaire économique du Royaume, avec la plus grande communauté d’expatriés français du Maghreb, et foyer également de milliers de concitoyens marocains, la France fait partie de la famille. Cette visite d’État nous a d’ailleurs replongé dans l’ambiance des retrouvailles familiales estivales lorsque les proches qui résident à l’étranger rentrent au pays pour s’y ressourcer. Les bains de foule du Président Macron avec Sa Majesté le Roi, les moments de recueillement et la convivialité des festivités, font aussi écho à ces liens inextricables qui unissent nos deux pays comme avec aucun autre.
Ce qui a également changé, c’est certainement la prise de conscience plus pragmatique à Paris que l’occasion de cette réconciliation en grandes pompes, pourrait aussi bénéficier grandement aux intérêts de l’hexagone. Le Maroc est une terre d’opportunités et d’avenir qu’il n’est plus question de conquérir par de l’aide au développement mais bel et bien par des contrats ambitieux pour les deux parties. Car les sujets de coopération « win win » ne manquent pas désormais, de l’hydrogène vert à la création d’un accélérateur d’investissements Maroc-France, en passant par la décarbonation, ce sont les plus gros acteurs des deux côtés, TotalEnergies, l’OCP, Bpifrance, l’AFD, l’UM6P et le FM6I pour ne citer qu’eux qui sont mobilisés.
Toutes ces nouvelles synergies de collaboration économique sont sur des sillons profonds, dans des secteurs stratégiques, qui engagent la relation bilatérale résolument vers l’avenir. Le Maroc a un besoin indéniable de l’expertise française et de son soutien diplomatique, tandis que la France doit rebondir pour garder sa place de puissance économique, voire diplomatique et militaire en Afrique. Faire l’impasse des deux côtés sur ces réalités n’est plus tenable.
Mais, la clé de voûte de cette confiance renouvelée réside sans nul doute dans les mots forts choisis par le Président français pour soutenir l’intégrité territoriale de notre pays. Devant le Parlement marocain, dans la plus grande tradition de l’éloquence française, celle d’un général De Gaulle ou d’un Jacques Chirac, il a on ne peut plus clairement exprimé une position sans équivoque avec cette phrase qui fait déjà couler beaucoup d’encre « le présent et l’avenir du Sahara s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Le Président a également ajouté un commentaire lourd de sens : « cette position n’est hostile à personne ». En s’adressant à demi-mots de Rabat à Alger, Emmanuel Macron remet les dirigeants algériens face à leur responsabilité vis-à-vis du peuple algérien, en les invitant à rejoindre une dynamique de co-développement régional autour de l’interface et de l’histoire communes qui rassemblent les pays du Maghreb, la France et l’Europe.
En tout état de cause, sur le fond et sur la forme, le Maroc et la France amorcent une nouvelle dynamique de fait, une collaboration étroite, entre deux pays totalement souverains. Il était grand temps et « pourvu que ça dure ! ».
Zouhair Yata