Et ce qui devait arriver, arriva !
Nasser Zefzafi et une vingtaine de ses partisans ont été arrêtés lundi à Al Hoceima et, pour partie d’entre eux, transférés à Casablanca dans le cadre d’une enquête de la BNPJ qui cherchera à déterminer s’il y a lieu de les inculper pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat », une accusation passible de lourdes peines de prison.
Personne ne s’étonnera de cet épilogue (provisoire) des « événements d’Al Hoceima », parce que l’Etat, passablement mis à mal par les dérapages verbaux de Zefzafi et les troubles provoqués par ses partisans, ne pouvait rester sans réagir face à une contestation qui prenait une autre voie que celle des revendications sociales et économiques.
L’ultime dérapage
Il est clair que la très grave provocation de vendredi dernier dans une mosquée d’Al Hoceima par le leader (autoproclamé) de Hirak ne pouvait rester sans suites judiciaires (et peut-être pénales).
En effet, Zefzafi, abandonnant le terrain des envolées revendicatives, s’est quasiment permis la posture de Omar Bnou Khattab, conspuant l’imam officiel, critiquant violemment, la Commanderie des Croyants, insultant tout à la fois le « Makhzen », les monarchies du Golfe, Mawazine, etc.
Une telle dérive était sans doute prévisible car le « chômeur » d’Al Hoceima, toujours bien vêtu, prolixe et parfaitement à l’aise dans les citations religieuses, usant une langue arabe aussi pure qu’éloquente, a visiblement été entraîné dans ses outrances oratoires par le syndrome de « la grosse tête ».
Celle-ci lui est venue du succès médiatique et sur les réseaux sociaux induits par son aura incontestable.
Zefzafi, au passé peu connu, à la formation prétendument incomplète, est devenu en quelques semaines une vedette du Web, mais aussi une icône qu’une partie de la presse nationale et internationale a contribué à ériger.
Une presse qui n’a peut-être pas assez mesuré qu’elle faisait ainsi la part trop belle à un individu qui, visiblement, était en charge d’appliquer un agenda qui n’était pas seulement celui de la satisfaction des légitimes revendications sociales des populations du Nord marocain…
Car qui connaît vraiment Zefzafi, son parcours, ses amitiés et ses moyens ?
Cet homme, qui a voulu se poser en représentant des habitants du Rif, usant souvent de propos à forts relents séparatistes, pourrait être le rejeton (illégitime ?) tout à la fois de l’AMDH et d’Al Adl Wal Ihssane, tant ses discours mêlent le populisme le plus extrémiste et les références religieuses réactionnaires et conservatrices.
Mais son succès, indéniable, est venu du vide sidéral qui caractérisait la scène politique et partisane dans les régions du Nord, alors que les administrations publiques et leurs représentants y brillaient par leur indolence et leur passivité.
Zefzafi est devenu l’idole et le leader des démunis, des laissés pour compte, des jeunes au chômage, des citoyens frustrés et en colère parce que personne n’a su ou voulu se faire le porte-voix de ces Marocains et Marocaines abandonnés à leur sort depuis des décennies.
Une main seule…
Même si l’Etat, dans ses plus hautes sphères, a montré sa sollicitude, sa volonté de réforme et d’amélioration des conditions de vie dans la région du Nord, en lançant notamment des plans de développement dotés de plusieurs milliards de dirhams, on a bien vu que la machine a mis trop de temps à réagir, illustrant ainsi parfaitement le proverbe marocain bien connu, « une main seule ne saurait applaudir » !
Même si les pouvoirs publics ont assez rapidement tenté de corriger ce laxisme et ces erreurs, envoyé une forte délégation ministérielle à Al Hoceima, engagé un dialogue ouvert et promis de remédier aux lacunes tant dénoncées par les habitants, la dynamique de la contestation, de la surenchère, de l’outrance et de la posture radicale a pris le dessus.
Zefzafi et ses quelques partisans, en effet, ont voulu porter la contestation sur le terrain politique, institutionnel, religieux, prouvant par là même que leur objectif n’était pas celui qu’ils avaient proclamé jusque-là.
Ce sont l’Etat, le culte, les pouvoirs constitués, la Monarchie, l’unité nationale, l’intégrité territoriale, les valeurs identitaires, mais aussi la tolérance, l’ouverture, le respect de l’autre, qui ont été remis en cause, de façon aussi abrupte que publique par Nasser Zefzafi. Et cela, personne ne saura le contester !
Aujourd’hui, alors que la Justice est saisie, tandis que certains milieux, ultra-minoritaires, tentent d’empêcher que la tension ne retombe dans le Nord et s’échinent à lui organiser des répliques dans d’autres villes du Royaume, il s’agit d’aller vite, très vite.
D’abord, en donnant des assurances concrètes à ceux qui ont suivi Zefzafi, non dans ses dérapages, mais dans l’expression de revendications légitimes et urgentes.
Ensuite, en refusant de laisser le Rif en « terra nullius » où les partis et les hommes politiques sont quasiment absents. Où sont nos leaders, que n’organisent-ils des meetings à Nador, Tanger, Al Hoceima, Tétouan et ailleurs comme le faisaient leurs maîtres, les Abderrahim Bouabid, M’hammed Boucetta, Ali Yata, qui parcouraient le pays, haranguant les foules, encadrant les populations, exprimant et justifiant leurs revendications, mais dans le respect des institutions et des valeurs du pays ?
Encore, en mobilisant le gouvernement et le secteur privé afin que la création d’emplois et de richesses deviennent des priorités absolues de cette année 2017 et des suivantes.
Enfin, en abandonnant les restrictions budgétaires, l’austérité prônée par les institutions internationales, car à quoi servent les réductions de déficits, la rigueur des Finances publiques sinon à entretenir la pauvreté et la stagnation économique ?
Le Maroc a besoin d’une autre vision du développement que celle conduite d’après les conseils de la Banque Mondiale et le FMI.
Il y a trop de misère, de chômage, de désespoir et de frustration dans notre pays.
L’Etat, les forces politiques, les milieux économiques, la société civile doivent se mobiliser pour construire un autre modèle de développement que celui suivi depuis plusieurs décennies.
L’état de l’Education nationale, de la Santé publique, de l’Emploi, du Logement, nous prouve que ce sont les échecs dans ces secteurs clés qui ont produit Zefzafi et consorts !
Il faut faire autrement et vite…
Fahd YATA