Le mois sacré de Ramadan touche à sa fin sans que l’espoir d’une issue heureuse ne se dessine encore pour la crise qui affecte Al Hoceima et sa région depuis plusieurs mois.
Certes, la tension a baissé, mais le mouvement de protestation, basé au départ sur des revendications sociales et économiques, a évolué vers une seule exigence.
Aujourd’hui, parce que Hirak a été décapité, les jeunes qui manifestent à Imzouren ou Al Hoceima, sont livrés à eux-mêmes et se bornent à jeter des cailloux sur les forces de l’ordre dont la présence massive est, sans doute, l’une des causes de la persistance de cette agitation juvénile.
La protestation, spontanée et maladroite, mais relayée par les médias et certains secteurs de la société civile, est désormais orientée vers un seul objectif, la libération de tous les détenus (environ 120 personnes), au premier rang desquels Zefzafi et ses lieutenants, incarcérés à la prison d’Aïn Sebâa, à Casablanca.
Le caillou et la matraque
On assiste donc, incontestablement, à un pourrissement qui ne dit pas son nom, alors que partisans de la fermeté et ceux du pardon confrontent leurs arguments, mais sans réelle prise sur la situation sur le terrain.
Bien sûr, les partis politiques commencent à réagir (après l’heure, c’est plus l’heure), bien sûr le PAM et M. Ilyass El Omari ont essayé de reprendre pied dans « leur » région grâce à une journée d’étude tenue à Tanger en fin de semaine dernière.
Mais, visiblement, tout cela relève plus du « bricolage », de l’improvisation de dernière minute, que d’une stratégie savamment élaborée et sagement conduite de baisse de la tension et de sortie progressive de la crise.
Aujourd’hui, semble-t-il, un impératif s’impose, celui de décorréler la question de la libération des détenus, surtout la direction de Hirak, du rétablissement de la quiétude dans le Rif.
Mais cette exigence se heurte, forcément, à la dimension « iconique » de Zefzafi et de ses plus proches compagnons, essentiellement parce que ceux qui font du grabuge tous les soirs dans les rues d’Al Hoceima, sont totalement désorientés et incapables d’exprimer autrement que par des jets de pierres leurs revendications. A ce rythme là donc, force est de craindre que l’apaisement ne sera pas pour bientôt.
L’Etat, qui a été mis à mal, insulté, chahuté, contesté, y compris dans sa dimension spirituelle, veut sans doute montrer que le dernier mot doit rester au Droit, à la Loi, au respect des sacralités et des principes qui fondent ce Royaume.
Voilà pourquoi une nette différence a été établie entre ceux qui ont participé à des scènes de violence et ceux qui ont encadré, conduit, animé et organisé Hirak durant plusieurs mois.
On peut croire que la magnanimité, le pardon et une grâce toucheront peut-être prochainement les protestataires lambdas qui, de surcroît, ont déjà été condamnés pour plusieurs d’entre eux en Première Instance.
Mais ceux-là ne constituent pas le problème, loin s’en faut…
A qui perd gagne
Décider la libération de Zefzafi et consorts, serait-ce donc un aveu de faiblesse, d’impuissance ou même constituerait-il une victoire pour Hirak et la consécration du « Zaïm » Zefzafi ?
On perçoit que cette crainte est particulièrement présente dans certains cercles dirigeants où la tentation du bâton est plus forte que celle de passer l’éponge.
Mais, pour « passer aux choses sérieuses », c’est-à-dire s’atteler à la satisfaction des revendications économiques et sociales des habitants d’Al Hoceima et de la région, la libération les leaders de Hirak apparaît à beaucoup comme un préalable incontournable.
On sait qu’effectivement, les pouvoirs publics ont désormais la volonté bien ferme de réaliser dans les meilleurs délais leurs promesses et la concrétisation des nombreux projets de développement attendus par les habitants du Rif.
La résolution de la crise ne se fera pas autrement et l’urgence est donc de mettre en place les conditions objectives et subjectives d’application de ce processus.
Voilà pourquoi, sans trop se faire d’illusion sur la volonté de Zefzafi et de ses amis de comprendre les diverses articulations d’une dialectique subtile, sans craindre également leur capacité de nuisance éventuelle dès leur libération, l’important serait, justement, de désarmer les protestataires autrement par le recours aux arrestations.
Car l’enjeu est de priver Hirak de sa légitimité supposée et de sa volonté d’être la seule expression des revendications populaires de la région rifaine.
Si jamais Zefzafi était condamné, il demeurerait l’unique préoccupation de cette jeunesse livrée à elle-même, mais aussi le « joujou » idéal pour les milieux activistes nationaux et leurs relais extérieurs, dont le dynamisme se nourrit de la « répression aveugle du Makhzen »…
Aujourd’hui, il faut donner l’occasion aux élus locaux, aux partis politiques, aux forces les plus responsables de la société civile de revenir (ou de venir) sur le terrain, en accompagnement des réalisations prioritaires que les pouvoirs publics entreprennent et vont entreprendre dans les champs de l’Education, de l’Emploi, de la Santé, des infrastructures, etc.
Al Hoceima ne doit plus être une « terra nullius », un terrain de parcours pour les agitateurs confus et manipulateurs, à la fois héritiers exaltés d’Abdelkrim Al Khattabi, Hassan El Benna et Che Guevara !
L’Etat, qui a montré sa force, sa détermination, qui a reconnu les lacunes et les défaillances, a désormais le devoir de montrer sa capacité à opérer les bons arbitrages pour priver ceux qui veulent l’affaiblir « des raisins de la colère » du Rif .
A la veille de l’Aïd El Fitr, ce serait, sans doute, une sage décision…
Fahd YATA